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« Retourner à l'Éternel! mot propre s'il en fut jamais. En effet, nous avons quitté l'Éternel. Fugitifs de la maison paternelle, nous nous sommes aventurés, sur l'avis de nos passions et sur la foi de notre sagesse, dans mille routes périlleuses que le Seigneur nous avait défendues. Ivres de nos systèmes, fiers d'une prospérité qui semblait ne devoir point finir, nous nous sommes lancés dans la vie sans guide et sans appui. Notre sagesse nous a engagés au milieu d'inextricables défilés, notre lumière au milieu d'épaisses ténèbres; nos principes se sont effacés, nos convictions ont disparu, nous avons douté de nous-mêmes et de Dieu, nous nous sommes résignés à vivre au hasard et dans l'étourdissement, vigilans d'ailleurs à faire commodément le voyage, indifférens sur le terme de cette excursion téméraire........ Au milieu de ces ténèbres l'orage est venu, le tonnerre a grondé, les eaux du ciel sont tombées par torrens; au Hieu d'une route unie et paisible, à nos côtés et devant nous le terrain s'est creusé en précipices. Irons-nous plus avant? persisteronsnous dans ces fausses voies? Non, la route est trop mauvaise; retournons à la maison de notre père, retournons à l'Éternel; rentrons sous l'abri tutélaire que nous n'eussions jamais dû quitter; mais rentrons-y avec le sentiment de nos fautes et de notre ingratitude; déclarons, sur le seuil de la porte hospitalière, notre vrai nom pour qu'on nous ouvre; disons au maître de cette demeure: Ce sont des pécheurs qui se présentent à toi, non des justes, non des sages: ce sont des pécheurs qui périront dans ce désert, si tu ne leur ouvres. Au nom de ta miséricorde, et non de leurs mérites, ouvre à ces étrangers; ouvre-leur: ils ne sont pas sans recommandation; ils viennent à toi au nom de ton Fils qui demande pour eux l'hospitafité; il la leur a méritée; il a lutté pour eux, il a vaincu pour eux; il réclame le prix de ses souffrances, de ses ignominies, de son sang répandu; dégage sa promesse, Seigneur! fais honneur à sa parole; et, pour l'amour de lui, accueille ceux qu'il a aimés!

« C'est dans ces sentimens, nation pécheresse, qu'il faut te présenter aujourd'hui devant Dieu. Dépose un orgueil qui te perd; laisse échapper un aveu salutaire; dis ouvertement à ton maître : Nous avons prèvariqué, nous avons été rebelles, et tu n'as point pardonnė.

« Tu n'as point pardonné! Ah! sans doute, dans le sens du prophète, le Seigneur n'a point pardonné. Et déjà nous avons reçu quelques gouttes de ce calice d'amertume qui va peut-être s'épancher par torrens sur la terre entière. Pour ceux dont le regard n'a pas percé au-delà du voile où est entré le grand Pontife de l'huma

ité, cette parole demeure avec tout son poids: Le Seigneur n'a point pardonné ! Mais pour ceux qui sont retournés à l'Éternel, pauvres, nus, dépouillés, vêtus de la seule justice de Christ, riches des seules richesses de la foi, une autre parole se fait entendre au milieu des orages de la vie, parole qui surmonte le bruit de la foudre et les cris de la douleur universelle : Qui accusera les élus de Dien? Dieu est celui qui les justifie. Qui condamnera? Christ est celui qui est mort, et qui de plus est ressuscité, qui est assis à la droite de Dieu, et qui intercède pour nous. Qui nous séparera de l'amour de Christ? Sera-ce l'affliction, ou l'angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l'épée? Dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. (Rom. VIII, 33-37.) Que nous serons forts, mes frères, quand, par la grâce du Seigneur, ces sentimens auront établi leur empire dans notre âme! Qu'elles arrivent alors ces épreuves devant lesquelles pâlissait notre faiblesse ou frémissait notre orgueil. Qu'elles viennent ces tourmentes politiques dont nous avons déjà vu les avant-coureurs; que l'anarchie vienne nous montrer le spectacle, humiliant pour la nature humaine, de la liberté menaçant la civilisation. Elle nous trouvera prêts, Libres de soucis terrestres, esclaves du devoir et non de la passion, adver→ saires sans amertume et combattans sans haine, mais sûrs de nos intentions, forts de l'appui de Dieu, enracinés dans la foi, vivifiés par l'amour, heureux, s'il le faut, de succomber pour une bonne cause, plus heureux de savoir, dans tous les cas, que la cause de notre âme immortelle a été plaidée et gagnée au tribunal de Dieu par l'Avocat de tous les hommes, nous attendrons la crise qui doit décider du sort de la patrie; nous traverserons sans effroi les mauvais jours ; et au terme de la lutte, vainqueurs ou vaincus, au sein d'une patrie ressuscitée ou d'un pays déchiré, nous triompherons à l'aspect de cette nouvelle terre et de ces nouveaux cieux où la justice habite. Fléaux que la main de Dieu a multipliés en nos jours, et toi surtout, invisible ennemi dont le vol silencieux, lent, mais infatigable, a- déjà laissé derrière lui tout un hémisphère, et qui, rasant de près la terre épouvantée, de chaque coup de ton aile enlèves des milliers de vies et moissonnes à pleines mains l'avenir, tumultes de la nature et de la société, angoisses de la vie et de la mort, Dieu qui vous envoie est plus fort que vous. Dans les cœurs qui l'aiment il oppose à vos atteintes les plus glorieuses et les plus douces espérances. Les plus faibles des hommes se raniment à la voix de leur Père, et puisent dans son sein le courage que la nature semblait leur avoir refusé;

