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qui leur rendent fervice quand l'occafion s'en préfente, ou à tout le moins, qui leur rendent louanges pour louanges. Au pis aller, ils fe font une fecrette joie de voir la crédulité de ceux qu'ils louent, & d'éviter leur indignation; car il y a des gens qui ne pardonnent jamais à ceuxi qui leur épargnent l'encens. Pour ceux qui médifent, ils ont le plaifir de diminuer la gloire de leur prochain, qui leur donne de la jaloufie & de fe mettre audeffus de lui, autant qu'en eux eft, outre qu'ils deviennent par-là très propres à plaire aux femmes, qui eft une grande affaire dans le monde.

Ils deviennent propres à leur plaire,
parce que généralement parlant, les
femmes font fort vaines & fort envieufes
fi bien que pour rendre la converfation
agréable à celles qu'on voit, il ne fuffit

pas
de favoir mentir en les louant, il faut
encore favoir mentir en blâmant les au
tres femmes, & fur-tout celles qui font
en concurrence de beauté, ou d'efprit,
ou de crédit ou de rang avec celles qu'on
fréquente. Il ne faut donc pas leur rendre
vifite, fans favoir quelque hiftoire défa-
vantageufe de ces autres-là, & de ceux
qui ont accoutumé de les voir. Si l'on

car il faut ou favoir médire, ou renoncer à la profeffion de galant homme. C'est pour cela qu'on remarque, qu'il n'y a point de lieux au monde où la médifance regne tant que dans ceux où les deux fexes font toujours enfemble, non-feulement parce que cette familiarité fait naître mille incidents qui donnent fujet de caufer, mais auffi parce que les hommes apprennent dans cette école tous les rafinements de cet art.

Cela foit dit en paffant, car ce n'est pas là où je veux venir. Je m'en vais vous montrer que la caufe pour laquelle tous ces vices font fi communs, c'eft parce qu'ils nous plaifent, & non pas parce qu'ils nous paroiffent innocents; & puis vous verrez à quoicela me fer vira.

§. L V.

Si les hommes ont raison de croire que l'impudicité foit un moindre crime le meurtre.

que

N'eft-il pas vrai, qu'il n'y a aucune révélation,niaucune bonne raison Théologique, qui nous apprenne que l'impudicité foit un péché moins défagréable à Dieu, que le meurtre, ou le parjure?

Elle eft à la vérité plus favorable à la fociété publique, que les deux autres; mais ce n'eft pas à cela que l'on doit connoître la qualité des péchés, puifqu'il est conftant dans la bonne Théologie que la méchanceté d'une action confifte en ce qu'elle eft défendue de Dieu, mettant à part la diftinction du droit natural, d'avec le droit pofitif. Enfuite de quoi les circonftances qui fe tirent de l'état où se trouve le pécheur, de fes connoiffances & de fes fins, font varier le dégré de turpitude felon le plus ou le moins. Je doute fort que le poids du plaifir qui nous emporte, foit capable de diminuer le crime, parce que fi cela étoit, il faudroit dire que les péchés d'habitude, beaucoup plus déteftables que les autres, font néanmoins plus véniels, à cause que le poids des habitudes contractées eft une espece de détermination qui diminue la› liberté. Pour ce qui eft des fuites ruineu- › 1 fes à la fociété civile, je ne crois pas qu'à moins qu'elles aient été dans l'intention du pécheur, elles aggravent fa faute devant Dieu. Par exemple, un bandit qui} tue un homme dans le coin d'un bois fans favoir quel homme c'eft, fe conten- . tant de favoir qu'il faut s'en défaire pour

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minel, ou moins criminel devant Dieu parce que dans la fuite il naît mille défordres, ou mille biens de fon meurtre. Il a peut-être tué un homme chargé d'enfants, qui tombent dans la mendicité par la perte de leur pere; un homme qui dans tout le voisinage étoit le foutien des pau vres, & de l'innocence opprimée; un homme qui accordoit tous les procès des particuliers, &c. ou bien il a tué un homme qui n'avoit ni feu ni lieu, & qui étoit à tout faire. Tout cela n'eft comppour rien devant Dieu, n'étant attaché que par accident au meurtre qui a été commis. Deux hommes tirent un coup de piftolet chacun à fon ennemi; l'un le tue, l'autre le manque, ou bien le bleffe fi à propos, que lui crevant un abcès, qui lui eût caufé la mort en peu de jours, il le met en état de vivre cinquante ans en pleine fanté, comme l'on en (a) rapporte des exemples. La juftice humaine a beau faire différence entre ces deux hommes, condamnant l'un à la mort, & laiffant l'autre en repos, à caufe que l'action de l'un a caufé du préjudice au public, & non pas celle de l'auils ne laiffent pas d'être également

tre;

(a) Camerarius Medit. Hiftor, vol. 3. liv. 34 chap. 19.

coupables au Tribunal de la juftice de Dieu. Ainfi quoique la fociété publique profite de l'impudicité, & foit endommagée par le meurtre, il ne s'enfuit pas que l'un de ces péchés foit moindre que l'autre devant Dieu, parce qu'il fuffit de favoir, que Dieu a défendu nettement & expreffément une chofe pour ne la pouvoir faire fans tomber dans tout ce qui conftitue le crime. Le péché d'Adam qui a été puni d'une maniere fi terrible, ne tira fon énormité que de la défense; car du refte il n'y avoit rien de plus innocent, que de manger d'un certain fruit. Cela ne faifoit aucun tort ni à la fociété humaine, ni aux bêtes, ni aux autres Créatures. Difons donc, que les Chrétiens qui s'abandonnent aux défordres de l'incontinence, qui mentent perpétuellement, ou pour tromper leur prochain, ou pour noircir fa réputation, ou pour flatter leur vanité, font auffi criminels devant Dieu que les homicides, puifqu'ils n'ont aucune révélation, ni aucune bonne raifon qui leur dife, que, Dieu n'a pas défendu toutes ces chofes également, ou qui leur permette l'impunité des unes, plutôt que des autres : & par conféquent, que ce qui fait que cer

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