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résultats? Pourquoi, en promettant d'abord, comme la Société de Berne, moins que ce que nous pourrons à la rigueur tenir, n'aurions-nous pas, comme elle, la joie de tenir un jour beaucoup au-delà de ce que nous aurons promis? Il vaut la peine au moins d'essayer, et de voir si, en allant moins vite, nous n'irons pas plus sûrement et nous n'atteindrons pas mieux le but. C'est dans les réglemens de la Société de Berne qu'avaient été puisées les principales dispositions du projet présenté en 1830 aux églises par un assez grand nombre de pasteurs réunis à Paris, projet moins séduisant en apparence, mais que nous croyons plus solide en réalité que le plan auquel nos frères de Bordeaux ont donné la préférence (1). S'il y a jamais opportunité à le faire, nous dirons pourquoi nous pensons que le siége d'une pareille Société serait mieux placé à Paris que nulle part ailleurs, et l'on verra que notre conviction repose sur des motifs purs de tout esprit de localité, et tirés exclusivement de l'intérêt de la Société.

Nous espérons que nos frères, membres de la Société de Bordeaux, recevront ces réflexions dans le même esprit qui nous les dicte. Nous n'avons cédé qu'à une conviction sincère fondée sur l'expérience et sur les faits, et à l'importance, s'il était reconnu nécessaire de réexaminer les fondemens de l'édifice, que cet examen fût fait avec le moins de retard possible. Nous croyons qu'ils se sont trompés; mais ils se sont trompés par zèle pour une bonne et noble cause; nous n'en sommes pas moins reconnaissans de leurs intentions et de leurs efforts, et pas moins prêts à coopérer avec eux à une pareille œuvre par tous les moyens qu'ils nous indiqueraient, et qui nous sembleraient

(1) Le projet rédigé à Paris l'a été par quelques-uns des financiers les plus expérimentés de la capitale. Il a été imprimé dans le temps, et sera expédié, franc de port, à toute personne qui en fera la deinande, franco, à M. le pasteur Monod père, président du Consistoire de l'Eglise réformée de Paris, rue du faubourg Saint-Martin, no 80. Des modifications devront sans doute y être introduites; mais les bases nous en paraissent sages et dignes de la méditation et de la confiance de MM. les pasteurs.

1832.-15° année.

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propres à conduire au but qu'il nous tient à cœur comme à eux d'atteindre le plus promptement et le mieux possible.

Observations sur l'article des Archives du Christianisme (livraison de février 1832), concernant la situation religieuse des vallées du Piémont.

A Messieurs les Rédacteurs des Archives du Christianisme.

Quelques habitans des paisibles vallées du Piémont, amis de la vérité et de la paix, ayant lu dans votre journal un article dirigé contre eux (1), tendant à les faire envisager comme étant dans un état de dissension, de trouble et de persécution, dès lors à présenter sous un faux jour leur véritable situation religieuse, ce qui peut leur nuire sous bien des rapports, désireraient se servir de la même voie de publicité pour rectifier les inculpations qui pèsent sur eux. Ils protestent devant Dieu que ce n'est point dans un esprit de contestation ou de chicane qu'ils font cette démarche, mais dans l'esprit de cette charité patiente qui excuse tout, qui tolère tout et qui ne s'aigrit point. Ils ne veulent point entrer en lice pour soutenir une longue lutte; mais ils se font une loi, après ces premières représentations, de ne plus en reproduire d'autres, si ce n'est pour repousser une évidente calomnie.

D'abord, ils remarquent dans l'intitulation même de l'article quelque chose de trop général : il annonce qu'il va exposer la situation religieuse des vallées du Piémont, et tout ce qu'il renferme est relatif à la seule église de Saint-Jean (2); car sous

(1) Nous nous sentons plus à l'aise vis-à-vis de l'anonyme que vis-àvis de M. le pasteur Bert; nous entrerons, en conséquence, dans plus de détails. Ce n'est pas contre quelques habitans paisibles des Vallées qu'est dirigé notre article, mais contre les persécuteurs et les ennemis de la vérité, ou plutôt contre la persécution et l'erreur. (Red.)

(2) C'est dans l'Eglise de Saint-Jean que se sont passés les faits af

le rapport religieux elles vivent dans une parfaite tranquillité. A quelques légères exceptions près, auxquelles ont donné lieu les séparatistes de cette commune, les Eglises de ces vallées se trouvent dans le même état de calme et de paix dont elles ont joui depuis long-temps. Il est fâcheux de devoir convenir de certains faits (1), que les vrais amis de la religion blåment ou ́vertement (2); mais quand on publie que ces faits fourniraient de quoi écrire une histoire des persécutions aussi complète que celle de Léger (3), on a droit de se récrier contre de pareilles exagérations, à moins qu'on ne doive voir en cela qu'un langage hyperbolique, effet ordinaire d'un enthousiasme poétique ou d'un zèle ardent pour la cause qu'on défend. Quand on parle de persécutions semblables (4) à celles du temps de Léger, l'imagination vous retrace de suite des tableaux peints avec des couleurs de sang, des emprisonnemens, des proscriptions, des confiscations, des incendies; et jusques à présent, grâces en soient rendues à Celui qui veille aux besoins de son Eglise, il n'y a pas eu une seule goutte de sang répandue (5),

fligeans que nous avons cru devoir signaler. Si nous ne nous étions pas bornés à parler des persécutions, et que nous eussions voulu nous occuper de l'état de la foi et des mœurs dans chaque paroisse en particulier, nous craignons, hélas! que celle de Saint-Jean ne soit pas la seule qui aurait fourni matière à des réflexions affligeantes. (Réd.)

