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pose, en grande partie, de nos concitoyens, de nos voisins, de nos frères. Disparaîtra-t-elle comme les races qui l'ont précédée, et ne saura-t-on un jour qu'elle a existé que comme on sait aujourd'hui que le mammouth a autrefois vécu dans ces plaines, par les débris qui l'attestent. Ou bien au contraire s'étendra-t-elle, se multipliera-t-elle, remplira-t-elle cette vaste contrée d'une population libre, heureuse et sainte, dont les institutions seront aussi fermes et aussi durables que les montagnes qui entourent la vallée, et dont la prospérité sera aussi intarissable que les eaux de ses fleuves superbes ?

«C'est pour examiner ces questions que nous sommes réunis ce soir. Si on les soumettait aux sages et aux prudens du monde, ils nous parleraient de forteresses, d'armées, de formes de gouvernement bien entendues et de bonnes lois. L'Union Américaine des Ecoles du dimanche nous fait une meilleure réponse. Elle travaille à faire agir sur toute l'étendue de la vallée du Mississipi un moteur qui, avec la bénédiction de Dieu, préservera efficacement ses habitans du sort de leurs devanciers, et à rendre cette vallée, jusqu'à la fin des temps, un séjour de liberté, de justice et de paix.

« Ce moteur, c'est l'institution des écoles du dimanche. Les hommes du monde la trouveront peut-être trop simple et trop faible pour qu'elle puisse servir à ce but glorieux; mais elle nous inspire une confiance inébranlable. Je ne puis exposer ici tous les motifs de cette confiance, mais j'en indiquerai quelques-uns.

« Nous y avons confiance, parce que cette institution a recours au seul moyen qui puisse rendre les hommes heureux et faire prospérer les nations, à la Parole de Dieu. Elle adresse les instructions de la Bible à l'esprit et au cœur des enfans, et leur enseigne ainsi les seuls principes qui soient stables et utiles, la seule morale qui soit pure, le seul chemin qui conduise au bonheur et au ciel. Pourquoi les Indiens et la race sans nom qui les a précédés ont-ils péri? Ce n'est pas que la vallée ne fût alors aussi belle qu'elle l'est aujourd'hui, que son climat ne fût aussi salubre, que son sol ne fût aussi fertile; ce n'est pas non plus qu'ils aient manqué d'intelligence ou de courage; mais c'est qu'ils ne possédaient pas la Bible. Leurs enfans, au lieu d'apprendre dans des écoles du dimanche le chemin du ciel, n'apprenaient que les arts de la pêche et de la chasse, et surtout l'art de la guerre.

« Nous avons confiance dans le résultat des écoles du dimanche, par la raison même que cette institution est simple et qu'elle ressem

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ble en cela aux autres œuvres de Dieu. Tous les instrumens de sés bienfaits agissent sans bruit. Ce sont les instrumens de destruction, les torrens, les tempêtes, les orages, les volcans, les tremblemens de terre qui effraient et alarment les hommes. La rosée tombe doucement sur la terre qu'elle rafraîchit; la lumière se répand au loin avec une étonnante rapidité et sans bruit; la végétation orne et enrichit le sol par un travail imperceptible, quoique toujours actif. Il en est de même des écoles du dimanche; leur puissance est réelle, quoique calme, et elles préparent une génération digne de demeurer jusqu'à l'aurore du millénium et de se réjouir à son éclat.

«Mais la principale raison de notre confiance dans les écoles du dimanche, ce sont les nombreuses conversions qui y ont déjà eu lieu. Qui pourrait compter les milliers d'enfans qui ont été convertis à Dieu, dans les différens lieux de la terre par l'influence de ces écoles! Nos Églises se réjouissent de cette multitude d'enfans qui, l'année dernière, se sont approchés du Sauveur. Les anges, qui se réjouissent pour un seul pécheur qui se repent, nous diraient, s'ils pouvaient nous parler ce soir, quelle joie il y a eu dans le ciel au sujet du grand nombre d'enfans des écoles du dimanche qui, dans. une seule année, ont appris à chanter, en joignant-ensemble leurs voix nombreuses : Hosannah au fils de David ! »

