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nel mon Dieu prévalut par sa puissance sur mes coupables résistances; il m'ouvrit le cœur pour recevoir la bonne nouvelle du salut gratuit qui est en Jésus. Dès ce moment, ayant obtenu le pardon de mes péchés, possédant la vie éternelle, la perle de grand prix, je commençai à goûter une félicité qui m'était entièrement inconnue auparavant. J'eus bientôt l'occasion de parler à Auguste des grandes choses que le Seigneur avait opérées à mon égard, et, autant qu'il m'est donné de m'en souvenir, je le fis dans la joie de mon âme, désirant qu'il fût aussi rendu participant du bonheur que j'avais trouvé auprès de l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde. Mais, hélas! mon ami ne me comprit point, les doux accens de l'Évangile de paix n'eurent alors aucun attrait pour lui. Il me fit une foule d'objections auxquelles je ne m'attendais pas, et que je n'étais guère en état de réfuter. Je venais de passer de la puissance de Satan à Dieu, des ténèbres au royaume de la merveilleuse lumière de Christ ; je pouvais bien dire quelque chose du moyen par lequel ce changement s'était opéré et de la joie que j'en éprouvais, mais ce ne fut que plus tard que je compris mieux ces paroles: l'homme ne peut rien recevoir s'il ne lui est donné du ciel, et que j'appris à connaître le profond éloignement de l'homme naturel pour les choses de Dieu, la dureté de son cœur et les épaisses ténèbres qui obscurcissent son intelligence. L'homme animal, dit un apôtre, ne comprend point les choses qui sont de l'Esprit de Dieu, car elles lui sont une folie, et il ne peut même les entendre, parce qu'elles se discernent spirituellement.

« Peu de temps après le changement dont je viens de parler, Auguste partit pour Marseille, où il entra dans une maison de commerce il ne tarda pas à m'adresser une lettre affectueuse, à laquelle je m'empressai de répondre. Je n'ai pas conservé la copie de ma lettre, mais je me souviens que je cherchais à le rendre attentif sur son état de péché et sur les conséquences du péché, qui est la transgression de la loi spirituelle du Saint des saints. Je l'engageais à croire de tout son cœur cette parole certaine et digne d'être entièrement reçue, que Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Je le suppliais de se préparer à la rencontre de l'Éternel, et pour cet effet de se laisser réconcilier avec Dieu par Christ. Il me répondit d'une manière satisfaisante à certains égards. Tout en me remerciant de l'intérêt que je prenais au salut de son âme, il m'engageait à continuer à correspondre avec lui dans ce sens-là; mais il s'exprimait de telle manière qu'il me fut facile de comprendre qu'il était toujours dans l'état où j'avais langui pendant long

temps, cherchant à se sauver par ses œuvres, à se convertir par ses propres forces, en un mot, à établir sa propre justice pour ne pas se soumettre d la justice de Dieu. »

Auguste revint de Marseille; mais sa santé était altérée; on remarquait en lui tous les symptômes de la consomption. Nous continuons à citer:

« Je m'aperçus, lorsqu'Auguste venait nous visiter, qu'il cherchait à ne pas se trouver seul avec moi : il craignait sans doute que je ne l'entretinsse de la seule chose véritablement nécessaire; tant il est vrai que l'homme naturel, quelque irréprochable que soit sa conduite selon le monde, aime mieux les ténèbres que la lumière; et même il appelle souvent les ténèbres lumière, et la lumière ténèbres, le bien mal, et le mal bien. Cependant j'eus bientôt une occasion favorable pour lui parler des choses du salut : il m'écouta avec beaucoup de froideur et d'indifférence; et lorsque je le priai de réfléchir sérieusement à ce que je venais de lui dire, il ne me répondit pas un seul mot. J'avoue que je me trouvais un peu découragé : j'avais eu l'espoir d'amener mon ami à une discussion franche et détaillée sur les vérités fondamentales du Christianisme, me reposant pour le succès sur Celui dont la Parole est puissante par la vertu de Dieu, pour la destruction des forteresses, détruisant les conseils et toute hauteur qui s'élève contre la connaissance de Dieu, et amenant toute pensée prisonnière à l'obéissance de Christ. Ne pouvant arriver pour le moment au but de mes désirs, je lui offris quelques excellens ouvrages sur les sujets dont je venais de l'entretenir : il accepta ma proposition, et je priai le Seigneur d'en bénir la lecture pour son âme.

