Page images
PDF
EPUB

ment votre régénération et votre salut. Acceptez donc ces mystères, non comme des vérités qui vous peuvent sauver, mais comine les dépendances nécessaires de l'œuvre miséricordieuse du Seigneur à votre égard.

<< En matière de religion, le vrai point de la question est celui-ci : la religion qu'on nous propose change-t-elle le cœur, l'unit-elle à Dieu, le prépare-t-elle pour le ciel ? Si le christianisme produit ces effets, nous laisserons à leur aise les ennemis du christianisme se révolter contre ses mystères et les taxer même d'absurdité. L'Évangile, leur dirons-nous, est donc une absurdité; vous l'avez découvert. Mais voilà, certes, une bien nouvelle espèce d'absurdité que celle qui attache l'homme à tous ses devoirs, qui règle la vie humaine mieux que toutes les doctrines des sages, qui met dans l'intérieur de l'homme l'équilibre, l'ordre et la paix, qui lui fait remplir joyeusement tous les offices de la vie civile, le rend plus propre à vivre et mieux disposé à mourir, et qui, généralement reçue, serait la sauvegarde et l'appui des sociétés ! Citez-nous, parmi les absurdités humaines, une seule qui produise de tels effets. Si cette folie que nous vous prêchons en produit de pareils, n'est-il pas naturel de conclure qu'elle est la vérité même, et que si ces choses ne sont point montées au cœur de l'homme, ce n'est point parce qu'elles sont absurdes, mais parce qu'elles sont divines ?

<< Faites, mes chers frères, une seule réflexion. Vous êtes forcés de convenir qu'aucune des religions que l'homme peut inventer ne suffit à ses besoins et ne peut le sauver. Là-dessus, vous avez un choix à faire. Ou bien vous les rejetterez toutes comme insuffisantes et trompeuses, et ne chercherez rien de mieux puisque l'homme ne saurait inventer mieux, (et alors vous abandonnerez au hasard, au caprice du tempérament ou de l'opinion votre vie morale et votre sort à venir). Ou bien vous adopterez cette autre religion que quelques-uns traitent de folie: et elle vous rendra saints et purs, irrépréhensibles au milieu d'une génération perverse, unis à Dieu par l'amour et à vos frères par la charité, infatigables pour le bien, heureux de vivre, heureux de mourir. Après cela, il se trouvera que cette religion était fausse. Mais en attendant, elle a restauré en vous l'image de Dieu, rétabli vos rapports primitifs avec ce grand Être, elle vous a mis en état de goûter la vie et le bonheur des cieux. Par elle vous êtes devenus tels qu'il est impossible qu'au dernier jour Dieu ne vous accueille pas comme ses enfans et ne vous rende point participans de sa gloire. Vous êtes faits pour le paradis, le pa

radis a dès ici-bas commencé pour vous; car vous aimez. Cette religion a donc fait ce que toute religion se propose, et ce qu'aucune autre n'a réalisé. Et pourtant, elle était fausse! Et que ferait-elle de plus si elle était vraie! Ou plutôt, ne voyez-vous pas que c'est une preuve éclatante de sa vérité? ne voyez-vous pas qu'il est impossible qu'une religion qui mène à Dieu ne vienne pas de Dieu, et que l'absurdité consiste précisément à supposer que vous puissiez être régénérés par un mensonge?

« Après comme avant, vous ne comprendrez pas tout dans les doctrines de l'Évangile. C'est qu'apparemment il fallait que vous fussiez sauvés par des choses que vous ne comprendriez pas. Est-ce un malheur? En êtes-vous moins sauvés ? Vous sied-il de demander compte à Dieu d'un reste d'obscurité qui ne vous nuit pas, lorsque, pour tout ce qui vous est essentiel, il vous prodigue la lumière ? Les premiers disciples de Jésus, hommes sans culture et sans lettres, ont accepté des vérités qu'ils ne comprenaient pas et les ont répandues dans le monde. Une foule de sages et d'hommes de génie ont accepté de la main de ces pauvres gens des vérités qu'il ne comprenaient pas davantage. L'ignorance des uns, la science des autres ont été également dociles. Faites comme les ignorans et comme les savans. Embrassez avec amour ces vérités qui ne fussent jamais montées dans votre cœur, et qui vous sauveront. Ne perdez pas en de vaines discussions un temps qui s'écoule, et qui vous entraîne dans la lumière consolante ou terrible de l'éternité. Hâtez-vous de devenir saints et d'être sauvés. Aimez d'abord, vous connaîtrez un jour. Que le Seigneur Jésus vous prépare pour cette époque de clarté, de repos et de bonheur ! »

