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mocratique ; qu'il n'y a d'arbitre entr'eux que l'équité ; que chaque citoïen peut ouvrir des avis pour le bien public; que c'eft-là le moïen de fe diftinguer; qu'au contraire dans un roïaume, les gens de bien font fufpects, & n'ont fouvent d'autre prix de leur probité & de leur droiture que la mort. Que fert (continue-t-il [m] plein de fon enthoufiafme républicain) d'amaffer pour les héritiers des richesses, dont un tyran ravira la meilleure part, & d'élever avec foin des filles, qui deviendront la proie de fes defirs effrénés, & un fujet de lar. mes pour leurs parents?

Diogène le Cynique [n] s'eft déclaré pour la démocratie: c'eft auffi le fentiment de [o] Philon & de Machiavel.Euripide [p] le détermine pour la Démocratie par la raison que plufieurs ancres affurent mieux le vaiffeau qu'une feule. Ariftote trouve l'Ariftocratie préférable [9] dans les païs où la cavalerie eft plus nombreuse, & la Démocratie où la force de l'état confifte principalement dans l'infanterie. Il dit [r] que la multitude eft moins fujéte à la corruption, comme l'eau plus elle eft abondante, moins elle fe corrompt.

i.

Plutarque, dans le banquet des fages fait propofer par l'un des conviés cette queftion: Quel gouvernement populaire eft le plus parfait ? Solon répond que c'eft celui, où l'injure faite à un particulier intéreffe touts les citoïens, Bias, où la loi tient lieu de roi; Thalés, où les habitants ne font ni trop pauvres ni trop ri

[m] Le gouvernement démocratique introduit à Athénes par Thésée, y dura pen! Les Athéniens eurent encore quelques rois de puis Théfée.

[ 4 ] Δημοκρατία πρῶττον Τυραννίδος. Diog. Laert. in Diog. Cynic.

[ 0 ] Ευνομωτατη η πωλιτείων αρίςηδημο xparía. Phil Jud. de creat. princip.

[p] Eurip. ap. Stob, fermon. 41. de republ,

ches; Anacharfis,où la vertu eft en honneur, & le vice abhorré; Pittacus, où les dignités ne font accordées qu'aux gens de bien; Cléobule, où les citoïens craignent plus le blâme que la loi; Chilon,où, les loix font écoutées & non les orateurs.

Notre gouvernement eft populaire, dit [] Périclés, parce que nous avons pour but la félicité du peuple & non celle de quelques particuliers. Touts ont même droit au gouvernement quoique de conditions differentes,touts jouiffent des mêmes priviléges. L'honneur n'eft pas, déféré à la noblesse mais au mérite : la pauvreté ni la baffeffe de la condition, n'empêche pas un homme de monter aux dignités, pourvû qu'il s'en rende digne, & qu'il puiffe être utile à fon païs. Nous vivons entre nous en particulier avec la même liberté qu'en public, traitant enfemble avec gaieté & franchise, fans être fufpects les uns aux autres.

Rien n'eft plus facile que de réfuter tout ce qui vient d'être dit en faveur de la Démocratie. Quelle force peuvent avoir les loix, lorfqu'elles dépendent d'une multitude inconfidérée qui ne les entend pas? quelle fageffe & quelle conftance peut-on attendre d'un peuple, qui fe laiffe conduire par les difcours féditieux de quelques orateurs toujours prêts à le tromper pour leur intérêt particulier? bien loin de comparer ce peuple à un vaiffeau affuré par plufieurs ancres, ne reffemble-t-il pas plutôt [1] à une mer orageufe & battue continuellement de vents contraires ? L'égalité

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vantée par Périclés eft la fource de mil le défordres: la fageffe & la juftice ne peuvent fe trouver dans de pareils fuffrages: une fi baffe dépendance eft capable d'éteindre le zéle du citoïen le plus dévoué à fa patrie: rien n'eft fi fervile & fi propre à faire naître, & à entrecenir des foupçons & des défiances, que de voir dans touts les plus viles habitants d'une ville, des hommes qui ont le droit & le pouvoir de nuire aux plus il luftres & aux plus vertueux des citoïens 11 femble que les louanges données aux gouvernements Démocratiques foient autant de traits qui en faffent fentir la difformité.

Anacharfis a fait une defcription [#] fort jufte de cette efpéce de gouverne ment,lorfqu'il a dit qu'à Athènes les fa ges propofoient,& les fols décidoient. A goracrite dans Ariftophane [x] repré fente le peuple d'Athénes fous l'allégo. rie d'un vieillard très fenfé chez lui, mais qui dans les affemblées publiques tombe en enfance.:

Le gouvernement républicain a toujours été décrié pour l'ingratitude. Les Coriolans, les Camilles, les Scipions ont éprouvé [y] celle de la république Ro.

maine.

