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fidèles ne doivent pas s'attendre à souffrir moins que les hommes du monde des fléaux qui nous menacent ou des malheurs qui nous ont déjà atteints, mais plutôt peut-être à être choisis de préférence par le Seigneur pour boire les premiers cette coupe amère qu'il présente maintenant aux nations. Cela vous étonne; cette pensée n'a cependant rien qui ne soit conforme à l'Écriture; car les Chrétiens étant, partout dans l'Evangile, appelés la lumière du monde et le sel de la terre, rien ne peut mieux que l'épreuve manifester l'excellence de leur foi et la puissance de l'Esprit qui agit en eux. Nous vivons dans un siècle où l'on en appelle constamment aux faits, et où les faits sont estimés plus que les théories. Sur les évidences du Christianisme tout a été dit, et nous possédons les plus brillantes et les plus victorieuses apologies de l'Evangile; mais parmi les différens genres d'argumens que l'on a employés pour prouver sa divine origine, il en est un qui n'a peut-être pas assez été relevé, et qui pourtant est le plus puissant de tous, un argument qui, aux premiers âges de l'Église; a gagné plus de disciples à Jésus-Christ que la science des plus savans docteurs et l'éloquence des plus habiles prédicateurs, et cet argument c'est la vie des Chrétiens, mais surtout la mort des Chrétiens. A toutes les autres preuves, le monde, dans sa folle sagesse, a trouvé des objections, sinon solides, du moins spécieuses; car le péché a tellement obscurci la raison humaine que, se trouvant au service et dans la dépendance d'une volonté dépravée, elle se prouve à elle-même tout ce qu'elle veut, comine aussi elle nie tout ce qu'elle veut. Mais la preuve dont je parle demeure dans toute sa force; personne ne l'a réfutée, personne ne la réfutera, et c'est encore par ce moyen, j'en ai la conviction, que les hommes du XIXe siècle seront convaincus de la divinité du Christianisme. A des faits il faut répondre par des faits, et plus les faits sont frappans dans l'ordre social et politique, plus les faits doivent être saillans dans le royaume de Dieu. Il y a tant d'égoïsme aujourd'hui, que l'amour et le désintéressement des Chrétiens peuvent seuls le démasquer et le condamner; tant de murmures et de mécontentement que leur soumission à la volonté divine et leur patience serviront à former un magnifique contraste sous ce rapport; tant d'inquiétude, de vide, de malaise, dedésespoir, que les enfans de Dieu sont destinés à instruire et à frapper le monde par leur calme, leur paix, leur joie, même au milieu des larmes, même dans le deuil, même dans le dénuement de toutes choses; tant de petites passions, de sentimens bas, de poursuites

vaines, qu'ils doivent montrer le ciel sur la terre, par la spiritualité de leurs affections et la pureté de leurs motifs; tant de lits de mort où l'on n'entend que les cris du désespoir et où l'on ne voit que les angoisses d'un pécheur qui lutte avec le roi des épouvantemens, pour se soustraire à l'éternelle justice, ou ce qui est pis encore et beaucoup plus commun, tant de lits de mort, où le Chrétien est atterré à la vue de l'insensibilité profonde et de la brutale insouciance que manifestent des âmes qui n'éprouvent aucune alarme à la pensée de tomber entre les mains du Dieu vivant, que Dieu appellera sans doute ses enfans à manifester d'une manière solennelle la foi des rachetés de Jésus-Christ; et la mort triomphante de quelquesuns d'entre eux publiera hautement que la fin des Chrétiens n'est marquée ni par la terreur, ni par une apathie criminelle, mais la paix que procurent à l'âme fidèle la croix, les mérites et l'amour de Jésus.

