Page images
PDF
EPUB

« A notre retour de notre excursion à la cascade de l'Arc-en-Ciel, je me rendis avec M. Stribbling à la maison des missions; nous eûmes le bonheurinattendu d'y voir la dernière prêtresse héréditaire de Pélé.

<< En partant du volcan de Kirauea, dans l'île de Hawaii, que nous avions visité et auquel cette déesse préside, M. Goodrich fit la remarque que la prêtresse demeurait à une très petite distance et, à notre demande, il lui envoya un messager pour l'inviter à se rendre auprès de nous. Elle vint presque aussitôt, suivie de sa maison, composée de huit à dix individus des deux sexes. Elle me fit l'effet d'avoir de quarante à quarante-cinq ans. C'est une femme d'une haute taille, belle et majestueuse. Elle était enveloppée d'un large manteau, dont les plis, tombant jusqu'à terre, se dessinaient comme ceux d'une toge romaine. Nous fâmes tous frappés de son aspect, lorsqu'elle entra dans la salle, suivie de ses gens. Après avoir reçu nos salutations, elle s'assit à la turque, sur une natte, au milieu de la chambre. Le caractère de sa figure est noble et imposant, et indique une âme forte et élevée. En voyant ses yeux noirs et perçans, j'ai compris facilement qu'ils devaient avoir excité la terreur parmi ses sectateurs, lorsqu'ils étincelaient au milieu de la fureur d'une inspiration imaginaire. Maintenant il n'y avait pas seulement sur sa figure l'expression d'un profond sérieux, mais encore celle. d'une mélancolie habituelle qui, jointe à la noblesse et au caractère marqué de ses traits, me rappela un superbe tableau représentant la Muse tragique, que j'ai vu quelque part.

« Il est probable que l'impression que je reçus fut augmentée par le souvenir d'une rencontre que je fis, lorsque je demeurais à La haina, d'une prêtresse de Pélé, d'un rang inférieur, qui réclamait encore à cette époque les prérogatives de sa classe. Je la rencontrai inopinément dans une de mes promenades du soir. Elle était suivie d'une foule immense; quelques-uns de ceux qui la composaient paraissaient être sous l'influence d'un sentiment superstitieux à son égard; d'autres, au contraire, semblaient disposés à se moquer de ses prétentions. Elle était habillée d'une manière fantastique; ses cheveux flottaient; ses yeux étincelaient avec frénésie; elle était excitée au plus haut degré par l'inspiration factice qu'elle jouait. Elle avait l'air d'un maniaque, et je crus vraiment qu'elle l'était jusqu'au moment où les exclamations de la foule : « C'est une déesse ! C'est une déesse!» m'eurent détrompé.

<< Elle s'approcha de moi d'un air fier et décidé, comme pour

m'intimider, et balançant devant elle le drapeau de tapa qu'elle tenait, elle s'écria : « Je suis une déesse ! Je suis vraiment une déesse! « Les palapala et le pute (les livres et la religion) ne sont pas bons. «Ils ruineront le peuple! » Jusque-là j'avais continué mon chemin, sans paraître faire attention à ce qu'elle disait; mais me voyant ainsi interpellé, et considérant ses cris comme une espèce de défi, je m'arrêtai, et réfléchissant un instant à ce qu'il serait convenable de faire, je la regardai fixement, puis je l'accusai de fausseté et de méchanceté dans ses efforts pour tromper le peuple, en se proclamant une déesse, tandis quelle savait bien n'être qu'un imposteur et que ses prétentions à l'inspiration n'étaient que mea punipuni wate no, ( mensonge seulement.) Je lui parlai d'un ton sérieux et ferme, et mes paroles eurent l'effet que je désirais. Elle ne put soutenir la fixité de mon regard. Ses yeux errèrent, puis se baissèrent; elle devint de plus en plus embarrassée, et essaya de tourner le tout en plaisanterie; mais je continuai mes reproches jusqu'à ce qu'enfin elle s'éloigna précipitamment, sans rien dire, et suivie des moqueries et des cris de toute la foule.