Le discours de M. Grand-Pierre, intitulé: « Les dogmes «< chrétiens justifiés aux yeux de la raison » et celui sur « les « Caractères de la morale chrétienne» ont le caractère apologétique de la plupart de ceux de M. Vinet. Il montre dans le premier que le Christianisme qui passe aujourd'hui aux yeux de beaucoup de gens pour une doctrine usée et vieillie, qui mérite à peine l'examen, renferme la plus haute et la plus profonde philosophie; après avoir ainsi justifié les dogmes de l'Évangile des fausses inculpations d'une raison orgueilleuse, il consacre le second discours à mettre sa morale à l'abri de ses modernes détracteurs.

Les trois autres discours sont d'un genre auquel on est encore moins habitué dans nos chaires: ils ont, comme tous ceux de ce volume, été préchés dans l'une des chapelles non salariées par l'Etat ouvertes à Paris immédiatement après la révolution de 1830, et qu'on peut considérer comme des sortes de stations missionnaires dans cette grande ville. M. Grand-Pierre a parfaitement compris qu'il faut offrir au public qui y afflue, et pour une partie duquel l'Evangile est une nouveauté plutôt qu'une bonne nouvelle, des idées propres à captiver l'attention et à agir fortement sur les esprits. Il s'est transporté au milieu des circonstances présentes, de la société de nos jours, du mouvement politique qui nous agite, et c'est en présence de ce chaos social qu'il a proclamé l'Evangile. Les Discours intitulés: « La vraie Liberté, les Signes du temps » et « le Chrétien dans «<les temps de calamité publique », ont produit une impression sérieuse et salutaire. C'est à ce dernier discours que nous ferons quelques emprunts, désirant offrir ces paroles à nos lecteurs, au commencement de cette année, comme des encouragemens et des avertissemens appropriés aux besoins particuliers de l'Eglise dans les temps où nous vivons. Le prédicateur avait choisi pour texte ces belles paroles d'Ésaïe : « Va, mon « peuple, entre dans tes cabinets, et ferme la porte sur toi; a cache-toi pour un petit moment, jusqu'à ce que l'indigna«tion soit passée. » ( Esaïe xxvi, 20.) Après les avoir développées et avoir rappelé les circonstances auxquelles elles se rapportent, il ajoute :

« Il y a, entre la position temporelle des Israélites du temps d'Esaïe et la nôtre aujourd'hui, plus d'un trait d'analogie: notre avenir est incertain, nos moyens d'existence sont précaires, nos familles peuvent être décimées, ou même moissonnées par la mort, nos vies doivent nous apparaître plus que jamais comme un souffle prêt à nous échapper; le temps de l'indignation a commencé et peut durer long-temps encore; hâtons-nous donc de nous rendre à l'appel du Seigneur, en fermant notre porte sur nous; et tout en réfléchissant sur la position du Chrétien dans les calamités publiques, recherchons quels sont nos devoirs.

