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l'accomplissement de cette pratique, comme sur une chose de première importance. Quelque singulière que soit cette remarque, on prétend généralement que ce sont surtout les jeûnes de l'Eglise qui ont empêché les classes inférieures d'embrasser la religion musulmane.

Quelques réflexions sur le réveil religieux qui a eu lieu à
Carlshuld, dans le Donau-Moos.

Les édifians détails que nous avons publiés, dans notre der nière livraison, sur le réveil religieux de la colonie catholique de Carlshuld dans le Donau-Moos, réveil dont la conséquence a été la séparation de cette paroisse et de son pasteur de la communion romaine, et leur formation en Eglise évangélique, nous ont inspiré de nombreuses réflexions, dont quelques-unes nous ont paru de nature à intéresser nos lecteurs.

Cette peuplade si pauvre, si obscure, si insignifiante aux yeux du monde, acquiert, par la régénération qui vient de s'y opérer, une grande importance aux yeux de la foi. Elle nous présente un de ces phénomènes moraux auxquels les hommes prennent peu garde, un de ces signes heureux que l'Esprit du Seigneur multiplie de nos jours sur la terre, et qui attirent à si juste titre l'attention et l'intérêt de l'observateur chrétien, en même temps qu'ils le pénètrent de confiance, de gratitude et de joie spirituelle. Cet événement, peu considérable en lui-même et sous le point de vue de la statistique religieuse, le devient beaucoup, ce me semble, lorsqu'on l'étudie dans ses causes. Le changement qu'il apporte dans la carte géographique des deux grandes Eglises qui se partagent l'Europe, et dont les limites paraissent irrévocablement fixées depuis plus de deux siècles, ce changement n'est rien en soi; mais, dès qu'on l'envisage dans son principe, il en fait entrevoir un immense dans l'avenir, il légitime toutes les espérances du protestantisme; car il démontre l'inébranlable solidité de la base sur laquelle repose la foi protestante, la vérité de ses doctrines fondamentales, ou, en d'autres termes, leur conformité par

faite avec les enseignemens de la Bible et les révélations divines. J'oppose avec assurance cette prévision aux prophéties contraires et aux chants de victoire que l'ultramontanisme a souvent fait entendre. Depuis quelques années, nous avons de nombreux exemples de catholiques de toute classe conduits, par la simple lecture de l'Evangile, à embrasser insensiblement et comme malgré eux les doctrines de la Réformation; étonnés et effrayés de se trouver protestans, quand ils ont voulu se rendre compte des résultats de cette étude solitaire, ils ont presque tous lutté long-temps, mais en vain, contre la puissance de leurs convictions. Déjà l'Allemagne nous en avait fourni de très remarquables. Boos, Lindl, Gossner, Henhæfer ont été amenés à nous par cette seule voie, avec une partie notable de leurs paroissiens, qui se sont formés en Eglise évangélique à Galneukirchen et à Mulhausen, après avoir vaincu par la constance de leur foi d'innombrables oppositions. C'est le même fait qui vient de se reproduire dans la colonie du Donau-Moos, où le curé Lütz et avec lui neuf cents personnes, c'est-à-dire la population presque tout entière de Carlshuld, déclarent << n'avoir plus qu'un seul désir, c'est que le Seigneur « veuille lui-même les réunir et les former en Eglise vraiment évangélique (Lettre de M. Lütz à M. Pinkerton, du 1o janvier 1832). » M. Lütz nous apprend « que ce fut le Nouveau« Testament qui contribua le plus à vivifier les cœurs; qu'il le « mit avec confiance entre les mains de ses paroissiens, dès « son arrivée..., afin qu'ils eussent dans leurs maisons la même « Parole qu'ils entendaient le dimanche à l'Eglise; que dans plusieurs familles s'était établi le louable usage de se lever «< une petite demi-heure plus tôt, de s'asseoir autour de la table, et de se fortifier en commun par la lecture de la Pa« role de Dieu, avant que d'aller à l'ouvrage.

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Voici ce qu'on écrit sur l'impression que l'Eglise catholique de Bavière a éprouvée de ce qui s'est passé à Carlshuld: « Dans ce moment cette affaire a pour effet de suspendre très « sensiblement la distribution de la Bible. Plusieurs personnes qui s'y intéressaient n'osent plus donner un seul livre. Elles « mandent qu'ON ATTRIBUE TOUT CELA A LA LECTURE DE LA BI~

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«BLE; QUE PARTOUT OU ELLE SE RÉPAND ON CRAINT DES SCÈNES « SEMBLABLES, et que c'est par cette raison que les autorités ecclésiastiques s'y opposent. » Quel aveu!

