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d'après quelles données ils se sont formé cette opinion si légère et pourtant si arrêtée de la chute prochaine et finale de la religion de Jésus-Christ? Qui vous l'a suggérée, ennemis de la croix? Est-ce l'état de dépérissement et de décadence de tant de cultes qui se disent chrétiens, mais qui n'ont que l'apparence et ne sont que la caricature du vrai Christianisme? Est-ce la vie mondaine, l'indifférence, la tiédeur? sont-ce les vices de ces masses qui, tout en se réclamant du nom de Christ, ne pensent pas plus à lui que s'il ne fût jamais venu sur la terre? Mais il me semble qu'au lieu de vous arrêter ainsi à la surface des phénomènes extérieurs, vous auriez dû procéder d'une manière plus loyale et plus sérieuse dans vos recherches, et vous attacher à résoudre les deux questions suivantes : d'abord, les dogmes chrétiens sont-ils en eux-mêmes et par leur nature susceptibles de vieillir et de passer? et ensuite, est-il vrai qu'ils ne soient plus crus dans notre siècle, et qu'ils n'exercent plus aucune action sur les âmes? Or, à l'égard du premier point, vous vous seriez convaincus que le Christianisme. n'est pas mort et ne saurait mourir, parce qu'il repose sur des preuves trop évidentes de vérité et de divinité, parce qu'il renferme seul une solution satisfaisante des mystères de l'existence humaine, parce qu'il fournit seul à l'homme un fondement solide d'espérance, parce qu'il lui présente seul des motifs puissans à la pratique du bien, parce qu'il lui offre seul des secours efficaces dans l'accomplissement de ses devoirs, parce que de toutes les religions il est la seule qui soit assez simple pour se mettre à la portée des plus simples, assez sublime et assez profonde pour s'adresser en même temps aux intelligences les plus développées ; enfin parce qu'il répond seul aux besoins les plus intimes de l'homme dans tous les âges, dans toutes les positions, à tous les degrés de culture et sous tous les climats des cieux. Et, quant au second point, vous vous seriez assurés que ce que la foi chrétienne a produit dans les premiers temps de l'Eglise, elle le produit encore aujourd'hui dans tous les lieux du monde et partout où il y a de vrais fidèles. Cherchez les Chrétiens au milieu de ces masses qui les dérobent à votre vue, et vous les trouverez. Examinez-les de près, suivez-les dans leur vie pri

vée et dans leur vie publique, pénétrez dans l'intérieur de leurs familles, voyez les œuvres de leur foi et de leur charité, soyez témoins de leurs prières, considérez avec quel calme ils supportent leurs épreuves, avec quelle confiance ils s'abandonnent à la volonté de leur Père céleste, quelle est la sainteté de leur foi, quelle est la pureté de leur bonheur. Non, l'Evangile n'a point péri ; il ne saurait périr, parce qu'il est éternel. Dè ce que le monde ne croit pas à la Parole de Dieu, il ne faut pas conclure que la Parole de Dieu est inefficace; car si la généralité des hommes y croyait, la généralité des hommes serait changée ; il y a dans l'Evangile assez de vertu pour les changer tous : Il est la puissance même de Dieu pour opérer le salut de tous ceux qui croient.

Le mot de Chrétien me paraît renfermer tout un ordre d'idées et nous révéler la vraie nature de la piété; car Chrétien signifie tout à la fois, qui appartient à Christ, qui invoque Christ, qui se glorifie en Christ, qui se confie en Christ, qui se soumet à Christ, qui suit les préceptes et la vie de Christ. Que penser après cela de tant d'ouvrages qui circulent dans le monde sous le titre de chrétiens, de tant de prédications que l'on entend sous le beau nom d'Evangile, mais dans lesquels la rédemption est mise de côté ou légèrement effleurée, où JésusChrist est presque toujours présenté comme docteur et à peine comme Sauveur, où l'on parle beaucoup des œuvres de l'homme et presque point de l'œuvre de Dieu, où la grande doctrine du Saint-Esprit et la nécessité de la régénération ne sont jamais mentionnées? Ce qu'il en faut penser, c'est que ces enseignemens peuvent être fort estimables comme ouvrages de morale et de philosophie, et qu'ils ont droit de réclamer le titre de traités sur la religion naturelle, de rationalisme, de déisme, mais non pas celui de Christianisme. Que penser d'une classe de personnes, à qui l'on ne saurait refuser une certaine piété, mais dont les sentimens religieux se bornent à une confiance générale dans la Providence, à des émotions causées par la contemplation de quelqu'une des grandes scènes de la nature, et à la foi en l'immortalité, sinon qu'elles ont de la religiosité, mais non pas de la piété chrétienne? car la foi en la providence

du Dieu de la nature ne saurait exister sans la foi en la providence du Dieu de la grâce, qui aime nos âmes, qui les sauve et qui les sanctifie par l'Esprit de Christ. La paix, qui la possède, si ce n'est celui qui croit que Jésus-Christ a expié tous ses péchés par ses souffrances et par sa mort? L'élévation de l'âme à Dieu, la communion avec Dieu, qui la connaît, sinon celui qui sait qu'il a pour médiateur et pour avocat auprès de lui un sacrificateur puissant et miséricordieux dans la personne de son Fils? L'espérance de la vie éternelle, qui est-ce qui la sent animer son âme, sinon celui qui est convaincu que Christ et Christ seul a mis en évidence la vie et l'immortalité par l'Evangile ? Et de même qu'on ne saurait concevoir de doctrine évangélique sans le Christ, objet de toutes les prophéties, réalité de tous les types, fin de tous les sacrifices, exécuteur de toutes les promesses, canal de toutes les grâces, obtenant tout, méritant tout, donnant tout à l'homme pécheur par le mérite ineffable de sa passion et de son obéissance, de même il n'est pas possible de se représenter la vie chrétienne sans amour dominant pour Christ, sans prières à Christ, sans confession du nom de Christ, sans recours à Christ dans la souffrance, sans action de grâces à Christ dans la joie, sans Christ au commencement, Christ à la fin, Christ en tout et partout.