« Cette femme était petite et n'avait rien de remarquable dans sa figure, si ce n'est ses yeux, qui étaient brillans et expressifs; dans l'accès d'enthousiasme où je la vis d'abord, elle avait cependant une expression si extraordinaire, que même un homme supérieur aux idées superstitieuses aurait pu en être effrayé; elle me rappela ce que je me suis toujours figuré qu'étaient les démoniaques, dans le temps où Dieu, dans ses desseins impénétrables, permettait qu'il y en eût.

« Le souvenir très vif de l'impression que cette rencontre avait produite sur moi, et la comparaison que je fis entre la prêtresse inférieure et celle que je voyais alors et qui était tout à l'avantage de celle-ci, me firent comprendre à quel point, avec la force d'expression et d'action dont sa figure et sa personne étaient évidemment capables, lorsque, sous l'empire d'une inspiration prétendue de la divinité dont elle était l'interprète, elle s'agitait et se mettait hors d'elle, la prêtresse en chef devait avoir produit sur un crédule idolâtre des impressions et des craintes, que celui-ci attribuait sans hésiter au pouvoir et à l'influence d'un être surnaturel.

« C'est par des scènes de ce genre et par l'effet qu'elles ne manquaient pas de produire. que les prêtres et les prêtresses et en particulier celles de Pélé, la déesse des volcans, continuèrent si longtemps à dominer sur la crédulité et la superstition du peuple.

« La grande prêtresse est à présent une chrétienne sincère et

l'une des élèves les plus attentives de la station, où elle réside uniquement pour profiter des avantages de l'instruction qui y est donnée. Elle est si convaincue des misères et de la folie de son ancien état, que ce n'est qu'avec peine qu'elle se décide à en parler. Son père était le kahu héréditaire ou intendant de Pélé. La charge du kahu était de procurer les choses nécessaires aux sacrifices généraux, la nourriture et les vêtemens pour la déesse. Il devait cultiver le taro, les pommes de terre et la canne à sucre, ainsi que le cotonnier dont on fabriquait ses vêtemens, et veiller à ce que tout fût prêt pour les offrandes, lorsque l'époque où elles devaient être faites arrivait.

« L'une des plantations consacrées à la déesse était située sur le bord de la mer et l'autre dans le voisinage du cratère. Le kahu et sa famille demeuraient tantôt sur la côte, tantôt près du volcan.

« Au temps des sacrifices, la prêtresse descendait elle-même dans les profondeurs du volcan, et s'approchant le plus possible de l'endroit d'où s'échappent les flammes, elle y jetait les dons en s'écriant: « Pélé, voici ta nourriture! » Puis elle spécifiait chaque objet. Elle ajoutait : « Voici tes vêtemens! » et nommait aussi chaque pièce d'habillement. Lorsque je lui demandai si elle n'avait pas eu peur d'approcher tellement du feu, elle répondit que non, qu'elle croyait dans ce temps-là que la déesse la préserverait de tout mal; mais qu'à présent qu'elle savait qu'il n'existe pas de Pélé, elle n'oserait plus aller dans les endroits où elle s'aventurait autrefois, de peur de périr victime de sa témérité.

« C'est ainsi que le christianisme s'est établi par`d'heureux et rapides progrès au milieu d'une population toute païenne; c'est ainsi que les ténèbres de la superstition et de l'erreur se sont évanouies devant la pure lumière de l'Évangile. Ceux même qui avaient vieilli dans la célébration des rites favoris du paganisme, et qui appartenaient à une caste qui exerçait une influence illimitée et qui jouissait d'un rang distingué, ont anéanti de leurs propres mains l'échafaudage de leurs erreurs, et, convaincus de leur ignorance et de leur corruption, se sont humblement assis aux pieds de l'auteur de notre salut pour être instruits et rachetés par lui.

