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« une Eglise rivale... » Ils disent aux peuples : « Croyez-nous, «< nous le voulons: Ego Martinus Luther sic volo, sic jubeo; sit pro ratione voluntas.» Que cette phrase fût échappée à M. de Lamennais, nous le concevrions; mais M. Peyrat sait aussi bien que nous que les Réformateurs n'en appelaient qu'à la Parole de Dieu. Les esprits, continue l'auteur, qui abandonnèrent le Catholicisme pour la Réforme ne firent donc que changer detyrannie. Enfin, dans la Réforme comme dans le Catholicisme, la forme morte est tout et le sentiment presque rien. La France secoue timidement le joug des liturgies. L'Allemagne seule, sortie depuis un demi-siècle de cette étroite ornière, a vu la religion renaître avec la liberté. En Angleterre, la religion est une chose dogmatique; or, comme dit Benjamin Constant, ni le DOGME, ni l'incrédulité ne parle à l'âme. Quelques esprits pieux ont essayé de retirer la Réforme de cette défaillance religieuse. Ils ont échoué, parce qu'au lieu de bâtir sur la raison individuelle, ils reconstruisent la Réforme sur son même fondement ruineux, les opinions individuelles DES RÉFORMATEURS. L'auteur sait aussi bien que nous que cela n'est pas, et il ne pourrait pas citer un seul Chrétien qui en ait jamais appelé à autre chose qu'à la Parole de Dieu pour établir le Christianisme. Il s'écarte encore de l'exactitude, lorsqu'il prétend qu'en Angleterre la religion est inaccessible à toute « discussion libre. » En France, le moindre bruit des néologues fait frémir la vieille orthodoxie, assoupie dans la poudre des confessions de foi (1). La Réforme a été persécutrice; sa fin est proche, elle appartient à la mort. Résumé: L'avenir appartient au Christianisme; le Catholicisme a accompli sa mission depuis le XVIe siècle; le Protestantisme, réalisé comme révolution philosophique, littéraire et politique, a avorté comme révolution religieuse. « Sur quelle base s'élévera dé«sormais le Christianisme (2)? Sur la seule possible, durable, « éternelle, la base immense du Protestantisme; sa vie est dans a la liberté. Que la religion subisse la loi progressive de la na

(1). Que les néologues s'entendent; car il y en a tels d'entre eux qui trouvent la vieille orthodoxie trop réveillée.

(2) Nous citons.

« ture humaine, résultat des besoins de l'âme et des efforts de l'intelligence, qu'elle se développe et grandisse, comme elles, d'âge « en âge. Réclamons donc la liberté religieuse, etc., etc. » Il est nécessaire que nous affirmions ici qu'il n'est pas plus question de révélation dans tout le travail de M. Peyrat, que dans notre analyse; car sans cela on ne le pourrait pas croire. Cette thèse porte le visa de M. Nazon, professeur. Il est vrai que, vu les inconvéniens auxquels la Faculté s'était exposée, elle déclare qu'elle ne prétend approuver ni désapprouver les opinions particulières du candidat; mais il est vrai aussi que le nom du professeur qui préside la thèse, révèle assez communément et par lui seul l'esprit dans lequel elle est écrite.

On trouvera peut-être que nous avons donné trop d'importance à un travail qui ne peut plus faire de mal et qu'il fallait laisser dans l'oubli. S'il ne se fût agi que de M. Peyrat, sans doute nous ne nous serions pas occupés de lui; mais il s'agit de nos Églises, il s'agit de cette Faculté où l'élite de notre jeunesse va puiser des principes destructifs de toute foi, de tout Christianisme; dès lors il est d'une grande importance de montrer jusqu'où sont poussés, à Montauban, les principes du plus pur rationalisme. Nous n'avons pas eu d'autre but; aussi nous sommes-nous abstenus de réfuter des erreurs qui se réfutent suffisamment d'elles-mêmes. Nous plaignons sincèrement M. Peyrat. C'est un malade qui a été entre les mains de mé- . decins qui, au lieu de le guérir, ont envenimé son mal. Nous l'adressons, non pas aux réformateurs, mais à Jésus, le grand et seul médecin de nos âmes, qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu, et qui a mis en évidence la vie et l'immortalité par l'Evangile.