(1) Nous prenons acte de cet aveu que notre correspondant anonyme veuille rapporter fidèlement et en détail ces certains faits, et notre article de février sera plus que justifié. (Red.)

(2) Pourquoi donc les Consistoires, les pasteurs ni le synode des Vallées n'ont-ils blâmé ouvertement et publiquement les persécutions et les injustices que nous avons signalées? (Réd.)

(3) Nous n'avons pas dit ce que le correspondant nous fait dire ici. (Voy. p. 410, note 2.) (Red.)

(4) Pourquoi l'auteur substitue-t-il ici le mot semblable aux mots aussi complète? Est-ce inadvertance? Le développement qui suit ferait penser que non. (Réd.)

(5) Mais plusieurs maisons ont été assaillies à coups de pierres ; M. François Gay a été laissé pour mort à quelques pas de chez lui par deux mauvais sujets; M. Paul Revel a été battu, et son habit déchiré, le

aucune voie de rigueur de la part de l'autorité (1). La seule persécution qu'il y ait eu et dont les séparatistes se plaignent amèrement, c'est qu'on ne leur ait pas laissé une pleine liberté de faire des réunions nocturnes et hors de temps, et qu'on ait voulu les astreindre à se conformer à un réglement de police qui ne les regarde pas plus eux, en particulier, que le reste de la population piémontaise (2). Pour justifier l'autorité de ce qu'elle a exercé une surveillance rigoureuse (3), il suffirait de

25 mars dernier, à Rocheplatte, parce qu'il lisait la Bible dans une réunion, et bien d'autres faits antérieurs ou postérieurs à notre article, que nous pourrons publier, si on nous y force par d'imprudentes dénégations. (Réd.)

(1) Plusieurs chrétiens évangéliques ont été, à différentes fois, cités à comparaître devant le commandant de Pignerol pour répondre aux imputations les plus odieuses; deux d'entre eux ont été chassés du temple à coups de bâtons, en présence du Consistoire, après un service du dimanche matin. M. l'ancien Lautaré a été destitué pour avoir fait baptiser son enfant par un ministre de son choix; procès-verbal a été dressé contre les deux Gay et Lautaré par le syndic, parce qu'ils ont été trouvés réunis à eux trois seulement pour lire la Bible, etc., etc. Ces faits nous paraissent constituer des actes de rigueur. (Réd.)

(2) Nos correspondans, comme l'on voit, insistent beaucoup sur ce qu'il y a cu des réunions nocturnes; ils n'ignorent cependant pas que l'usage des veillées est assez généralement répandu dans les Vallées, et que même, de tout temps, on a eu la coutume, dans quelques-unes de ces veillées, de chanter des psaumes et de lire la Parole de Dieu. Ainsi le réglement de police n'est pas fait contre les réunions d'édification. (Red.)

(3) Rigoureuse est le mot; car le syndic a souvent parcouru les hameaux de sa commune, allant de maison en maison pour s'assurer s'il n'y avait nulle part des gens réunis pour adorer Dieu, le jour du dimanche. Il y a eu des réunions ailleurs qu'à Saint-Jean, à la Tour, à Rora, à Villard, à Angrogne, à Saint-Germain, à Prarustin, et les syndics de ces communes ne les ont pas troublées, et n'ont pas craint d'être destitués et mis en prison pour avoir laissé enfreindre le réglement de police. M. le commandant de Pignerol a dit à M.F.Gay: Ce sont vos protestans qui vous dénoncent et qui vous accusent. Le syndic de la Tour, catholique romain, a souvent résisté aux sollicitations de protestans qui demandaient qu'on empêchât les réunions de ceux qui aiment mieux lire

citer l'article même du réglement qui menace le syndic de la destitution de son emploi et de trois mois de prison, s'il ne dénonce les réunions dont il a connaissance, de quelque genre qu'elles puissent être, politiques, religieuses, littéraires, déjà connues ou nouvellement formées, sous quelque dénomination que ce soit et lors même qu'il en connaîtrait le but. Quelques procédés un peu violens et contraires à la charité chrétienne, il est vrai, ont fait sonner le tocsin d'alarme; mais des faits particuliers, provoqués par l'infraction des réglemens de police et produits par le ressentiment, ne sont pas des persécutions; et ceux qu'on appelle des persécuteurs, nous pouvons le dire avec confiance, n'ont eu d'autre intention que celle de défendre la religion contre toute espèce d'innovation (1), ne fût- ce même que dans les formes. Malheur à celui chez qui la passion et l'esprit de parti l'emportent sur le véritable zèle pour la gloire de Dieu (2)!

Pour donner une idée plus exacte de l'état des choses, si les correspondans du rédacteur l'avaient mieux informé, au lieu de faire deux classes des habitans de la commune de Saint-Jean, qu'ils appellent la majorité et la minorité, ils auraient dû en établir trois: la majorité composée des dix-neuf vingtièmes de ↳ population, et partager le reste en deux corps opposés l'un à l'autre, que l'on pourrait désigner sous le nom de parties actives; le lecteur aurait pu voir alors que la majorité ne persécute pas, puisqu'elle ne prend aucune part aux démêlés dont on l'accuse;

la Bible que de jouer, boire et danser; car les réunions de cette dernière nature ne sont entravées en aucune manière. M. le syndic de Saint-Jean a souvent été le porteur de ses propres dépêches pour M. le commandant de la province, et presque toujours il a été présent lorsque ce magistrat a interrogé les accusés. (Réd.)

(1) Il aurait valu la peine de signaler au moins les plus blâmables d'entre ces innovations. On sait pour combien de personnes l'Evangile est une chose toute nouvelle, et pour lesquelles se convertir à Dieu, c'est changer de religion. (Réd.)

(2) Nous sommes ici entièrement d'accord avec notre correspondant.

(Red.)

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