ceux qui paraissaient timides étonnent les forts. C'est que les ténèbres d'un avenir prochain se sont perdues pour eux dans les éclatantes clartés d'un avenir éternel dont ils ont déjà pris possession par la certitude de leur espérance. C'est que le Seigneur qu'ils invoquent a dressé leurs mains aux combats et leurs doigts à la bataille. C'est qu'au plus fort de leur lutte douloureuse, un divin ami qui se tient à leurs côtés les anime par ses regards, les exhorte par ses paroles. O miracle permanent! prodiges sans cesse renouvelés de l'amour céleste! multipliez-vous en ces temps d'épreuves; soutenez partout la nature défaillante; sauvez-nous de la faiblesse, sauvez-nous de cette fermeté orgueilleuse qui est une autre faiblesse ; rendez-nous tout à la fois humbles et forts; appui des cœurs tremblans, étonnez les cœurs intrépides; manifestez Dieu à un monde incrédule; prêchez le Sauveur à ceux qui ne veulent point de sauveur; proclamez avec tant d'éclat la puissance de la religion que tout genou se ploie et que toute langue confesse que Jésus est le Seigneur, à la gloire de Dieu son père.

«O mes chers auditeurs! vous qui avez péché, vous qui devez mourir, vous qui adorez en Jésus le vainqueur du péché et de la mort, joignez vos vœux aux nôtres; priez pour cette Église, afin qu'en ce jour qui lui est donné, elle entende la voix de Dieu et les choses qui appartiennent à sa paix. Priez pour la patrie; demandez qu'au milieu des sérieuses dispensations de ces temps, une nouvelle prédication de l'Évangile, une nouvelle démonstration de puissance, une nouvelle conversion au Christianisme ait lieu dans ce pays où l'infidélité, découverte ou cachée, n'a que trop étendu ses ravages. Priez pour que les afflictions du temps présent ramènent beaucoup d'âmes à l'Eternel; priez pour que Jésus-Christ soit proclamé parmi nous le sauveur de l'humanité, la lumière des nations et le protecteur de notre patrie. »

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OUVERTURE DE L'ÉCOLE DE THÉOLogie de Genève.

L'ouverture de la nouvelle école de théologie de Genève a eu lieu le 30 janvier. Parmi les personnes qui assistaient à cette séance se trouvaient M. Vernet, l'un des premiers et plus res

pectables magistrats de Genève; M. Wilberforce, fils de l'illustre membre du parlement d'Angleterre, et plusieurs autres hommes connus par leur dévoûment à l'Evangile. M. le professeur Gaussen, ancien pasteur à Satigny, a, après la lecture du psaume CXVIII, fait la prière suivante:

« J'ouvre cette École au nom du Père et du Fils et du SaintEsprit, un seul Dieu béni éternellement. Amen.