« Lorsqu'il me les rapporta, nous eûmes de nouveau un entre→ tien sérieux qui me fournit l'occasion de lui présenter la vérité telle qu'elle est en Jésus-Christ. Je dis à Auguste qu'il était étranger à la foi et à la communion du Sauveur, qu'il n'était pas ressuscité avec Christ en nouveauté de vie, qu'il n'était point persuadé de ce que déclare le Saint-Esprit : que le salaire du péché c'est la mort, et le don de Dieu, la vie éternelle par Jésus-Christ le Seigneur. Je le sollicitai donc de croire le témoignage assuré de l'Éternel relativement au péché et aux conséquences du péché, et de recevoir le salut de grâce offert à tout pauvre pécheur, afin de ne pas rendre les desseins de la miséricorde céleste inutiles à son égard. Après cela, je

lui offris quelques traités religieux, mais il les refusa absolument; j'insistai, mais il demeura ferme dans son refus. Je voulais, en quelque sorte, le contraindre d'entrer dans les vues de l'amour de Dieu, et il ne voulait pas venir à Jésus pour avoir la vie, »

Auguste perdit en peu de semaines l'aînée de ses sœurs et sa mère. Ces épreuves furent bénies pour son âme :

■Le jour suivant, il me manifesta le désir d'avoir un entretien particulier avec moi; il me conduisit dans sa chambre, et là, pour la première fois, il commença à m'ouvrir son cœur. Il m'avoua qu'il commençait à reconnaître que tout ce qu'il avait fait jusqu'alors l'avait éloigné du seul moyen de salut qui existe pour les pécheurs; que l'orgueil de son cœur l'avait séduit ; qu'il craignait les jugemens de Dieu, et qu'il était persuadé que les épreuves qu'il lui dispensait successivement, étaient des châtimens de sa part. Je vois, me dit-il encore, que je n'ai pas la vraie foi, et je ne saurais être tranquille aussi long-temps que je ne la posséderai pas. Ces aveux m'émurent jusqu'au fond de l'âme et me remplirent d'espérance pour sa conversion; ils annonçaient, en effet, l'œuvre de cet Esprit qui convainc le monde de péché. Elevant tout mon cœur à Dieu, je lui répondis que la voix du Seigneur se faisait entendre à son âme, qu'il devait donc prendre garde de s'endurcir et de n'en tenir aucun compte; que jusqu'à maintenant il s'était glorifié en lui-même, en ses justices souillées, dans la considération d'un monde séduit et séducteur: qu'il avait bâti, non sur la roche, mais sur le sable mouvant de sa propre sagesse qui est une folie devant Dieu. Je lui dis encore, qu'en effet il ne possédait pas cette foi sans laquelle il est impossible d'être agréable à Dieu, et qui rend participant de la vie éternelle. Il m'écouta avec beaucoup de docilité, en répétant à plusieurs reprises : « L'orgueil m'a séduit! Oh! il y en a des profondeurs dans mon méchant cœur! » →→ «Que faut-il donc que je fasse, me dit-il ? Dois-je demander à Dieu la foi, ou bien de me faire sentir plus vivement encore mon état de péché et de misère? » Cher ami, lui répondis-je, tu reconnais que tu es un pauvre pécheur et que le salaire du péché c'est la mort; tu sais que tu as transgressé la sainte loi de Dieu et que tu es sous la malédiction de cette loi : va donc à Jésus tel que tu es; dis-lui que ta plus grande misère, c'est de ne pas sentir assez combien tu es misérable. Ne crains pas de t'approcher de lui; car il est débonnaire et humble de cœur, et il ne repousse point quiconque vient à lui. Il dit lui-même dans l'Évangile, qu'il est venu

