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jugea que le remède aurait été mortel à tout homme en pareil état, dont la maladie n'aurait pas été désespérée, mais que dorénavant on pouvait tout permettre à M. Descartes. Après quoi il abandonna entièrement son malade. On le trompa à moitié, en trempant le vin de beaucoup d'eau et en jetant dans le verre un morceau de tabac, que l'on retira aussitôt sans le faire infuser, parce qu'on jugea que c'était assez qu'il y laissât son odeur. »

A dix heures du soir, Descartes dit à son valet d'aller lui préparer des panais, dont il mangeait volontiers, parce qu'il craignait que ses intestins ne se rétrécissent, s'il continuait à ne prendre que du bouillon, et s'il ne donnait de l'occupation à l'estomac et aux viscères pour les maintenir dans leur état. On voit que ses idées sur le mécanisme ne le quittaient pas même au lit de mort.) Après en avoir mangé, il se trouva si tranquille que l'on conçut quelque espérance de le voir revenir, espérance qu'il parut partager un moment.

Vers dix heures, tandis que tout le monde était allé souper, il dit à son valet qu'il voulait se lever, et demeurer un moment auprès du feu. Mais dès qu'il se trouva dans son fauteuil, les forces lui manquèrent, et il tomba dans une défaillance, dont il ne tarda pas à revenir. Cependant sa figure s'était décomposée. Comme son valet le regardait avec inquiétude, il s'écria: Ah! mon cher Schuller, c'est pour le coup qu'il faut partir! Schuller, effrayé de ces paroles, remet aussitôt son maître sur son lit, et répand l'alarme dans l'hôtel. Le P. Vogué, aumônier de l'ambassade, Madame Chanut et toute la maison, se rendirent promptement dans la chambre du malade. Chanut, tout faible qu'il était encore, voulut aller recueillir les derniers soupirs de son illustre ami. Mais lorsqu'il arriva, Descartes ne parlait déjà plus. Le P. Vogué s'approcha de son lit, et ayant remarqué au mouvement de ses yeux et de sa tête, qu'il avait encore sa connaissance, il le pria de témoigner par quelque signe, s'il voulait recevoir les dernières bénédictions. Le mourant leva les yeux au ciel, d'une manière qui toucha tous les assistants. Les prières des agonisants n'étaient pas achevées. qu'il rendit l'esprit. Il mourut le 11 février 1650, àgé de 53 ans.

Les ouvrages de Descartes ont été réunis, pour la première

fois, à Amsterdam (1670-1683). Ils forment 8 volumes in-4° en latin. Plusieurs éditions ont suivi cette œuvre originale. La traduction des Euvres complètes de Descartes a été publiée en France, par M. Cousin (1824-1826), en onze volumes in-8°. Ses Euvres philosophiques ont été réunies par M. Garnier, en 1835, (4 vol. in-4o) M. Amédée Prevost a publié les Œuvres morales et philosophiques de Descartes (1 vol. in-8°, 1855,) avec une préface de M. Aimé Martin. Un autre choix des œuvres de Descartes, par M. Jules Simon, a paru en 1843 (in-12). M. Foucher de Careil a publié les résultats de ses nombreuses recherches sur les travaux inédits de ce philosophe, et sous ce titre : Euvres inédites de Descartes, a réuni quelques traités et une correspondance assez étendue, qui avaient échappé à ses prédécesseurs.

La Vie de Descartes a été écrite par Baillet. son contemporain, sans aucun étalage philosophique, mais avec un soin minutieux, qui a laissé bien peu à faire à ses successeurs. M. Francisque Bouillier a plus particulièrement développé le côté philosophique de Descartes, dans les deux volumes qu'il a fait paraître en 1854: Histoire de la philosophie cartésienne. Tel est aussi l'objet de l'ouvrage de Bordas Dumoulin, le Cartésianisme (2 vol. in-8°, Paris 1843). Thomas, Mercier, Nisard, Garnier, Cousin, Flourens, Amédée Prevost, ont écrit des notices biographiques sur Descartes. Plus récemment, en 1867. a paru une Histoire de Descartes avant 1637, en un volume in-8°, par M. Millet. C'est la vie de Descartes, qui s'arrête, on ne sait trop pourquoi, au moment de la publication de ses ouvrages. Nous avons cité les quelques lignes dans lesquelles cet écrivain a consigné la découverte qu'il a faite, à Deventer, de l'acte de naissance de la fille de Descartes.

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FRANÇOIS BACON

L'amour-propre britannique a enflé outre mesure l'importance de Bacon, comme réformateur des sciences. Le désir qu'éprouvaient les écrivains anglais, de créer une personnalité importante, à opposer à celles de Descartes et de Galilée, a provoqué l'exagération des éloges accordés par eux à l'auteur du Novum organum. Les savants du reste de l'Europe sont innocemment entrés dans ces vues: ils ont adopté, sans y regarder davantage, une renommée factice. Ainsi se sont perpétués des jugements sans fondement sérieux. Il est des écoles, la Faculté de médecine de Montpellier, par exemple, ou l'on ne jure que par Bacon, et où ce personnage est devenu une sorte de fétiche scientifique.

Ce n'est point, comme on l'a dit tant de fois, le chancelier Bacon qui fut, dans les temps modernes, le premier réformateur de la philosophie naturelle et qui inaugura, au dix-septième siècle, l'ère du renouvellement des sciences. Lorsque François Bacon publia, en 1620, son Novum organum, Galilée avait déjà découvert les lois de la chute des corps, observé l'isochronisme des oscillations du pendule, inventé le thermomètre et le compas de proportion, publié le Discours sur les corps flottants et la description des taches solaires, découvert les phases de Vénus et les satellites de Jupiter, et posé les bases de la mécanique. La publication du premier ouvrage philosophique de Bacon, Traité de l'accroissement des sciences, ne date que de 1605.

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