<< Chrétiens, voilà votre mission dans ces jours difficiles! Elle est grande et noble; en seriez-vous effrayés ? S'il est vrai, que la force de l'attachement et la fidélité se mesurent par la grandeur des sacrifices que l'on fait pour en donner la preuve; s'il est vrai, que plus on aime, plus on se dévoue; s'il est vrai que plus on a à cœur la gloire et les intérêts d'un maître que l'on chérit, plus on s'honore du poste difficile qu'il confie à notre garde et à notre défense, avec quels sentimens de reconnaissance et d'humiliation ne devez-vous pas accepter le rôle glorieux que votre Sauveur et votre Dieu vous appelle à remplir? Sans doute, que si vous ne regardez qu'à vousmêmes, vous avez tout lieu de craindre et de vous défier de votre faiblesse, et à Dieu ne plaise que je cherche à vous inspirer une témérité coupable! Je sais que celui qui est debout doit prendre garde qu'il ne tombe, et que celui qui présume de ses forces est déjà à moitié vaincu ; mais je sais aussi que toutes les fois que le Seigneur appelle ses enfans à déployer une foi extraordinaire, une charité extraordinaire, un renoncement extraordinaire, une vie extraordinaire, il proportionne son secours à la grandeur de leurs besoins et aux difficultés de leur position, et qu'il leur communique des grâces extraordinaires; et souvent telle affliction, telle souffrance qui, vue de loin, nous avait paru insupportable et avait fait frémir tout notre être, parce que nous nous étions placés en face d'elle seuls et avec notre impuissance, a été estimée par nous infiniment légère, une fois que le Seigneur nous l'a eu dispensée, parce que sa force s'est accomplie dans notre infirmité. A cet égard, ses pro

messes sont claires, certaines et immuables; son bras n'est pas raccourci pour ne pouvoir pas délivrer et délivrer avec gloire; et quand ses promesses ne seraient pas dans sa Parole pour rassurer nos âmes, sa fidélité n'est-elle pas visible dans son Église, pour nous apprendre à nous confier en lui ? »

Que ces paroles fassent impression sur nos âmes; qu'elles soient comme un avertissement à nous armer de l'armure spirituelle de notre Dieu et à persévérer dans la prière, afin que sa force subvienne à notre infirmité!

JOURNAL DES MISSIONS ÉVANGÉLIQUES, VIo année, 12 liv. in-8°. Paris, 1831, chez J.-J. RISLER, rue de l'Oratoire, no 6. Prix de l'abonnement: 6 fr. par an.

« Combien je voudrais que ma mère pût entendre ces bonnes choses, » s'écriait un pauvre paysan dont le cœur venait d'être touché par la prédication du salut par la foi en Jésus-Christ. Voilà en peu de mots l'histoire de toutes les Sociétés de Missions qui formeront bientôt un réseau qui enveloppera le monde. Dès qu'on est soi-même converti, on n'a point de désir plus ardent que de travailler de quelque manière à la conversion des autres; le vrai Chrétien ne veut pas aller au ciel tout seul; du désir il passe à la prière, et la prière produit les efforts et attire sur eux la bénédiction de Dieu. Partout nous retrouvons cette marche uniforme. Aussitôt qu'il y a dans un pays un réveil religieux, quelques Chrétiens se réunissent pour prier pour l'avancement du règne de Dieu auprès et au loin, et il se forme un noyau de Société des Missions; mais ce qui était d'abord effet ne tarde pas à devenir cause à son tour; et nées de ces petits commencemens que le Seigneur ne veut pas qu'on méprise, ces sociétés se manifestent bientôt comme l'un des plus puissans instrumens pour alimenter et étendre dans l'intérieur d'un pays cette flamme qu'elles ne semblaient d'abord destinées qu'à porter au dehors. En effet, si l'œuvre n'a pu être commencée que par des hommes qui avaient eux-mêmes éprouvé la puissance de cet Évangile

1832. - 15e année.