Nous le demandons, la France n'a-t-elle pas autant besoin que la vallée du Mississipi d'un avenir fondé sur la piété? Le moyen qui a été béni dans tant de contrées aurait-il perdu son efficace sur notre sol? ou plutôt ne devons-nous pas l'exploiter de tout notre pouvoir, en multipliant parmi nous les écoles du dimanche, afin que la génération qui s'élève soit plus pieuse que celles qui l'ont précédée. Nous supplions chaque Chrétien qui lira ces lignes et qui n'est pas encore employé à enseigner dans une de ces écoles, de se demander, en présence de Dieu, s'il ne lui est pas possible de se rendre utile de cette manière ? S'il existe déjà une école du dimanche dans le lieu qu'il habite, qu'il offre sa coopération à ceux qui l'ont formée; s'il n'en' existe pas encore, qu'il mette lui-même la main à l'œuvre, qu'il réunisse autour de lui quelques enfans chaque dimanche, et il verra bientôt son entreprise, pour laquelle il n'espérait peut-être que le temps des petits commencemens (Zacharie, IV, 10), grandir et être bénie!

CORRESPONDANCE.

Nismes, le 20 mars 1832.

Messieurs les rédacteurs,

D'après les Archives, quatre-vingts pasteurs, réunis à Lausanne, ont cru devoir célébrer un jeûne le dernier jour de l'année 1831. Quelques pasteurs de l'Église Réformée de Paris se sont joints à d'autres ministres de l'Évangile de diverses dénominations pour célébrer aussi un jour de jeûne dans des réunions chrétiennes. Je sais qu'il existe dans la capitale plusieurs de ces réunions; on en compte six à Nismes. Puisse partout chaque maison devenir une maison de prière ! Je ne considère point une réunion chrétienne comme un acte de séparation; ce n'est qu'un culte domestique plus étendu.

De concert avec M. Lelièvre, ministre wesleyen, j'ai répondu à l'appel qui a été fait par votre journal, par les pasteurs de Lausanne et par divers pasteurs français qui m'ont écrit sur le même sujet.

Le dimanche 8 janvier, plus de deux cents fidèles, qui avaient assisté selon l'usage aux trois services religieux célébrés dans nos temples, entendirent successivement dans trois réunions des prédications sur le jeûne. On expliqua ce qu'était ce jour d'expiation chez les Juifs, qui s'abstenaient de toute nourriture d'un soleil couchant à l'autre. On cita l'exemple d'Ezéchias, de Joël, de Jonas, de Ninive, etc. On prouva que ce n'était point une cérémonie judaïque abolie sous la loi de grâce. Jésus-Christ la recommande à ses disciples quand l'Epoux leur sera ôté; il parle de démons qu'on ne peut chasser que par le jeûne et la prière. Nous lisons dans le livre des Actes des Apôtres que ces derniers ont souvent usé de ces deux moyens à la fois, et Jésus en a donné l'exemple. Le jeûne corporel n'est que la forme; le jeûne spirituel est le fond. Mais, à moins d'exceptions dont chacun est juge, il faut croire que la forme et le fond doivent être réunis. Le lundi 9 janvier, à huit heures du matin, commença le jour 1832.-15° année.

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si béni de l'humiliation. L'exercice fut ouvert par une prière. Nous lûmes successivement les chapitres de la Bible analogues à la solennité; il en fut donné l'explication; on chanta des versets de psaumes et de cantiques; la réunion dura jusqu'à huit heures du soir. Plusieurs fidèles sortirent et rentrèrent tour à tour pour vaquer aux soins de leur maison; d'autres qui étaient libres restèrent la journée entière. Après chacune des lectures bibliques et des chants religieux, les personnes présentes furent invitées à prier selon leur cœur ; cinq ou six priaient ordinairement dans l'intervalle d'une lecture à une autre. Des vieillards, des femmes âgées, des jeunes gens, des enfans même firent entendre les prières les plus ferventes. C'était véritablement une nouvelle Pentecôte.