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progrès de Regulus,& après avoir baccu. l'armée Romaine, il avoit fait Regulus prifonnier. L'ingrate république donna des ordres fecrets à ceux qui reconduifo. ient Xantippe en Gréce fur les vaiffeaux de Carthage,de le faire périr en chemin

Les Athéniens ont donné des preuves de leur ingratitude envers leurs plus il luftres citoïens, par la prifon de Miltia de, l'exil de Thémiftocle, l'amende de Périclés, la mort de [b]Pachés, le ban niffement d'Ariftide, la condamnation de Socrate & de Phocion.

Lorique Cimon [c] fils de Miltiade revint comblé de gloire de fon expédition contre les Perfes, dans laquelle il avoit remporté dans une feule journée deux grandes victoires, l'une fur mer, l'autre fur terre, en forte que ce feut jour avoit égalé les deux journées de Platées & de Salamine, il ne fut pas plu tôt rentré dans fon ingrate patrie, qu'il fut poursuivien juftice,& en grand dan ger d'être condamné à mort fur la frivole accufation d'avoir manqué la conquête de la Macédoine par les intelligences avec les ennemis de la patrie.

Les généraux [d]Athéniens,qui remportérent fur mer une victoire des plus fignalées près des ifles Arginenfes fur les Lacédémoniens,aiant fuivi l'occafion de profiter de leur victoire, plutôt que de s'amufer à recueillir les corps flottants des foldats qui avoient été tués, pour faire des funérailles,leur procès leur fut fait à leur retour fur l'accufation de leurs envieux, & ils furent condamnés à mort par le peuple. Diomédon, un de ceux qui furent exécutés, n'emploïa pas fes derniers moments à représenter aux

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aiant été apellé en juftice pour rendre compte de fa conduite, tira fon épée en présence de fes Juges, & ferua. Plutarch. in Nicia, Thu cydid. lib. 3.

[c] Cornel. Nep, in Cimon

[d] Xenoph.hift.Grac.l.1 Val. Max.l1.cap.t.

Athéniens l'iniquité de cette condamna. tion, mais à prier les dieux que fa mort & celle de fes collégues tournât à l'avantage de la république. Il finit en expofant au peuple les voeux que l'armée avoit faits, de peur que la république ne fatisfaisant pas au devoir de s'en acquitter, n'attirât fur elle le courroux & la vengeance des dieux. Les Athéniens fe repentant d'avoir fait mourir ces grands hommes, condamnérent à mort leurs accufateurs, cette commune fe laiffant emporter par les mêmes mouve ments d'injustice & de légèreté que dans le jugement & après la condamnation de Socrate. La prière de Diomédon ne fut pas exaucée Chabrias général Athénien gagna peu après une bataille navale près de Naxos, aprés laquelle il fit chercher touts les corps flottants pour leur donner la fépulture: il ne poursuivit pas les ennemis qu'il pouvoit achever de vaincre. Les Lacédémoniens aïant réparé leurs pertes, fubjuguérent Athénes, qui fut expofée à beaucoup de calamités.

A Athénes on appelloit de touts les

[e] Plutarc.in Solon.

[f] Athénes fut d'abord gouvernée par des rois, Théfée en abdiquant la roiauté, fut le premier qui introduifit en Gréce le gouvernement populaire, Les Athéniens revinrent bientôt, & du vivant même de Théfée, à la premiére forme de leur gouvernement monar chique, Méneftée s'étant fait déclarer roi Après la mort de Cedrus, dernier roi d'Athé nes, Médon fon fils ainé fur Archonte perpé tuel. Ces Archontes perpétuels avoient une autorité illimitée, qui s'étendoit au civil & an militaire; mais ils étoient comptables de leur adminiftration au peuple. Il y eut quatorze Archontes perpetuels qui fe fuccéderent pendant l'efpace de plus de 300. ans: Aleméon fur le dernier de ces Archontes perpetuels. Depuis Aleméon cette magiftrature ne fut conferée que pour dix ans. Elle refta dans la famille

jugements des magiftrats au peuple. Solon fit part du gouvernement [] aux derniers des citoïens, qui avant lui n'avoient aucun droit de fuffrage. Après un dénombrement exact & une estima tion générale des biens de chaque particulier, il compofa le prémier ordre des citoïens de ceux qui se trouvérent avoir un revenu annuel montant à cinq cents minots tant en grains qu'en fruits liquides. Il mit au fecond rang ceux qui en avoient trois cents,& qui pouvoient entretenir un cheval de fervice. La troifié me claffe étoit remplie de ceux qui n'en avoient que deux cents. La quatrième. & derniére classe contenoit touts les mercenaires & gens vivants de leurs travail. Les citoïens de cette derniére claffe, ne pouvoient tenir ni exercer aucun office public, & leur droit de bourgeoifie étoit borné au fuffrage dans les élections, dans les délibérations publi ques, & dans les jugements.