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qu'ils font prêcher aux païens, il se joint bientôt à eux une foule de gens qui s'intéressent aux missions par mille motifs secondaires, et qui ne sentent pas bien d'abord toute la portée de ce qu'ils font; mais ils éprouvent souvent que ceux qui arrosent sont arrosés. On ne peut s'occuper bien long-temps des travaux d'une Société de Missions, on ne peut surtout assister à ses réunions de prières, sans se demander quel est le but auquel elle tend. On sent bien qu'il ne s'agit plus, comme au temps de Charlemagne, de baptiser en masse des nations entières par le droit du plus fort. Les missionnaires ne marchent pas à la suite des armées ; ils sont seuls, aux yeux de ceux auxquels il n'a pas été donné, comme au serviteur d'Élisée, de voir les multitudes d'anges qui campent autour d'eux; les armes de leur guerre ne sont pas charnelles, mais elles n'en sont que plus puissantes pour renverser les forteresses et pour amener les pensées prisonnières à l'obéissance de Christ. Il n'est donc plus question pour les païens de changer de nom, mais de changer de cœur. En écoutant le récit de conversions véritables, en lisant les naïves expressions de ces sauvages qui se réjouissent de ce qu'ils sont venus se désaltérer à la source des eaux jaillissantes et de ce qu'ils n'ont plus soif; comment pourrait-on ne pas comparer l'impression que fait l'Évangile sur ces nouveaux Chrétiens avec celle qu'on en éprouve soi-même ? Lorsqu'il s'agit des choses qui s'adressent à l'esprit, on ne peut s'attendre à ce que l'homme civilisé et le sauvage, à ce que l'Européen et l'habitant d'Otahiti en portent le même jugement et en reçoivent le même plaisir; mais dans tout ce qui tient au cœur et à la conscience, les hommes n'ont pas besoin de parler la même langue et d'avoir la peau de la même couJeur pour s'entendre ; car ainsi que s'exprime l'Écriture-Sainte: « Comme dans l'eau le visage répond au visage, ainsi le cœur « d'un homme répond à celui d'un autre homme. » Comment ne serait-on donc pas frappé de ces convictions de péché que produit la prédication de la loi et qui ne permettent plus de trouver de paix que dans la foi à l'Évangile? Comment ne se demanderait-on pas avec étonnement où l'Hindou converti puise la force d'accomplir les sacrifices de tout genre que lui

impose l'adoption du nom de Chrétien? Comment celui qui ne porte ce nom que comme il porte celui de son pays pourrait-il ne pas être étonné d'une conversion comme celle de cet Africaner qui, après avoir été la terreur des missionnaires, devint leur disciple le plus zélé et leur plus fidèle ami?

Mais ce n'est pas seulement dans le cœur des individus, c'est aussi sur la masse des nations que l'Evangile opère de nos jours ces changemens remarquables qui sont la meilleure de toutes les réponses à présenter à ceux qui ne nient les effets que parce qu'ils ne connaissent pas la puissance de la cause. Est-ce à celui qui voit renaître, chez des peuples naguère plongés dans les abimes du crime et du vice, la foi, le zèle et la sainteté des Églises primitives que l'on réussira à persuader que le Christianisme est un instrument usé, qu'il est temps de laisser de côté pour inventer quelque chose de meilleur; non, il jugera de l'arbre par le fruit; les faits lui prouveront mieux que n'auraient pu le faire les raisonnemens, que l'Evangile est aujourd'hui comme au temps de saint Paul « la puissance de Dieu en « salut à tout croyant », toutes les fois qu'il est prêché comme le prêchait l'Apôtre. Notre Dieu soit béni de ce qu'il est déjà parmi nous beaucoup de personnes qui ont été ainsi amenées à éprouver elles-mêmes cette glorieuse puissance de son Evangile!

En France, plus encore peut-être que partout ailleurs, la Société des Missions n'a d'abord été que comme un grain de semence de moutarde; mais il a été protégé de Celui qui donne l'accroissement, et il sera peut-être donné à ceux qui l'ont vu germer et verdir, de le voir devenir un grand arbre. Que de progrès depuis le temps où les réunions du premier lundi du mois n'étaient composées que de dix ou douze personnes! Nous avons vu une foule empressée remplir le temple dans lequel ont été consacrés les jeunes missionnaires qui ont été envoyés en Afrique, et c'est maintenant d'un bout de la France à l'autre que le Journal des Missions vá porter les nouvelles des progrès du règne de Dieu. Pendant les premières années, et lorsque les premiers élèves de la maison des Missions ne se livraient encore qu'à des études préparatoires, le Journal n'était consa

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