Plus de quatre-vingts langues furent déliées pour bénir l'Éternel. Chose remarquable! dans un tel concours de personnes de conditions et d'âges si différens, on n'entendit jamais dans une prière l'expression d'une pensée qui ne fût éminemment évangélique. Le doigt de l'Éternel était là; nous étions assemblés au nom de Jésus, et Jésus se trouvait au milieu de nous. Nous ne fûmes nullement surpris d'entendre des personnes qui ont l'esprit et l'habitude de la prière; mais celles qui n'avaient jamais récité en particulier que des prières apprises par cœur, nous offrirent l'exemple le plus touchant. Une femme octogénaire, entre autres, disait, les yeux baignés de larmes : « Seigneur, je ne sais pas m'exprimer; je ne sais même ce qu'il faut te demander à toi-même ; mais tu connais mes besoins sans que mes paroles soient nécessaires. Ce n'est pas pour être entendue des autres que je prie; je ne sais pas lire; souvent même je ne comprends pas ce qu'on lit et ce qu'on explique je m'adresse à toi pour me l'expliquer, pour me le faire sentir, pour que je le pratique jusqu'à la mort qui est bien près de moi, Je n'ai jamais su prier; je ne voulais pas prier en arrivant ici; mais c'est toi qui me commandes: je ne puis te résister. Tu vois mon embarras pour parler. Cet embarras me fait encore plus désirer ton secours ; j'en ai plus besoin que tout autre. Ce que je sais, c'est que je ne puis rien sans toi, Donnemoi un esprit qui pense à toi, un cœur qui sache t'aimer; sois mon maître et j'en saurai assez ; je connaîtrai la seule chose né

eessaire ; je compterai tous mes péchés et tu me montreras ton pardon et ton salut pendant toutes les minutes de ma vie. »

D'autres personnes, qui n'ont reçu selon le monde aucune instruction, tirèrent des saints livres une foule de comparaisons. En un mot, rien ne fut oublié, et on finit, après avoir demandé pour tous, par rendre des actions de grâces de ce qu'on avait éprouvé soi-même. On n'avait pas salué de loin seulement lés promesses; on en sentait l'accomplissement; on aurait voulu que le service religieux se prolongeât encore, on aurait voulu bâtir des tentes sur la montagne du Thabor. Plusieurs personnes se disposaient encore à prier, et la bénédiction du pasteur, donnée après douze heures d'édification, parut presque précipitée.

AVauvert, au Cayla, à Anduze, on a obtenu dans un jeûne béni les mêmes manifestations qu'à Nismes. Ceux qui ont blâmé ces pieux exercices n'en ont pas été les témoins; il n'en est pas un seul de ceux qui y ont assisté qui n'y ait reçu une édification profonde.

Pour moi, j'ai vu dans ce seul jour de jeûne plus de fruits, du moins apparens, que je n'en ai vus en réunissant les dix-huit années depuis lesquelles j'exerce mon ministère. Dieu dit à Abraham, à Ismaël et à d'autres saints personnages, pour marquer leur nombreuse postérité: Je te ferai devenir une grande nation! Puisse aussi chaque âme fidèle, instrument de conversion pour une multitude d'autres, recevoir de Dieu la même promesse: Je te ferai devenir une grande Eglise!

D'après l'expérience que j'ai faite avec tant d'autres amis du Sauveur, je conjure tous les pasteurs dont je partage la foi évangélique d'essayer la même expérience dans des réunions chrétiennes. Quant aux pasteurs qui, sans aucune opposition, peuvent multiplier dans les temples tous les exercices religieux qu'ils proposent pour le bien des âmes, ceux-là pour ront obtenir plus de bien encore; ils n'auront qu'à modifier la célébration du jeûne selon les lieux et selon les usages établis, en profitant autant que possible des exemples qui leur sont offerts. Qu'on ne pense point que les fruits dont j'ai parlé ne soient que les chimères d'une vaine imagination. La foi, la charité, la joie du salut offrent les réalités du ciel; c'est le ciel sur la terre et dans le cœur ; c'est le cœur devenu pour ainsi dire le ciel lui

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