L'histoire d'Athénes [f] nous frappe par fon bel endroit : Nous fommes é blouis par les batailles de Marathon & de Salamine, par des conquêtes, par la

felon d'autres, de Tléfias, fepriéme & dernier Archonte décennal. La famille de Codrys étant éteinte, le peuple créa des Archontes annuels, & au lieu d'un feul, il en établit neufchaque année. Le premier étoit appellé fimplement Archonte, & donnoit fon nom à l'année; le fecond éroir appellé roi, le troisiéme, Polémarque on général d'armée; les fix autres, Thefmotétes ou infpecteurs des loix, Ce changement fur fait la troisiéme année de la vingt quart éme Olympiade. Cette forme de gouvernement fut interrompue en que ques oc cafions, comme par la tyrannie de Pisistrate par

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l'autorité de Périclés, qui cependant cons ferva toujours l'apparence du gouvernement Démocratique; par les trente tyrans que Ly/andre établit, lorfque ce général Lacédémonien prit Athénes; par quelques autres tyrans, qui de temps en temps envahirent la

des Medontides, ou defcendants de Médon fils fouveraine pui Athénes eut beaucoup

de Codrus, jufqu'à la mort d'Eryxias, ou,

à fouffrir fous les

Macédoniens, & princi

pompe des fpectacles,par la magnificen cedes édifices publics; mais fi cette hif toire nous étaloit avec beaucoup d'ex actitude & de détailles tumultes des af femblées, les factions qui divifoient cette ville, les féditions qui l'agitoient, les citoïens les plus illuftres perfécutés, exilés, punis de mort au gré d'un harangueur violent & intéresse, on se perfuaderoit aifément que ce peuple fi jaloux en apparence de fa liberté, étoit dans la vérité plus efclave que dans tout autre gouvernement,que la vertu y étoit plus expoféc à l'oppreffion; & que ni la Macédoine qui étoit un état monarchique, ni la Perfe qui étoit un état Defpotique, ne fourniroient pas à beaucoup près tant d'exemples detyrannie,que la feule ville d'Athénes.

Les républiques de Gréce, dit [g] Cicéron, fe font perdues par la témérité & la licence des affemblées populaires. Rome ne fut pas exempte des mêmes troubles,& Tite Live[b]nous apprend que le peuple y fut à peine délivré de la orainte des rois, qu'il commença à être violem ment agité par les tempêtes des tribuns. Le peuple d'Athénes étoit oifif & cu

rieux, rempli de politiques décififs & de nouvelliftes empreffés. La forme de fon gouvernement fomentoit ces défauts. Théophrafte dans fes charactéres en fait une fatire fort ingénieufe, lorfqu'il dic que l'un a laiffé voler es habits dans le bain,pendant qu'il s'amnfe à débiter fes nouvelles aux paffants qu'il arrête; que l'autre, le jour même qu'il a pris une ville par fes beaux difcours, n'a pas eu de quoi dîner.

Démofthéne reproche à fes citoïens [] cette oifiveté par les traits de l'invective la plus éloquente: Vous n'allez pas plus loin que la place publique, pour vous demander les uns aux autres, Que dit-on de nouveau? Que peut-on vous apprendre de plus nouveau, que ce que vous voicz? Un homme de Macédoine fe rend maître des Athéniens, & fait la loi à toute la Gréce. Philippe eft-il mort, dit l'un? Non, dit l'autre, il n'eft que malade. Eh! que vous importe, qu'il vive ou qu'il meure? Quand les dieux vous auroient délivré de Philippe, vo tre nonchalance vous en auroit bientôt attiré un autre.

Dans la Démocratie c'est une confé

palement fous Caffander. Demetrius rendit la liberté aux Athéniens, qui en furent peu reconnoiffants: ear Demetrius niant perdu la bataille d'Ipfus en Phrygie, its lui refuférent un azyle Ce roi pour s'en venger, prit Athénes Elle fecous le joug des Macédoniens fe foutint avec affez de gloire, jusqu'à ce qu'elle fut prise par Sylla. L'empereur Adrien en fut le reftaurateur. Des barbares Scythes la prirent & la ruinérent fous l'empire de Gallien, l'an 260. de Jésus-Christ. Elle rentra peu aprés fous l'empire Romain. Alaric, roi des Goths, s'en empara du temps des empereurs Arcadius Honorius. L'empereur Justin's dans le fixiéme fiécle entreprit de la res tablir. Depuis elle a été oubliée pendant 700. ans Dans le reiziéme fiécleles

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Croifés aïant partagé entre eux les états de la Grèce, la font reparoitre dans l'hif toire. Elle paffa fous le titre de duthé dans plufieurs familles, de la Roche, de Briene, d'Acciaioli; elle fut poffédée par les Arragonois les Vénitiens, qufqu'à te que Mahomet II. s'en rendit maitre en 1455. Les Vénitiens l'ont reprise en 1687. elle porte aujourd'hui le nom de Sétine.