« Les habitans de cette portion de Hawaii sont de tous les insulaires les plus grossiers et les plus sauvages; ils ne forment cependant plus un peuple païen; mais, comme tout notre équipage a été à même de s'en convaincre, dans toute l'étendue du terme, un peuple chrétien. La description que j'ai déjà faite d'un dimanche

passé dans cette île (1) aura donné une idée de la manière dont les lois extérieures du Christianisme y sont observées; je peux ajouter à ce que j'ai dit qu'en ce saint jour, pas un canot ne fut vu sur mer, excepté pour conduire les indigènes à l'église, et que nous ne vimes personne se livrer au travail ou à des divertissemens. On permit à une quarantaine de gens de l'équipage d'aller à terre dans l'après-midi, et les récits qu'ils firent à leurs camarades restés à bord me convainquirent amplement du changement total qui s'était opéré dans les mœurs de tout le peuple. Les insulaires étaient si scrupuleux dans l'observation du dimanche, que ce fut én vain que les matelots cherchèrent à acheter quoi que ce soit. Ils ne purent même obtenir des melons et des bananes que comme des dons de l'hospitalité. Ils n'observèrent aucun rassemblement bruyant ou joyeux. Les hommes les traitaient avec civilité, quand ils entraient dans leurs maisons; les femmes s'éloignaient à leur approche et se retiraient dans l'intérieur de leurs familles, y cherchant un abri contre toute familiarité, tellement que personne, à ma connaissance, n'a pu dire qu'il ait trouvé un seul exemple d'immoralité dans toute la baie de Byron.

«La force de cette dernière preuve d'un changement complet sera surtout appréciée par ceux qui savent quelle espèce de rapports s'établissaient, il y a peu d'années encore, entre les étrangers

et les habitans des îles Sandwich.

<< Le long de la côte on n'entend ni musique bruyante et barbare, ni chants lascifs, mais bien, le sourd murmure qui s'élève de l'école, la prière et les cantiques du matin et du soir. »

Ouverture des Cours de l'Ecole de Théologie Evangélique de Genève

Nous apprenons que la Direction de l'École de Théologie de Genève, dont nous avons annoncé la formation, a arrêté qu'il y aurait chaque année deux cours dans l'École, comme dans les Universités d'Allemagne : l'un d'été, qui commencera après Pâques, et l'autre d'hiver, qui commencera à la fin d'octobre. Bien que l'on se trouve maintenant au milieu

(1) Nous publierons peut-être ce morceau.

des cours d'hiver, et que les cours ordinaires et réguliers ne puissent commencer qu'avec le cours d'été prochain (après Pâques 1832), la Direction a jugé convenable de ne pas renvoyer jusqu'à cette époque l'ouverture de l'école. Des cours préliminaires commenceront en conséquence dans la seconde quinzaine de janvier (1832). Nous pouvons donc annoncer l'entrée en activité de cette Ecole dans laquelle les futurs conducteurs des Églises réformées de la langue française trouveront, s'il plaît à Dieu, avec la science, l'enseignement des grands principes du Christianisme et de la Réformation. M. Gaussen, si connu dans nos Églises et dans le monde religieux en général, qui a été dans les mains de Dieu le principal instrument pour la fondation de cette institution devenue si nécessaire dans ces jours de réveil, consacre à cette œuvre les forces et les dons qu'il a reçus de Dieu. M. le professeur Steiger, à ce que l'on nous écrit de Genève, y est attendu incessamment de Berlin. La publication d'un savant commentaire sur la première Épître de saint Pierre l'a retenu jusqu'à présent en Prusse. Nous ignorons quels seront les sujets des cours de ces professeurs ou d'autres encore. Nous apprenons que M. Merle d'Aubigné, ancien pasteur de Bruxelles, traitera pendant ces mois d'hiver des Antiquités chrétiennes, et présentera un tableau de la personne, du gouvernement, du culte et de la vie des premiers Chrétiens. Nous nous réjouissons d'apprendre que cette institution, fondée au nom du Seigneur, avance d'un pas ferme dans la carrière qui lui est tracée. Nous la recommandons de nouveau à la coopération et aux prières de tous les Chrétiens.

Création de nouvelles places de pasteurs.

Nous avons annoncé, dans une précédente livraison, que plusieurs nouvelles places de pasteurs viennent d'être créées. Nous nous empressons d'en mettre la liste sous les yeux de nos lecteurs. L'ordonnance royale est du 10 octobre 1831.

« PreviousContinue »