« Et d'abord, il me semble, mes Frères, que la considération des

vicissitudes de l'époque où nous vivons doit nous désabuser quant aux espérances que nous pourrions avoir conçues relativement à un état de prospérité parfaite dans ce monde. Mécontens de leur siècle, les anciens avaient imaginé un âge d'or dans le passé; tout aussi peu satisfaits du présent, les modernes attendent un âge d'or dans l'avenir; mais depuis six mille ans que ce monde existe, l'histoire offre-t-elle une époque, une seule époque de vrai repos, de solide prospérité? Et si au XIXe siècle, avec toutes nos lumières, toute notre expérience, toutes nos révolutions et nos améliorations, nous jouissons encore de si peu de sécurité, est-il probable que plus tard nous obtenions ce que nous n'avons point obtenu jusqu'à ce jour ? Je ne nie pas, que l'on me comprenne bien, je ne nie pas que notre position ne puisse s'améliorer; je le désire, je l'espère même. Mais la stabilité, l'ordre, le repos, la vraie prospérité, voulez-vous savoir où je les cherche, où je les attends? Là où tous les Chrétiens les voient et où Dieu les a placés dans ce ciel qu'il a préparé à ceux qui l'aiment, dans ce royaume des élus où l'ambition, l'orgueil, l'égoïsme, le péché ne régneront plus, et où toutes les âmes, étant soumises à Dieu et unies par la charité, ne connaîtront qu'une loi, la loi divine; qu'un principe, l'amour divin; qu'un but, l'amour du Créateur; qu'un gouvernement, le gouvernement du monarque souverain de l'univers. Ici-bas, tant que la généralité des hommes vivra éloignée de Dieu et repoussera l'influence de l'Évangile, on cherchera vainement le repos, même avec les meilleures lois, parce que, comme on l'a fort bien dit, les lois qui peuvent comprimer certains désordres sont impuissantes pour changer les cœurs, pour faire naître l'amour et pour rendre vertueux. Il est vrai que la Bible nous autorise à espérer, pour l'humanité, des temps de bonheur, où la paix régnera universellement, où les hommes s'entr'aimeront comme des frères, où les barrières qui les séparent présentement seront abattues, et où, pour parler le langage de l'Ecriture, ils forgeront leurs lances et leurs épées pour en faire des hoyaux et des serpes; mais ces temps de paix et de prospérité générales ne sont promis ni aux lois de nos législateurs ni aux négociations de nos diplomates, mais à l'Evangile de Jésus-Christ, qui est destiné à soumettre le monde et à amener toutes les pensées captives à l'obéissance de la croix. En attendant cette ère glorieuse, que l'Eglise chrétienne hâte par ses vœux et ses prières, l'agitation qui tourmente l'Europe et la France surtout, et qui imprime à tous les objets un caractère frappant d'instabilité,

est bien propre à nous rappeler que ce n'est point ici le lieu du repos, que nous n'avons point dans ce monde de cité permanente, et à nous faire soupirer après le royaume qui ne saurait être ébranlé, et la cité céleste dont Dieu lui-même est l'architecte et le fondateur.

« Une conséquence de cette vérité, mes chers Frères, est que les Chrétiens ne doivent pas se flatter d'être épargnés par l'adversité, et d'avoir une part moins grande que les autres hommes dans les maux qui nous affligent. Je ne vois nulle part dans l'Ecriture que Dieu leur ait promis la prospérité temporelle, et qu'ils aient reçu le privilége de passer sains et saufs au milieu des catastrophes publiques. Leurs richesses sont périssables comme celles des adorateurs de Mammon; la contagion a prise sur leur corps comme sur celui des enfans du siècle; ils ne peuvent pas plus éviter les deuils et les séparations que ceux qui pleurent sans espérance; et toutes leurs prévisions, tous leurs calculs ne sauraient les mettre à l'abri des résultats de ces jugemens sévères que Dieu fait peser sur les peuples et sur les individus. Ainsi à l'extérieur et à ne les considérer que des yeux de la chair, ils ne sont pas mieux partagés que le commun des hommes; un même sort leur est réservé dans ce monde ; ils ont leur lot de souffrances et d'afflictions, souvent plus considérable que celui des enfans de la terre. Car Dieu ne les a pas affranchis des conséquences temporelles du péché, qui sont la douleur et la mort, mais de la peine du péché, de la mort éternelle; Christ n'a pas légué pour dot à son Eglise la tranquille jouissance des biens d'ici-bas, mais les richesses impérissables de son ciel ; il ne l'a pas dispensée de l'épreuve, mais il la fortifie au jour de l'épreuve. Voulez-vous donc connaître les priviléges et la gloire des Chrétiens dans les jours de détresse? Ils sont tout entiers dans cette paix de Dieu qui remplit leurs âmes ; dans cet amour de Dieu dont ils ont le témoignage intérieur par le Saint-Esprit; dans cette assurance intime que les maux auxquels ils sont sujets ne sont pas des marques du courroux de leur Dieu, mais des gages de son amour; dans cette espérance vive qui les soutient de participer un jour à la félicité suprême de leur Sauveur. Ne perdez jamais de vue ces choses, Chrétiens mes bien-aimés frères, afin que vous ne soyez point abattus lorsque vous serez repris par le Seigneur; mais vous rappelant qu'il châtie celui qu'il aime et qu'il frappe de sa verge tout enfant qu'il reconnaît pour sien, relevez vos mains qui sont faibles et fortifiez vos genoux qui sont languissans.

« Je vais plus loin, mes frères, et je dis que non-seulement les

« PreviousContinue »