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chercher et sauver ce qui était perdu; qu'il est venu appeler à la repentance, non les justes (il n'y en a point), mais les pécheurs; que ceux qui sont en santé n'ont pas besoin de médecin, mais ceux qui sont malades ; que sa grâce surabonde là où a abondé le péché. « Je me souviens, reprit-il, qu'il est écrit: Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et charges, et je vous soulagerai ; je veux donc aller au Sauveur pour qu'il me soulage, car je suis fatigué et chargé. Notre conversation continua encore long-temps, et il me demanda l'explication de plusieurs passages qu'il ne comprenait pas. Enfin je le quittai plein de reconnaissance envers le Seigneur; fermement persuadé qu'il avait commencé son œuvre dans l'âme de mon ami, je le suppliai de la poursuivre et de l'achever pour la gloire de son nom. Le lendemain, je lui envoyai trois excellens sermons dont la lecture fut bénie pour lui. Plus tard je lui remis aussi un excellent petit ouvrage sur l'Evidence des prophÉTIES, qui le rendit de plus en plus sérieux sur les choses du salut, en lui faisant connaître mieux l'autorité et l'authenticité du Livre de l'Éternel. Pénétré toujours plus de la haute importance de la BIBLE, il sentit la nécessité de la sonder plus attentivement et de prier le Dieu qui l'a inspirée de lui donner de croire la vérité qu'elle renferme, afin d'être affranchi et sanctifié par elle. C'est aussi à quoi je ne cessais de l'exhorter, sachant que la foi vient de ce que l'on entend, et ce que l'on entend, par la Parole de Dieu. »

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Auguste n'était pas encore converti; mais l'œuvre de Dieu faisait des progrès rapides dans son âme. Des conversations sérieuses et surtout la lecture du sermon de M, Gaussen, titulé: David et Hanun, furent les moyens que le Seigneur daigna bénir pour lui. Les dernières pages de la notice qui nous occupe sont consacrées à raconter l'histoire des dernières semaines qu'il passa sur la terre après sa conversion. Il faudrait les copier tout entières pour établir le contraste de ses sentimens avant et après le grand fait spirituel, que l'Évangile nomme la nouvelle naissance; nous sommes donc forcés d'y renvoyer nos lecteurs : ils y verront qu'en effet les choses vieilles étaient passées et toutes choses faites nouvelles pour lui.

VARIÉTÉS.

Destitution de M. le pasteur Gaussen, par le Conseil-d'État de la ville et république de Genève.

L'arrêté de destitution de M. Gaussen par le Conseil-d'État est du 30 novembre. Nous nous sommes trompés en disant, dans notre dernière livraison, que le Conseil a confirmé l'arrêté de la Compagnie et du Consistoire; sur ce point, du moins, les prétentions du clergé n'ont pas prévalu; le Conseil-d'État a révoqué M. Gaussen de ses fonctions, comme s'il n'existait pas de destitution déjà prononcée; il a agi comme il l'aurait fait si le Consistoire s'était maintenu dans les bornes de sa compétence. Illégalement saisi de cette affaire, il l'a traitée comine s'il l'avait été légalement. Quelques personnes ne verront peutêtre ici qu'une affaire de forme sans importance; mais ceux qui ont appris à connaître l'esprit d'empiétement de la Compagnie, y verront autre chose, et sauront quelque gré au Conseil-d'Etat de ce que, parmi tant d'illégalités, il n'a du moins pas reconnu l'omnipotence de la majorité du clergé genevois, et l'a replacé dans les limites de sa compétence. C'est là, du reste, une faible et triste consolation au milieu des sujets de douleur que Genève présente aujourd'hui à tout véritable ami du Sauveur. Nous ne connaissons encore les considérans de l'arrêté que par le Protestant de Genève, qui ne les donne pas tous; nous saurons bientôt pourquoi, car maintenant la publication de toute cette affaire est devenue pour M. Gaussen un impérieux devoir; il la doit à son ministère calomnié, il la doit à la vérité pour laquelle il est persécuté. Il faut que l'Église de Christ tout entière sache que si un fidèle et courageux confesseur du nom de son Chef a été livré au bras séculier par un clergé unitaire, c'est « pour avoir fait bien et non pour avoir « fait mal; car c'est une chose agréable à Dieu si quelqu'un, « par un motif de conscience, endure de mauvais traitemens « en souffrant injustement ( 1 Pier. II, 1; III, 17).

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