Grecorum refpublicæ fedentis concionis temeritate adminiftrantur. Cicer. orat pro Flacco.

Græcia concidit libertate immoderatâ & licentiâ concionum, Cic. ibid.

[h] Plebs foluta ̈regio metu, agitari capta Tribunitiis procellis, Tir, Liz lib. 2.

[i] Demoft, Philipis. I.

quence naturelle, que le peuple éléve aux magiftratures les citoïens les plus femblables à ceux, dont la pluralité des fuffrages a droit de décider, c'eft-à-dire,les plus incapables de gouverner; & c'eft le plus fouvent une marque de méxite & de vertu,que de recevoir de mauvais traitements d'une commune.

Ce gouvernement eft plus arbitraire que le gouvernement monarchique, & la licence eft bien plus grande de la part de ceux qui ne paroiffent chargés de rien, au nom defquels rien ne fe fait, & qui peuvent rejetter fur des caufes é trangeres les effets odieux de leurs fecrets artifices. Thémistocle appelloit fouvent fon petit garçon le maître de la Gréce, parceque, difoit-il, cet enfant gouverne fa mére,qui fait tout ce qu'elle veut de moi-même, & je commande moi à la ville d'Athénes, qui donne la Joi à toutela Gréce.

Il fetrouve toujours quelque citoïen qui difpofe à fon gré des fuffrages dans les affemblées nombreuses; & ce font ordinairement les plus factieux qui s'emparent de l'autorité. Xénophon témoigne qu'à Athénes les citoïens qui a voient le moins de capacité & de vertu, fouloient aux piés ceux qui excelloient

[k] Plutarch. in Lycurg.

[1] Ariftot.polit.lib.z.cap.5.Cic. derepubl. {m} Dans la république de Hollande, les états particulièrs de chaque province font fou verains de l'étendue de leur jurisdiction: ils ordennent des impôts, font battre monnoie, & exercent touts les autres actes de fouverai. neté. L'oppofition d'une feule ville empêche la conclufion des affaires proposées. Chaque pro vince envoie tel nombre de députés qu'elle juge à propos aux états généraux, aufquels il appartient de décider de la paix de la guerre de des alliances avec les puillances étrangeres Tours les députés de scha que province ne forment qu'une voix, dont Toppofition empêche que les délibérations des

en toutes fortes de bonnes qualités Un Lacédémonien aïant propofé [k] à Lycurgue d'établir le gouvernement Démocratique, Commences d'abord, lui répondit ce fage légiflateur, par l'établir en ta maifon, avant que d'en propofer l'établiffement pour la répu blique.

Il n'y a point, fuivant Ariftote [/] & Cicéron, de fi dangereule tyrannie que celle du peuple. Les citoïens les plus fages & les plus vertueux des républiques de Rome & d'Athénes étoient plus portés pour l'Ariftocratie que pour le gouvernement populaire...

Dans les gouvernements Démocra tiques qui fubfiftent de nos jours, tels que ceux de [m] Hollande & de [n] Suiffe, les affemblées générales du peuple ne décident plus comme autrefois à Athenes & à Rome. Le peuple y eft repréfenté par des députés. Le gouver nement Démocratique dont l'autorité eft exercée par des députés, fans appel au peuple, reffemble fort au gouvernement Ariftocratique.

Ce dernier gouvernement eft van De l'Arif té pour la pluralité des confeils & la tocratie. fageffe des délibérations. Un confeil formé de l'élite des citoïens eft propre

fox autres provinces qui représentent le corps entier de la république, n'aient leur effet; & les affaires ne sy décident pas à la pluralité des fuffrages, mais par un confentement général unanime Le confeil d'état représente la république en l'absence des états généraux. Il est composé de douze députés des provinces dont les voix font comptées par perfonnes, & non par provinces. La chambre des compres outre cela, eft compofée de deux autres députés de chaque province..

[n] Les cantons Saiffes ne dépendent en rien les uns des autres. Ily a fept cantons Ca❤ tholiques, quatre Broteftants, & deux com posés de différentes fectes. Les affemblées gé nérales du corpsHelvétique fe tiennent àBadera.

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