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des horloges est une des plus admirables conquêtes de la mécanique dans les temps modernes.

Pour régler facilement les horloges, Huygens adapta à la verge de suspension, divisée en minutes et en secondes, un petit poids mobile, qui n'était guère qu'un cinquantième du poids de la lentille. Pour corriger le retard ou l'avance diurnes, il élevait ou faisait descendre ce poids.

Huygens conçut i'idée de faire servir ses horloges à pendule et à échappement, à la recherche des longitudes; il publia, en hollandais, une Instruction, destinée à faire connaître cet usage, et il y joignit des tables destinées à rendre les opérations plus faciles pour les observateurs.

Ce fut encore lui qui observa le premier que deux pendules voisins et de même longueur agissent, à distance, l'un sur l'autre, de telle façon que leur action réciproque finit par ramener leurs oscillations à une constante et durable uniformité.

Il fit aussi des tentatives pour rendre ces mêmes horloges utiles à la navigation. Il était persuadé que ces instruments pourraient être en usage sur mer, et qu'il ne fallait pas autre chose sur un vaisseau pour être à même de déterminer les longitudes.

En 1659, il publia son Système de Saturne, où il donna l'explication de l'anneau qui entoure cette planète, phénomène dont personne encore n'avait eu la moindre idée (1).

Roberval croyait que Saturne est de forme sphérique, à peu près comme les autres planètes, mais que, de son équateur, s'échappe un amas de vapeurs, qui, parvenues à une certaine distance de la planète, demeurent comme suspendues, et forment autour de cet astre un cercle; ce cercle, lorsque nous le voyons obliquement, se présente à nos yeux sous la forme d'une ellipse. Dans le cas, disait Roberval, où ces vapeurs diminuent de densité, parce que leur quantité est moindre, elles laissent, entre elles et la planète, un espace vide, d'où résulte cette apparence à laquelle on avait donné le nom d'anses. Les PP. Fabri et Riccioli ne furent pas plus heureux dans les expli

(1) « Anno 1659, systema Saturnium edidit, in quo veram causam ansarum hujus planeta tradidit, quam ante illum nemo ne suspicione quidem attingere potuerat. » (Hugenii vita.)

cations qu'ils se hasardèrent à donner de ce phénomène. Huygens, le premier, imagina que cette bande lumineuse était une espèce d'anneau, qui enveloppait Saturne à une distance partout égale de son globe. Cet anneau, un peu incliné au plan de l'orbite de Saturne, a, d'après les dernières évaluations faites par les astronomes, huit mille lieues de largeur, et seulement cent lieues d'épaisseur. Or, par un effet du mouvement de Saturne dans son orbite, et du mouvement de la terre dans le sien, nos rapports de situation, à l'égard du plan de cet anneau, changent continuellement au moment où notre position relative est telle que ce plan prolongé passerait par la terre. L'anneau tourné de notre côté, dans le sens de son épaisseur, nous présente une surface trop petite pour qu'il nous soit possible de l'apercevoir, à cause de la distance prodigieuse qui nous sépare de lui. Huygens remarqua que ces apparences doivent résulter aussi des rapports de situation qui existent entre le soleil et l'anneau de Saturne. Lorsque le plan prolongé de cet anneau passe par le soleil, c'est seulement l'épaisseur qui reçoit les rayons de cet astre, et les rayons reçus et réfléchis ne sont pas en assez grand nombre pour rendre visible à nos yeux le corps qui nous les renvoie.

Cette explication, à laquelle Huygens n'était parvenu que par une longue suite d'observations, fut adoptée par tous les astronomes. Le P. Fabri le combattit seul. A la fin pourtant, après avoir bien disputé, suivant son habitude, il se rendit à l'évidence.

Huygens avait si bien étudié toutes les apparences sous lesquelles se montre le curieux phénomène de l'anneau de Saturne, qu'il crut pouvoir prédire la disparition de cet anneau pour l'année 1671. En effet, à l'époque indiquée, l'événement justifia sa prédiction.

A ses observations sur le monde de Saturne, l'habile astronome hollandais en ajouta plusieurs autres, qui, au point de vue de la science, n'étaient dépourvues ni d'intérêt, ni d'utilité; celles, par exemple, de la grande nébuleuse d'Orion et des bandes qui sillonnent les disques de Mars et de Jupiter. Il constata que les étoiles n'ont pas de diamètre sensible. Il décrivit le procédé qu'il avait imaginé pour mesurer les diamètres des planètes, etc.