«Je m'humilie et m'abats devant le trône de Dieu notre Sauveur, et, en votre nom, messieurs, comme votre représentant, et comme à genoux devant lui, je lui consacre cette maison pour qu'elle serve à l'avancement de son règne en tous lieux, au relèvement de son Église dans Genève, à la gloire de son nom dans le monde et dans nos propres cœurs.

«J'en prends en ce moment la première pierre, et je déclare devant Dieu et devant les hommes que nous la posons sur Jésus-Christ notre espérance, sur Jésus-Christ le rocher de notre salut, sur Jésus-Christ le vrai Dieu et la vie éternelle, livré pour nos offenses et ressuscité pour notre justification.

« Que la pierre qu'ont méprisée
« Les conducteurs du bâtiment,
« A l'angle pour jamais posée,
«En soit la force et l'ornement.
« C'est sans doute une œuvre céleste

Faite par le grand Dieu des cieux;

« C'est un miracle manifeste

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« Et maintenant, messieurs et mes frères, au moment où s'ouvre ainsi cette maison pour être consacrée à Jésus-Christ, je me tiens devant l'autel de l'Éternel, en la présence de toute l'Église de Genève et, ayant les mains étendues vers les Cieux, voici les demandes qu'en votre nom je viens adresser en ce jour au Père de toute miséricorde.

«En premier lieu, je lui demande qu'aussi long-temps qu'à la lumière de sa Parole, on ne cherchera dans cette Ecole que la gloire de son nom, que la connaissance de sa vérité, que la consolation de son peuple et que l'honneur de son Évangile, il la maintienne, il l'affermisse, il la protége, il la fasse grandir; mais qu'aussitôt qu'on s'y livrerait à la sagesse du siècle et aux vaines déceptions d'une science 1832. 15e année. 8

faussement ainsi nommée, aussitôt qu'au lieu de la gloire de Dieu notre Sauveur, on s'y proposerait la folle gloire de l'homme qui s'en va périr, il la renverse!

«En second lieu, je lui demande qu'en nous attachant de plus en plus à sa vérité, il nous tienne en garde contre toutes les rivalités de la chair et du sang, contre tout esprit de secte et de parti, tout ce qui rétrécit le cœur, tout ce qui met obstacle à la communion des saints dans l'Église de Jésus-Christ; qu'en nous séparant toujours plus de l'erreur, il nous revête de charité, il nous unisse à tout ce qui lui est uni, il nous lie toujours plus à tout le peuple de Dieu, afin qu'à ce spectacle le monde reçoive un témoignage, et qu'ainsi s'accomplisse au milieu de nous la prière du Sauveur : Père, qu'ils ne soient qu'un, afin que le monde connaisse que tu m'as envoyé.

<«< Ent roisième lieu, je lui demande encore solennellement qu'il anime, qu'il éclaire, qu'il sanctifie par son Esprit les hommes dans le cœur desquels il a mis le désir d'ériger cette École à sa gloire, afin que ceux qui arrosent ainsi soient arrosés, afin qu'en l'honorant par une bonne vie, ils avancent, de jour en jour, en toute charité, toute pureté, toute obéissance; et afin qu'après nous avoir donné de lui consacrer cette maison, il nous reçoive, lui aussi, dans la sienne, après les courtes scènes et les longues misères de cette vie de passage, pour y essuyer toute laric de nos yeux, pour nous y faire voir sa face, et pour nous remplir de joie quand nous serons réveillés.

« Je lui demande encore qu'il attache tout particulièrement aux intérêts de son Église les faibles ministres qui vont s'occuper, dans cette École, de préparer de jeunes Chrétiens aux saintes fonctions du ministère ; je lui recommande par leur nom ses serviteurs Merle, Galland, Steiger, Heivernick, Gaussen et tous ceux qui pourront s'associer à eux. Je lui demande qu'il les revête du salut, qu'il les fortifie dans l'homme intérieur, qu'il les dispose à s'acquitter de leur charge avec joie, dans cette paix que la foi fait descendre au coeur de l'homme et qui lui rend tout facile, dans les encouragemens d'une tendre charité fraternelle, dans les liens d'une commune foi, dans les consolations d'une même espérance.

«Je lui demande encore, en votre nom, messieurs, et pour l'amour de Jésus-Christ, de nous adresser ici de jeunes Chrétiens revêtus déjà d'un esprit de prière, de crainte de l'Éternel, afin que nos leçons soient un culte où nous cherchions tous ensemble la face de Dieu notre Sauveur.

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