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crie qu'il n'y a nul homme qui ne pèche (1 Rois, VIII, 46). L'engagerez-vous à un changement de vie? Hélas! quel changement peut-il manifester le malheureux dont les forces disparaissent à vue d'œil et dont toute la vie passée accuse la fragilité! Lui parlerez-vous de l'indulgence de Dieu, de l'égard qu'il aura pour les faiblesses d'une nature déchue? Oui, c'est là votre seule ressource; mais sur quoi repose-t-elle, lorsque la Parole de Dieu, éternelle et infaillible, nous montre partout un Dieu juste et saint, dont les yeux sont trop purs pour voir le mal (Hab. I, 13), et qui prononce malédiction sur ceux qui n'observent pas TOUTES les choses qui sont écrites au livre de la loi pour les faire (Gal. III, 10). Non, il ne reste point, il ne peut point rester d'espérance au pécheur, tant qu'il ne regarde qu'à lui et à ses propres forces; il n'aurait qu'à fléchir sous la juste condamnation de Dieu, si ce Dieu lui-même n'était venu chercher et sauver ce qui ÉTAIT perdu (Luc, XIX, 10), Misérable que je suis! s'écrie le pécheur, à la vue de sa misère, qui me délivrera de ce corps de mort? Donne gloire à Dieu, qui nous a donné la victoire par notre seigneur Jésus-Christ (I Cor. XV, 57)! lui répond le disciple fidèle. Quelques instans suffisent pour lui faire connaître le conseil de Dieu, la bonne nouvelle d'un Sauveur navré pour nos forfaits. Oui, le mourant, dont le corps est déjà sans forces, peut encore élever un regard de foi et d'espérance sur la croix de son Sauveur; il peut demander l'Esprit de Dieu, et l'Esprit de Dieu peut lui faire comprendre que comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi le Fils de l'homme a été élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle (Jean, III, 14, 15)!

L'Eternel a fait entendre sa voix au milieu de nous; ne restons point sourds à cet appel; que tous les disciples de son Fils redoublent de zèle et de prières. Il en faut faire pour tous les hommes (I Tim. II, 1). Prions que le fléau s'éloigne prompteînent de nous, s'il est possible; prions pour les malades et les affligés; prions pour obtenir la soumission à la volonté de Dieu; prions pour les populations que le fléau a atteintes ; prions pour celles qu'il menace; prions pour que la nation au milieu de laquelle nous nous trouvons comprenne pourquoi Dieu la

châtie; prions surtout, ah! prions beaucoup pour que ce nouvel avertissement serve avec tant d'autres à avancer le règne de Dieu sur la terre, et à hâter le moment où toute langue confessera le nom de Christ (Phil. II, 11). Seigneur Jésus, viens, oui viens, bientôt! Amén.

'I Paris, 20 atril 1832. (1)

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LA COLONIE DU DONAU-MOOS(1).

Un petit ouvrage publié à Munich, en 1830, sur l'état de cette colónie, mérite aujourd'hui d'attirer l'attention des Chrétiens par le développement des circonstances par lesquelles elle a passé depuis. C'est pourquoi nous en donnerons ici la substance à nos lecteurs.

Le Donau-Moos, qu'on pourrait traduire les Mousses du Danube, dans le royaume de Bavière, formait encore, il y a 42 ans, un marais immense de 4 lieues de largeur, súr 8 de longueur; c'est-à-dire environ 32 lieues carrées. Il est situé entre les villes de Neubourg et d'Ingolstadt. Les dangers qu'il offrait, soit à ceux qui voulaient le traverser, soit à ceux qui étaient à portée de ses exhalaisons morbifiques, et la perspective dé conquérir sur les eaux une si belle étendue de terrain, inspirèrent l'idée de le dessécher. C'est sous le gouvernement de l'électeur Charles-Théodore que cette contrée sortit du limon et des eaux stagnantes où elle était ensevelie depuis des siècles. L'ouvrage fut commencé en 1790 et achevé en cinq ans environ; il eut les résultats les plus satisfaisans pour la santé et l'économie rurale des environs. On pensa dès lors à établir des colonies sur ce nouveau territoire; les colons y affluèrent de toutes parts. Mais on n'eut pas égard au nombre d'habitans

(1) Nos lecteurs s'expliqueront facilement par les douloureuses circonstances au milieu desquelles nous nous trouvons le retard qu'a éprouvé cette livraison de nos Archives.