11. Thèse sur deux conséquences du libre examen; par F.-E-CONDUZORGUES-CAIROLLE, de Quissac (Gard). — Mars 1831.

Cette thèse, comme la précédente, est visée par M. Nazon et, en effet, elle repose en partie sur les mêmes principes, quoiqu'elle s'en distingue en ce qu'elle donne la Bible comme règle de croyance. En voici le début : « La Bible étant donnée

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pour règle de croyance, 1o tout homme, dans son bon sens, « peut en l'étudiant arriver à la connaissance de la vérité (1), et « 2o nul n'a le droit de substituer à des interprétations autres que les siennes les décisions de son propre esprit, si ce n'est « par la voie légale du raisonnement et de la persuasion. Ces « deux points fondamentaux combinés forment le principe sur « lequel repose le Protestantisme, la liberté d'examen. » De ce principe l'auteur tire deux conséquences qui font le sujet de sa thèse : 1o Tous les hommes sont libres de leur foi. 2° Tous les hommes sont libres de leur culte. En traitant le premier point, l'auteur ne distingue pas nettement entre être libre de sa foi à l'égard des hommes, et être libre à l'égard de Dieu; et, comine tous ceux qui ne voient pas dans la Bible des vérités absolues, il semble disposé à penser que tous peuvent en fin de compte avoir également raison. Aussi conclut-il par une conséquence de principe: plus de confessions de foi; et une d'application assez curieuse pour que nous la citions: «Ainsi donc, dit-il, qu'on « n'accuse plus nos docteurs d'impiété et d'hérésie ; qu'on cesse « de provoquer une séparation scandaleuse; la séparation ne a serait profitable que pour ceux qui ne l'auraient pas deman« dée, et nos docteurs, couverts de ridicules anathèmes, n'en seraient pas moins de vrais disciples de Jésus-Christ. Ils pour<< raient marcher tête levée au milieu du camp d'Israël. La foudre des excommunications n'aurait point noirci leur front « serein. Elle n'aurait point atteint leurs cœurs consciencieux. Dans ce même article, l'auteur combat la grande unité protestante soutenue dans un journal qui a cessé de paraître. Dans son second article, l'auteur établit la liberté de culte, comme étant la conséquence forcée de la liberté de foi. La thèse de M. Conduzorgues ne respire pas les principes que nous croyons seuls vrais; cependant il y a une grande différence entre elle et celle de M. Peyrat ; nous nous plaisons à le reconnaître et à exprimer

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(1) Les disciples de Jésus n'étaient donc pas dans leur bon sens ; car ils eurent besoin que Jésus leur ouvrit l'esprit pour entendre les Ecritures (Luc, XXIV, 45)? Voyez encore Act. XVI, 14; 1 Cor. XI, 11; XII, 3.

l'espoir qu'un examen plus attentif de la Bible qu'il reçoit comme règle de croyance, conduira l'auteur au pied de cette croix qui seule explique le Christianisme.

Nous sommes obligés de renvoyer à une prochaine livraison ce que nous avons à dire des cinq autres thèses que nous avons

reçues.

Sermon sur LAMENTATIONS, III, 39-42, prêché le jour du jeûne fédéral (8 septembre 1831), dans l'Église française de Bâle, par A. VINET. 2e édition. Se vend au profit des communes vaudoises ravagées par la grêle. Br. de 32 pages in-12. Bâle, 1831. A Paris, chez J.-J. RISLER. Prix : 75 cent.

