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de deux pasteurs au lieu d'un. Cette Eglise sait avec quel dévouement, quelle fidélité, quelle noble générosité il s'est dévoué à son service, et quels bienfaits il a répandus, dans un petit nombre d'années, soit sur elle, soit sur ceux d'entre ses membres qui étaient plus particulièrement dans le cas de les recevoir. Nous n'aurons pas l'indiscrétion de soulever ici le voile dont a voulu les couvrir celui qui a demandé par son testament qu'aucun discours, aucun éloge ne fût prononcé sur lui après sa mort, et qu'un passage de la Parole de Dieu fût la seule inscription mise sur son tombeau.

En juillet 1826, Dieu dispensa à son serviteur une bien douloureuse épreuve, en rappelant à lui la compagne qu'il lui avait accordée pour si peu de temps. Quoique résigné à une volonté qu'il savait être bonne et paternelle jusque dans ses dispensations les plus sévères, Paira fut frappé à mort du même coup, et depuis ce moment sa santé et ses forces ont été graduellement en déclinant. Mais « à mesure que l'homme extérieur se « détruisait, l'homme intérieur se renouvelait de jour en jour; << Christ était sa vie et la mort lui était un gain. >> En automne 1831, il vint malade à Paris; nous avons eu la douceur de le voir souvent durant cette longue maladie ; il mourait à la lettre de jour en jour, et on le voyait avancer lentement, mais sûrement, vers l'inévitable issue que sa famille, ses amis et lui-même prévoyaient long-temps à l'avance; sa patience et sa douceur étaient à toute épreuve, car elles venaient de Dieu; il éprouvait journellement le besoin que des frères vinssent lui lire la Parole de vie et prier avec lui; et à mesure qu'il approchait du moment qui devait le mettre en possession de cet héritage auquel il savait qu'il n'avait d'autre titre que celui que Jésus lui avait procuré sur la croix, sa foi acquérait un degré de clarté et de ferveur plus grand qu'auparavant.Un trait qui le caractérisait, et qui caractérise les enfans de Dieu les plus avancés, c'était une grande indulgence pour les autres et une grande sévérité pour lui-même. Enfin, le 2 mars dernier, il remit en paix son âme entre les mains de Celui qui l'a rachetée. Il était âgé de trente-trois ans; sa dépouille mortelle a été transportée à Sainte-Marie-aux-Mines, et déposée à côté de

celle de son épouse. Nous extrayons d'une lettre particulière les détails qui suivent:

Sainte-Marie aux-Mines, le 9 mars 1832.

Jamais deuil n'a été plus général. . . C'était l'ami de tous qui venait de mourir... Il est entré dans la paix du Seigneur; il se repose de ses travaux. . . Nous avons suivi les intentions de notre ami en évitant tout faste. Le plus bel ornement de cette funèbre cérémonie, c'était le recueillement de tous ceux qui y assistaient. . . . Quoique la nouvelle de la mort de notre ami né parvint ici que très avant dans la soirée, elle était connue dès le même jour dans toute la ville, et dès le lendemain matin dans tous les villages. . . . . J'ai moi-même entendu deux personnes dire, et j'en suis convaincu avec sincérité, qu'elles donneraient un de leurs enfans pour le racheter. C'étaient cependant deux bonnes mères. Le service funèbre a eu lieu hier.... Le corps fut porté par les membres du Consistoire, assistés de quelques autres pères de famille. Il y avait seize pasteurs en costume. Le cortège était ouvert par les enfans des écoles, auxquels Paira avait donné tant de soins et pour lesquels il a fait tant de sacrifices. Après eux venaient les pauvres, représentans vivans de la charité du défunt. Derrière le cercueil marchaient les parens et les ministres, suivis d'une foule d'habitans de toute la vallée, sans distinction de rang ni de culte : réformés, luthériens, catholiques, tous étaient émus. . . J'ai fait chanter le psaume XLII, psaume favori de notre ami. . . .'... En entrant à l'Eglise j'ai lu devant l'autel un choix de passages analogues à la circonstance. . . . Aucune louange n'a été prononcée : respect à sa volonté, quoiqu'il ait pu nous en coûter! J'avais pris pour texte de mon discours le treizième verset du quatorzième chapitre de l'Apocalypse. . . . M. S., pasteur luthérien, prononça au cimetière un discours en allemand, et l'on chanta le cantique de Siméon...

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M. Paira laisse deux fils. Puisse le souvenir de leur père leur être en bénédiction! Puissent la grâce et l'Esprit du Sauyeur reposer sur eux ! Une des dernières prières de leur père mourant a été qu'ils marchent dans les voies de Celui qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu.

M. Paira a eu pour successeur à Sainte-Marie-aux-Mines M. L. Goguel, son suffragant.

REVUE LITTÉRAIRE ET RELIGIEUSE.

La famille de BETHANIE. Méditations sur la maladie, la mort et la résurrection de Lazare, rapportées au chapitre onzième de l'Evangile selon saint Jean, avec un Essai exégétique sur ce même. chapitre; par L. BONNET, ministre de Jésus-Christ, et l'un des pasteurs de l'Église française protestante de Londres, avec cette épigraphe Celui qui n'aime pas n'a point connu Dieu; car, Dieu est amour (I, Jean, iv, 8). Paris, 1832, chez J. J. RisLER, rue de l'Oratoire, no 6. Prix: 3 fr. 50 c..