Nous ne parlerons pas ici du nombre de ces prosélytes, dont il nous serait facile de grossir la liste par des noms français et étrangers; nous ne dirons rien non plus de la sincérité, de la profondeur, de la force de leur conviction; ce qui nous frappe surtout, ce que nous désirons faire remarquer en ce moment, c'est le principe de leur changement de croyance et de culte. Le principe unique de leur conversion est le Nouveau-Testament lu avec simplicité, dans un esprit de foi, de soumission et de prière, comme étant la Parole de Dieu; il n'y en a point d'autres. Voilà la force qui, au seizième siècle, sépara de l'Eglise catholique une moitié de ses membres, et qui de nouveau en arrache çà et là des fragmens qu'elle unit à l'Eglise protestante. Ces fragmens sont encore peu nombreux, peu considérables, si vous voulez : ce n'est pas ce qui nous paraît important; mais ce qui nous semble l'être, c'est la nature de la cause qui les détache de la masse; après avoir sommeillé pendant près de deux siècles et être restée presque inactive, cette cause puissante retrouve son antique énergie et ressaisit son salutaire empire sur les âmes et sur le monde : nous savons que la Bible doit recommencer et continuer jusqu'à la fin ses pacifiques conquêtes. Ma Parole, a dit l'Eternel, ne retournera point à moi sans effet. Rappelons-nous, d'un côté, les déclarations et les promesses du Seigneur à cet égard, et de l'autre, souvenonsnous que les catholiques devenus protestans le sont devenus par l'étude de la Bible, faite, non dans un point de vue de science, non dans le but de résoudre telle ou telle des questions dogmatiques ou critiques qui s'agitent dans le monde chrétien, mais dans un esprit de piété, pour y chercher la voie étroite qui mène à la vie, pour résoudre la grande question que tout homme qui s'est une fois reconnu pécheur et immortel devrait s'adresser, jusqu'à ce qu'il ait trouvé une réponse satisfaisante et certaine : Que faut-il que je fasse pour être sauvé? Voilà ce qui a contraint, dans ces derniers temps et dans des contrées diverses, un grand nombre de personnes à passer du

catholicisme romain au protestantisme évangélique ; c'est le Nouveau-Testament qui a fait cela, et le Nouveau-Testament lu sans commentaires, hors de toute influence extérieure, en toute simplicité de foi. Aux yeux de tout homme sans préventions et qui reconnait la divinité des Saintes-Ecritures, ce simple fait n'en dit-il pas plus que des volumes sur l'avenir des deux Eglises, et ne trancherait-il pas au besoin leur controverse de trois siècles?

On a souvent fait beaucoup de bruit de certaines conversions au catholicisme qui ont eu lieu dans le même temps. Nous convenons qu'elles ont été, sinon aussi nombreuses, du moins en général plus éclatantes; qu'elles ont dû faire plus de sensation, et inspirer plus de joie d'un côté, et de l'autre plus d'inquiétudes et d'alarmes, que celles qui s'opéraient dans un sens contraire. Mais nous ne craignons pas d'affirmer que ces craintes et ces espérances se dissipent au moindre examen et à la première réflexion; nous dirons même, ce qui semble d'abord un paradoxe, que, sous le rapport des inductions qu'on veut en tirer sur la force respective et la durée probable des deux Eglises, ces conversions perdent de leur valeur réelle, précisément parce qu'elles se sont faites dans les sommités sociales. Recherchons leur principe ou leur cause; car, encore une fois, c'est dans le principe d'où ils sortent qu'est toute l'importance de ces changemens de religion. Nous avons vu que celui qui amène au protestantisme évangélique dépose de la vérité de ses doctrines fondamentales, ou de leur conformité avec les enseignemens de la Bible, et par conséquent en faveur de sa stabilité et de ses progrès futurs. Voyons si celui qui a conduit quelques personnes au catholicisme légitime de semblables conséquences. Ici nous découvrons, non pas un principe unique, mais mille princitrès divers. Presque chaque conversion a eu le sien propre. Nous n'avons pas besoin d'avertir qu'il n'est nullement question ici de celles qui n'ont eu pour mobile que des calculs d'intérêt et d'ambition. Que dire de ces changemens de croyance et de culte où l'on n'a vu qu'un échelon pour s'élever plus rapidement aux honneurs et à la fortune, ou une

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dernière ressource pour avoir du pain? Nous ne devons nous occuper que des conversions véritables; et en examinant les différens principes d'où elles dérivent, on reconnaît bien vite qu'elles n'ont rien de menaçant pour l'Eglise réformée, rien qui puisse nous alarmer sur son avenir. Elles ont toutes des motifs étrangers à la Bible et même à la religion. La plupart ont leur origine et leur cause dans des systèmes littéraires ou politiques. C'est l'amour du moyen-âge ou de l'Orient, c'est l'admiration pour l'ancienne théocratie, c'est le désir ardent d'appuyer, pour me servir d'une expression convenue, le trône sur l'autel, c'est la pompe du culte catholique qui a ébranlé et subjugué des imaginations vives. Nulle part vous n'apercevez l'intention profonde de se rapprocher davantage de la vérité chrétienne. Aucune n'est donnée comme ayant eu sa source première dans l'étude des Saintes-Ecritures. Toujours et partout c'est de la politique ou de la poétique religieuse; ce sont des vues de science ou de littérature, beaucoup plus que de la dogmatique. Les plus pures, ou du moins celles qui présentent un caractère religieux plus prononcé, sont celles qui ont eu pour cause, chez des esprits énervés par le scepticisme, chez des âmes affaiblies par de grands écarts, un besoin de règle et d'autorité que la Bible ne satisfait pas suffisamment à leurs yeux, ou l'impossibilité d'avoir une foi, s'ils ne la recevaient pas toute faite. Ainsi ces conversions, quand on remonte à leur cause et qu'on les considère dans leur principe, n'ont plus rien qui puisse légitimer les inquiétudes et les craintes du protestant, ni les espérances et les accens de triomphe du catholique. Elles ne sauraient se répéter et se multiplier que par la prolongation de cet état de doute, d'indifférence, d'incrédulité, qui est contre nature, et dont l'Europe tend évidemment à sortir. Les conquêtes du protestantisme au contraire sont menaçantes pour le catholicisme si, comme tout l'annonce, la foi reprend son empire; car elles viennent d'une cause qui est infiniment puissante et devient souveraine aux époques de foi, la Bible. Les conversions au catholicisme sont toutes individuelles et, par la nature et la diversité de leurs principes, elles doivent l'être, tandis que

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