(2) Nous empruntons cet intéressant article sur la colonie catholique du Donau-Moos à la Feuille religieuse du canton de Vaud.

qu'il pouvait nourrir, vu les tourbières qu'il renfermait; des spéculateurs profitèrent de l'imprévoyance des autorités; ils cherchèrent à se procurer de grands revenus, en établissant sur les fonds qu'ils avaient achetés des gens qui leur payaient comme redevance au-delà de ce qu'ils pouvaient y gagner par leur travail; en sorte que ceci contribua encore plus à peupler les maisons de force et de détention que le Donau-Moos.

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C'est à peu près au milieu de cette contrée que se trouve la colonie de Carlshuld. Le premier plan avait été d'y établir vingt familles, capables, actives, entendues dans l'agriculture et dans l'économie; mais on s'en écarta bientôt, et cent vingt-six familles, dont plusieurs n'avaient ni la connaissance ni le goût de l'agriculture, vinrent s'y fixer. Ce fut la cause de leur dégénération politique et morale. Cette colonie est pauvre, et d'une telle pauvreté que celui qui veut voir la plus profonde misère humaine à tous égards n'a qu'à s'y transporter. Dans une misérable hutte, semblable à celle des Groënlandais, vé, gète la nombreuse famille, mourant de faim, ou n'ayant pour toute nourriture qu'un pain grossier ou de mauvaises pommes de terre de marais, et encore en petite quantité. Ces habitations sont de bois misérablement travaillé. Elles consistent en deux pièces, dont l'une est une chambre obscure, non planchéiée, ou garnie de débris de planches pourries; et l'autre, un cabinet encore plus misérable. Si les temps humides se prolongent, l'eau s'y fraie un passage. Plusieurs, on peut dire la plupart des colons, n'ont point de lit. Leur couche, c'est de la paille; leur couverture, les haillons qu'ils portent le jour. Les enfans couchent en été sous le toit de bardeaux et en hiver dans les écu ries. Les habits répondent à cet état de choses; plusieurs des enfans ne peuvent fréquenter l'école à cause de cela. Le pain y est rare. « Je me contenterais de mes pommes de terre, » disait dernièrement un brave colon, « si je pouvais seulement « les saler. » — « Je me passerais bien de sel, » disait un autre, << si seulement j'avais des pommes de terre à donner à mes en« fans. » En 1830, leurs récoltes ayant manqué, plusieurs familles ont eu à lutter contre la faim jusqu'à deux ou trois jours de suite. Aussi ces pauvres gens ont-ils l'air de squelettes vi

vans. Mais c'est auprès des femmes en couche et des malades que se montre leur misère dans sa nudité. La pauvre mère gît sur la paille, sans autre nourriture, sans autre couverture, que celles que nous avons mentionnées; à côté d'elle, dans une espèce de berceau, se remue sur la paille le petit enfant entouré de vieux lambeaux. Au quatorzième jour, au lieu de la bouillie ordinaire, du pain mendié ou des pommes de terre à l'eau sont son unique aliment. Le malade languit de même, privé des socours de l'art, sur sa paille dure, à côté d'une cruche d'eau et de quelques croûtes de pain ou seulement de quelques pommes de terre. « Si quelqu'un doutait de ces détails, » ajoute l'auteur de ce petit ouvrage, « on pourrait lui dire : Viens et vois. »