Oui, il est important de le dire, il y a une différence essentielle, totale, entre le Chrétien et l'homme du monde même le plus vertueux. Cette différence, pour être moins sensible aujourd'hui extérieurement qu'au premier siècle de l'Église, n'en est pas moins réelle et fondamentale. Les Chrétiens et le monde sont deux peuples à part, deux sociétés distinctes, deux classes d'hommes qui peuvent se ressembler sous quelques rapports extérieurs, mais entre lesquels il y a, spirituellement et moralement parlant, toute la distance qui se trouve entre la vérité et l'erreur, la vie et la mort, le ciel et la terre. Principes, affections, désirs, tendance, but, espérance, rien ne leur est commun. Ce n'est pas que je veuille nier l'influence que le Christianisme a exercée sur la société européenne; mais il y a et il y aura jusqu'à la fin un abîme incommensurable entre l'enfant de Dieu et l'enfant de la terre. Le premier a reçu la

vie du ciel par le Saint-Esprit qui habite en lui; le second, étranger à la vie divine, à la vie de l'âme, ne connaît d'autres principes d'action que les forces qu'il a reçues de la nature. Le premier agit par amour pour Dieu et rapporte tout à sa gloire; le second n'est mû que par l'intérêt personnel, l'opinion du monde ou le sentiment vague du devoir. Le premier aspire à la sainteté et tend à devenir saint comme Dieu est saint; le second ne recherche que la simple moralité, c'est-à-dire la conformité des actes extérieurs de la vie avec les principes plus ou moins sévères, plus ou moins relâchés qu'il s'est faits.

Cette différence doit devenir de plus en plus tranchée. Il faut que les vrais disciples de Jésus-Christ, en nos jours', se distinguent autant des Chrétiens de nom au milieu desquels ils vivent, que les membres de l'Eglise d'Antioche s'éloignaient par leur vie de la vie de leurs compatriotes païens. Il faut par la sainteté rendre aujourd'hui à ce beau nom de Chrétien cette gloire qu'il n'a perdue que par la mondanité de ceux qui l'ont injustement porté. Je vais plus loin: il faut par la sainteté lui restituer cet opprobre qui y serait encore attaché, si tous ceux qui s'en honorent étaient ce qu'ils doivent être ; car si le monde aime le Christianisme, c'est qu'il le méconnaît; et du moment qu'il le verra tel qu'il est, il le haïra avec la même facilité qu'il l'a aimé. Car pourquoi se le dissimuler? tant que le monde demeurera ce qu'il est, c'est-à-dire le monde, il ne pourra ni aimer Jésus-Christ, ni s'affectionner à ceux qui, vivant de sa vie et pour sa gloire, confessent son nom et portent son image. Glorifier par notre vie le beau nom qui a été invoqué sur nous, voilà donc la tâche qui nous est imposée. Pénétrons-nous bien de son importance, et travaillons de toutes nos forces à nous conduire de plus en plus d'une manière digne de notre céleste

vocation.

VARIÉTÉS.

Situation religieuse des Vallées du Piémont.

Nous retardons depuis long-temps déjà de parler des violences exercées dans les vallées du Piémont contre les Chrétiens, non plus comme autrefois par les catholiques, mais par des protestans qui croient devoir s'opposer aux progrès de la vie religieuse, parce qu'ils y sont eux-mêmes encore étrangers. Nous avions pensé que des représentations et des conseils devaient précéder la publication de faits déplorables auxquels il était peut-être possible de mettre un terme par la persuasion; nous y avons eu recours, et nous croyons n'avoir négligé aucune voie de conciliation pour le rétablissement de la paix; mais en vain; il faut donc nous décider à exposer au public chrétien ce qui a lieu au sein de ces vallées qui ont été jadis la gloire de l'Église, afin que les prières des fidèles obtiennent de leur Chef divin ce que les invitations fraternelles n'ont pu obtenir des hommes. Toutefois, aujourd'hui encore, nous ne publierons pas les nombreux documens que nous recueillons depuis plusieurs années sur ce qui se passe en Piémont et qui nous permettraient d'écrire une histoire de la persécution du XIXe siècle aussi complète que celle que Léger a écrite des persécutions de son temps; nous préférons n'en venir à citer des noms propres et à raconter des faits particuliers qu'à la dernière extrémité, nous souvenant que la charité est patiente et qu'elle ne se décide à accuser que lorsque le devoir en est impérieux, et que ce serait pécher que de se taire. Nous nous bornerons à peu près dans cet article à des faits déjà publiés par un journal de Londres; nous en avons d'autres en réserve, s'il faut absolument les faire connaître.

Il y a parmi les protestans de la commune de Saint-Jean une majorité qui est hostile à la manifestation de la vie chrétienne, et une minorité qui se conforme fidèlement aux règles de conduite que trace la Parole de Dieu. La majorité qui s'était

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