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Je me suis souvent demandé si les prédicateurs chrétiens ne se privent pas d'un puissant moyen d'influence lorsqu'ils négligent de porter en chaire les récits de la Bible, et qu'ils isolent la doctrine des faits nombreux à l'occasion desquels elle est présentée dans les Livres saints. On se contente généralement de prendre pour texte d'un sermon une déclaration de la Parole de Dieu; on divise son discours en plusieurs points, dont chacun contient l'exposition et les preuves d'un fragment de la vérité qu'on veut établir; et l'on exige de ses auditeurs qu'ils vous suivent pendant une heure de raisonnement en raisonnement, sans offrir le moindre repos à leur esprit. Et cependant c'est par les faits bibliques qu'on pourrait le mieux fixer l'attention; ils sont comme autant de fils destinés à rattacher la vérité au cœur des hommes, et souvent leur simple narration est plus puissante pour la leur rendre sensible que ne le serait l'exposition la plus complète des preuves qui l'établissent. Il y a d'ailleurs dans la plupart de ces faits une richesse de détails qu'on n'aperçoit pas tout d'abord, et qui les rend infiniment propres à produire des effets variés et une solide édification. L'étranger qui visitait pour la première fois Jérusalem recevait sans doute d'abord une impression générale du magnifique temple de Salomon ; mais il n'avait encore pu le considérer que dans son ensemble, et, quelque grande que fût son admiration, il ne pouvait en avoir remarqué toutes les beautés. Chaque

.colonne, chaque chapiteau, chaque rosace méritaient d'être examinés en détail, comme l'historiographe du premier livre des Rois et celui du premier livre des Chroniques ont jugé qu'ils méritaient d'être décrits pour la postérité. Il en est de même des faits bibliques : chaque petite circonstance a une valeur qui lui est propre; il n'est pas un mot, pas une particularité, pas une parenthèse qui soit de trop dans la Bible; c'est le seul livre dont on puisse dire qu'il ne renferme pas d'inutiles longueurs. Nos anciens prédicateurs l'avaient si bien compris qu'ils avaient l'habitude de consacrer plusieurs discours à traiter le même sujet : leur texte n'était pas pour eux un prétexte; ce n'était pas un titre auquel on ne songe que quand le livre est achevé; c'était une mine précieuse dans laquelle ils ne cessaient de fouiller qu'après n'avoir rien négligé pour en tirer tout l'or. Samuel Durand n'a pas jugé que ce fût trop de dix-huit sermons pour exposer l'histoire de la tentation de Jésus-Christ, et la plupart des anciens pasteurs de Charenton ne négligeaient pas d'expliquer les livres historiques de l'Ancien et du Nouveau Testament en même temps qu'ils puisaient cependant dans les Livres prophétiques, les Psaumes et les Épîtres, les sujets de simples expositions de la doctrine. On trouve dans les sermons de Dubosc, que nos jeunes prédicateurs ne sauraient assez étudier, d'admirables exemples de ces deux genres de composition, Nous savons que le public de nos jours se fatigue plus vite qu'on ne le faisait autrefois; il faut éviter tout ce qui pourrait paraitre minutieux, et ne pas porter avec trop de persévérance en chaire un sujet que les auditeurs ont cru saisir de prime-abord en son entier ; mais en évitant ce défaut qui serait réel, qu'on n'oublie pas que ce qui importe surtout, c'est de donner à ceux qu'on doit instruire une solide et complète connaissance des Saintes-Écritures, et que le genre homélitique y est plus propre que tout autre. Nous n'entendons blâmer aucune manière ; nous comprenons que chaque pasteur se fasse la sienne selon la tournure et les habitudes de son esprit ; mais nous voudrions aussi que nul ne négligeat entièrement celle que nous indiquons, et qui portera peut-être des fruits d'autant plus excellens que le prédicateur qui l'adopte est plus appelé à s'effacer lui-même. Il

ne s'agit plus avec elle d'éloquence humaine : le serviteur de Christ doit sans doute quelquefois en faire usage dans l'intérêt même de son ministère; mais c'est surtout en prêchant simplement la Parole qu'il paîtra l'Eglise de Dieu (Actes XX, 28),

Nous demandons pardon à nos lecteurs de cette longue introduction; mais nous n'avons fait que leur communiquer les réflexions que nous a suggérées la lecture des excellentes Méditations que vient de publier M. Bonnet. L'histoire de la famille de Béthanie fait tout le sujet de son volume; il étudie toutes les circonstances du récit de saint Jean et suit dans leur développement la méthode que nous venons d'indiquer. On voit qu'il ne vise pas à l'effet: son seul but est l'édification, et il réussit pleinement à la produire. Nous nous sommes rappelé quelquefois en lisant son livre le plaisir que nous avions éprouvé à lire les Discours familiers de M. Cellérier père; M. Bonnet a le même don de simplicité et, nous nous réjouissons de pouvoir le dire, la même fidélité dans la doctrine. Il nous apprend que l'ouvrage de M. Blumhardt, directeur de l'Institut des Missions évangéliques de Bâle, sur le même sujet (1), est une source féconde où il a souvent puisé. Il a aussi consulté les Homélies du prédicateur allemand, M. J. Wichelhaus (2). Pour l'Essai exégétique qui termine son livre, et où il examine les difficultés que présente le récit de l'apôtre, il a surtout profité des recherches. de MM. Tholuck et Lucke.

Quelque peu étendue que soit cette dernière portion de son travail, elle est un pas important que M. Bonnet fait faire à notre littérature théologique; il fraie une voie nouvelle, dans laquelle nous espérons qu'il sera suivi. On voit qu'il est pénétré de toute l'importance des fortes études et qu'il voudrait que le flambeau de l'exégèse jetât un nouvel éclat dans notre patrie; aussi ne laisse-t-il pas échapper l'occasion qui se présente tout naturellement à lui de soulever un coin du voile qui nous ca

(1) Lazarus der Kranke, Sterbende und Auferweckte. Deuxième édition. Bâle, 1827.

(2) Weg zur Ruhe. Elberfeld, 1826.

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