Après plusieurs essais infructueux pour remédier à ce triste état de choses, on comprit enfin qu'il fallait travailler sur les âmes. Carlshuld était annexé à Weichering, paroisse catholique, éloignée d'une lieue et demie, et très étendue elle-même. Le chemin était alors impraticable et dangereux, en sorte que cette colonie était vraiment un troupeau sans berger et abandonnée à la plus grande misère spirituelle. On y envoya un homme qui devait être à la fois pasteur, maître d'école, marguillier, chantre et enterreur. Une petite hutte, qui brûla en 1824, lui fut assignée pour demeure, et les pauvres colons étaient obligés de lui donner, chaque année, 2 florins 24 kreutzer, ou un peu plus de 5 fr., par famille! Ils devaient le payer; on comprend tout ce qu'entraînait cette obligation pour le pasteur et pour eux. Une hutte de bois, qui contenait à peine le tiers de ceux qui fréquentaient le culte, fut bâtie pour servir de temple. Malgré cela, deux pasteurs, dont l'un se nommait Zenger, s'y distinguèrent successivement par leur activité et les sa◄ crifices sans nombre qu'ils firent pour le bien de leur paroisse. Cependant personne n'y pouvait tenir long-temps, de sorte que, depuis 1822 jusqu'au 26 août 1826, c'est-à-dire pendant plus de trois ans, ils n'eurent point de pasteur à eux, quoique la colo, nie avec ses annexes s'élevât alors à neuf cent trente-neuf âmes, L'immoralité atteignit alors un tel degré qu'il vaut mieux s'en taire que de raconter des choses si affligeantes.

Ce fut sur ce triste horizon que Dieu fit paraître l'aurore

de meilleurs jours. Dans l'été de 1826, l'évêque d'Augsbourg, M. Ignace-Albert de Riegg, visita la partie nord-est de son diocèse, dont le fameux district de Donau-Moos faisait partie. Il vit la place de la cure incendiée, le petit temple dégradé et la misère de la paroisse. Il vit autour de lui ces neuf cents âmes rassemblées, comme un troupeau de brebis errantes. Il leur parla avec force, avec feu, avec charité; ils s'agenouillèrent tous en sanglotant et demandèrent avec instance un pasteur. « Nous ne « nous relèverons pas,» s'écrièrent-ils, « que nous n'ayons reçu « votre parole à ce sujet. » — «Oui, » répondit l'évêque, en versant des larmes, « vous en aurez un au plus tôt; mais voulez« vous le recevoir avec affection et respect? » - Et tout le peuple s'écria: « Oui, nous le voulons ! » « Voulez-vous « croire à l'Évangile qu'il vous prêchera et vous laisser con<«< duire au chemin de la vie et du salut? » Et tout le peuple répondit, plus par ses larmes que par ses paroles : « Oui, nous <«<le voulons ! » L'évêque partit, leur laissant sa bénédiction et de l'argent pour les pauvres. Le même soir il écrivit au roi, et M. J. E. G. Lutz, auteur de l'écrit que nous analysons, reçut l'ordre de quitter la paroisse qu'il occupait pour se rendre à Carlshuld comme pasteur-suffragant (1).

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Obéissant à l'ordre de son évêque et y voyant la volonté de Dieu, M. Lutz arriva, le 27 août 1826, dans sa nouvelle sphère d'activité. Il arriva dans le district du Donau-Moos comme dans une contrée inconnue. La cure ayant été brûlée, il demanda à un colon de lui louer sa demeure. Celui-ci se retira chez son fils. On fit quelques réparations à la cabane et on creusa tout autour à la profondeur d'un pied, pour l'assainir un peu. C'était en tout deux petites chambres incommodes, si humides que les souliers et les autres objets se couvraient de moi

(1) La suite de ce récit donne tout lieu de croire que Lutz est un disciple de Gossner ou de Lindl, deux curés bavarois, qui, il y a quatorze ans, furent les instrumens d'un grand réveil parmi les catholiquesromains de ce royaume, et qui, chassés par l'animosité du clergé, ont dès lors exercé leur ministère hors de l'Eglise romaine, en Russie et en Allemague.

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