Ce discours porte le cachet de tout ce qui sort de la plume de son auteur. Il Ꭹ a de la force, de l'entraînement, une suite de raisonnemens clairs et serrés, revêtus de l'esprit de l'Evangile et vivifiés par lui. Le prédicateur montre à nu l'ingratitude de l'homme, qui oublie son Dieu dans la prospérité et qui l'accuse quand elle lui est enlevée, au lieu de regarder à luimême comme à la cause de ses maux. En lisant ce discours, on sent quelle grâce immense le Seigneur a faite à ses enfans, pour cette vie même, en leur donnant son Fils. On peut dire d'eux que les angoisses du temps présent ont perdu de la prise qu'elles avaient sur leurs âmes. Elles peuvent les affliger, les déchirer, mais elle ne les font pas succomber. Au lieu de les éloigner de Dieu, elles les en rapprochent; au lieu d'appeler le murmure sur leurs lèvres, elles leur font prononcer des paroles de bénédiction; au lieu de faire ressortir la révolte intérieure de l'homme naturel contre son Dieu, elles font paraître au grand jour cet esprit nouveau, cette vie humble dont Dieu a revêtu les siens. Dans ces temps où la verge de l'Eternel s'appesantit sur les nations et sur les individus, où tant de larmes sont versées à cause de douleurs si pressantes, si accumulées, oh! qu'il est doux de s'être réfugié à l'ombre du Tout-Puissant et de se sentir soutenu, soulevé au-dessus de tous ces maux par sa main puissante! Nous espérons que la lecture de ce sermon excitera des pensées sérieuses et quelque désir de la paix d'en-haut chez

ceux qui ne la connaissent pas et qui s'en vont perdant leurs jours à chercher la paix ici-bas. Nous allons laisser parler M. Vinet lui-même. Après avoir montré que les afflictions sont un châtiment des péchés des hommes et que la douleur sous toutes ses formes, armée de tous ses dards différens, vient fondre sur eux pour les réveiller et les ramener à Dieu, il s'adresse aux Chrétiens et il leur dit :

« Ames régénérées, âmes chrétiennes, vous aussi vous souffrez pour vos péchés. C'est parce qu'il y a en vous, comme en nous tous, une nature de péché, qu'il faut que vous passiez sous la dure discipline de toute l'humanité. Et si la rigueur de cette discipline ne se relâche point à votre égard, alors même que vos dispositions habituelles semblent la rendre inutile, si quelquefois même on croit voir que les châtimens redoublent à proportion que vous vous épurez, c'est que, dans la vérité, vous vous épurez à mesure que les châtimens redoublent; c'est que, amoureux de votre beauté morale, le Seigneur ne veut rien laisser au fond de votre âme de ce qui pourrait blesser la pureté de ses regards; et chaque nouvelle douleur qu'il vous envoie s'adresse à un reste du vieil homme qu'il a résolu de déraciner en vous. Si les épreuves arrivent coup sur coup, si d'une affliction à l'autre le Seigneur vous laisse à peine le temps de respirer, n'en doutez pas, vous avez alors des raisons particulières de vous croire aimés. Vous êtes ce métal précieux que d'une fournaise à l'autre le Seigneur affine par degrés ; vous êtes cette eau du ciel que l'orage a troublée et que le Seigneur fait filtrer à plusieursreprises à travers des tissus toujours plus serrés pour la rendre limpide et pure; vous êtes cette ébauche d'un divin chef-d'œuvre, dont l'artiste céleste efface impitoyablement tous les traits défectueux pour les remplacer par d'incomparables beautés... Et si tout ce travail du Seigneur sur votre âme, si toutes ces épreuves successives vous rappellent vos péchés, elles vous rappellent plus vivement encore ce secret de votre adoption, dont le témoignage a été signé par la main de Dieu même dans votre âme renouvelée. Comment donc murmureriez-vous, vous qui savez non-seulement que vous souffrez pour vos péchés, mais que vous souffrez parce que Dieu vous aime ? »>

Nous citerons encore le morceau de la fin, qui nous semble empreint de beaucoup de chaleur et de mouvement :

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