En 1660, Huygens vint, pour la seconde fois, à Paris, d'où il

se rendit, l'année suivante, en Angleterre. Il y démontra son procédé pour le travail des grands objectifs. A cette époque, ses télescopes étaient les meilleurs que l'on possédât, bien que leur longueur n'excédât pas huit mètres.

La machine pneumatique était alors, en physique, la nouvelle invention dont les Anglais s'occupaient le plus. Huygens, de retour en Hollande, se livra à des expériences variées pour perfectionner cette machine.

Pendant la même année, il découvrit les lois du choc des corps élastiques. Ces lois furent découvertes en même temps, en Angleterre, par deux savants illustres, Wallis et Wren.

C'était Descartes qui, dans les temps modernes, avait fait les premiers efforts pour déterminer les lois qui président à la communication du mouvement. Ses efforts n'avaient pas été heureux; mais c'était déjà beaucoup que d'avoir, pour la première fois, abordé et discuté cette importante question. Le · P. Fabri, qui, après Descartes, s'était proposé de la résoudre, dans son traité De motu, n'avait guère fait, dit Montucla, que substituer des erreurs à des erreurs. Borelli, dans son livre De vi percussionis, approcha davantage de la vérité. Il parvint à formuler quelques lois partielles; mais il se trompa sur tout le reste, parce que les notions qu'il avait du mouvement étaient incomplètes ou inexactes. On en était là relativement aux lois du choc des corps, lorsque la Société royale de Londres invita ceux de ses membres qui s'étaient spécialement occupés de mécanique à vouloir bien l'examiner.

Trois illustres géomètres, Wallis, Wren et Huygens, dit Montucla, s'en occupèrent avec succès et participèrent à l'honneur de la même découverte. Wallis communiqua le premier son mémoire, ensuite Wren, et peu de temps après arriva celui d'Huygens. Huygens était alors sur le continent, et on lui doit la justice de remarquer qu'il n'avait pu avoir connaissance de ceux des deux géomètres anglais. On reconnaît même qu'il n'eût tenu qu'à lui de prévenir ses deux concurrents, et qu'ils ne partagèrent avec lui l'honneur de cette découverte qu'à cause de sa len teur à la dévoiler; car on convient qu'il en était en possession dès le temps de son second voyage à Londres (1). »

Le mémoire d'Huygens n'est pas moins élégant que celui de Wren, et dans chacun de ces travaux les lois du choc sont .

(1) Histoire des mathématiques, partie IV, liv. VII.

exposées absolument de la même manière. Les corps élastiques, qu'Huygens nomme corps durs, sont les seuls que les deux auteurs aient considérés.

En 1663, Huygens vint de nouveau à Paris, d'où il partit. avec son père, pour l'Angleterre. A Londres, il fut inscrit au nombre des membre de la Société royale. Il y fit un séjour de quelques mois, et revint ensuite en France.

A cette époque, Colbert était en grande faveur auprès de Louis XIV, qui approuvait les vues de son ministre concernant les encouragements à donner aux sciences et aux arts. Le roi cherchait, dans ce but, à attirer en France les savants. les plus illustres de l'Europe. En 1665, Colbert écrivit à Huygens, au nom de Louis XIV; il l'engageait à venir se fixer en France, lui offrant un traitement annuel considérable, et un logement à la Bibliothèque du Louvre.

Huygens accepta cette invitation. Il se rendit à Paris, où il demeura toujours logé à la Bibliothèque royale, depuis 1666 jusqu'en 1681. C'est dans cette période qu'il fit, en mathématiques, un grand nombre de très-belles découvertes, et qu'il écrivit diverses parties de ses œuvres (1).

Plusieurs biographes ont dit que Huygens présenta, pour la première fois, en 1657, aux États généraux de Hollande, son horloge à pendule. Mais nous croyons ce fait inexact, car il n'est point rapporté dans l'histoire de la vie de Huygens, placée en tête du premier volume de ses œuvres latines. Savérien dit à ce propos :

« On prétend que notre philosophe avait présenté, en 1657, aux États généraux, une horloge ainsi réglée; mais ce ne pouvait être qu'un essai; car il n'avait point encore fait ses recherches sur la théorie des oscillations du pendule, et ce ne fut qu'à Paris qu'il entreprit ce travail. »

Ce n'est qu'après s'être installé à la Bibliothèque du Louvre, que Huygens songea à perfectionner ses précédentes inventions, et qu'il publia ses belles recherches mathématiques sur la cycloïde, sur la théorie des développées, les centres d'oscillation et autres problèmes de mécanique.

(1) Durante hoc tempore pulcherrima subtilissimaque multa in mathematicis detexit, variaque ex iis operibus conscripsit. » (Hugenii vita.)

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