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Je ne vous remercie pas moins de ce que vous me dites sur la société biblique. Vous êtes le premier penseur qui m'ayez un peu réconcilié avec une institution qui repose tout entière sur une erreur capitale; car ce n'est point la lecture, c'est l'enseignement de l'Ecriture sainte qui est utile: la douce colombe, avalant d'abord et triturant à demi le grain qu'elle distribue ensuite à sa couvée, est l'image naturelle de l'Eglise expliquant aux fidèles cette parole écrite, qu'elle a mise à leur portée. Lue sans notes et sans explication, l'Ecriture sainte est un poison. La société biblique est une œuvre protestante, et, comme telle, vous devriez la condamner ainsi que moi; d'ailleurs, mon cher ami, pouvez-vous nier qu'elle ne renferme, je ne dis pas seulement une foule d'indifférents, mais de sociniens même, de déistes achevés, je dis plus encore, d'ennemis mortels du Christianisme?.. Vous ne répondez pas........ on ne saurait mieux répondre.... Voilà cependant, il faut l'avouer, de singuliers propagateurs de la foi! Pouvezvous nier de plus les alarmes de l'église anglicane, quoiqu'elle ne les ait point encore exprimées formellement ? Pouvez-vous ignorer que les vues secrètes de cette société ont

été discutées avec effroi dans une foule d'ouvrages composés par des docteurs anglais? Si l'église anglicane, qui renferme de si grandes lumières, a gardé le silence jusqu'à présent, c'est qu'elle se trouve placée dans la pénible alternative, ou d'approuver une société qui l'attaque dans ses fondements, ou d'abjurer le dogme insensé et cependant fondamental du Protestantisme, le jugement particulier. Il y aurait bien d'autres objections à faire contre la société biblique, et la meilleure c'est vous qui l'avez faite, M. le sénateur; en fait de prosélytisme, ce qui déplait à Rome ne vaut rien. Attendons l'effet qui décidera la question. On ne cesse de nous parler du nombre des éditions; qu'on nous parle un peu de celui des conversions. Vous savez, au reste, si je rends justice à la bonne foi qui se trouve disséminée dans la société, et si je vénère surtout les grands noms de quelques protecteurs! Ce respect est tel, que souvent je me suis surpris argumentant contre moimême sur le sujet qui nous occupe dans ce moment, pour voir s'il y aurait moyen de transiger avec l'intraitable logique. Jugez donc si j'embrasse avec transport le point de vue ravissant et tout nouveau sous lequel vous me

faites apercevoir dans un prophétique lointain l'effet d'une entreprise qui, séparée de cet espoir consolateur, épouvante la religion au lieu de la réjouir.

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Cætera desiderantur.

FIN DU ONZIÈME ET DERNIER ENTRETIEN.

NOTES DU ONZIÈME ENTRETIEN.

N° 1.

(Page 270... La nation française devait être le grand instrument de la plus grande des révolutions.)

On ne líra pas sans intérêt le passage suivant d'un livre allemand intitulé Die Siegesgeschichte der christlichen Religion in einer gemein nützigen Erklarung der Offenbarung Johannis. Nüremberg, 1799, in-8°. L'auteur anonyme est fort connu en Allemagne ; mais nullement en France, que je sache du moins. Son ouvrage mérite d'être lu par tous ceux qui en auront la patience. A travers les flots d'un fanatisme qui fait peur, erat quod tollere velles. Voici donc le passage, qui est très analogue à ce que vient de dire l'interlocuteur.

« Le second ange qui crie: Babylone est tombée, est Jacob Bohme. « Personne n'a prophétisé plus clairement que lui sur ce qu'il appelle « l'ère des lis (LITIENZEIT). » Tous les chapitres de son livre crient «Babylonne est tombée! sa prostitution est tombée; le temps des lis es « arrive.» ( Ibid., ch. XIV, v. vш, pag. 421.)

<< Le roi Louis XVI avait mûri dans sa longue captivité, et il était de« venu une gerbe parfaite. Lorsqu'il fut monté sur l'échafaud, il leva « les yeux au ciel et dit comme son rédempteur : Seigneur pardonnez à « mon peuple. Dites, mon cher lecteur, si un homme peut parler ainsi «< sans être pénétré (durchgedrungen) de l'esprit de Jésus-Christ! Après << lui des millions d'innocents ont été moissonnés et rassemblés dans la « grange par l'épouvantable révolution. La moisson a commencé par le champ français, et de là elle s'étendra sur tout le champ du Seigneur <«< dans la chrétienté. Tenez-vous donc prêts, priez et veillez. (Page429.

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« Cette_nation ( la française) était en Europe la première en tout : il «< n'est pas étonnant que la première aussi elle ait été mère dans tous « les sens. Les deux anges moissonneurs commencent par elle, et lors« que la moisson sera prête dans toute la chrétienté, alors le Seigneur paraîtra et mettra fin à toute moisson et à tout pressurage sur la terre.» (Ibid., pag. 431.)

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Je ne saurais dire pourquoi les docteurs protestants ont en général un grand goût pour la fin du monde. Bengel, qui écrivait il y a soixante ans à peu près, en comptant, par les plus doctes calculs, les années de la béte depuis l'an 1130, trouvait qu'elle devait être anéantie précisément en l'année 1796. (Ibid., pag. 433.)

L'anonyme que je cite nous dit d'une manière bien autrement péremptoire : « Il ne s'agit plus de bâtir des palais et d'acheter des terres « pour sa postérité; il ne nous reste plus de temps pour cela. » ( Ibid., pag. 433.)

Toutes les fois qu'on a fait, depuis la naissance de leur secte, un peu trop de bruit dans le monde, ils ont toujours cru qu'il allait finir. Déjà, dans le XVIe siècle,'un jurisconsulte allemand réformé, dédiant un livre de jurisprudence à l'électeur de Bavière, s'excusait sérieusement dans la préface, d'avoir entrepris un ouvrage profane dans un temps où l'on touchait visiblement à la fin du monde. Ce morceau mérite d'être cité dans la langue originale; une traduction n'aurait point de grâce.

In hoc imminente rerum humanarum occasu, circumactaque jam ferme præcipitantis ævi periodo, frustra tantum laboris impenditur in his polilicis studiis paulò post desituris..... Quum vel universa mundi machina suis jam fessa fractaque laboribus, et effecta senio, hác hominum flagitiis velut morbis confecta lethalibus ad eamdem άπokórpworv, si unquam alias, certe nunc imprimis quadam árono padonía feratur et anhelet. Accedit miserrima, quæ præ oculis est Reip. fortuna, et inenarrabiles wolves Ecclesiæ hoc in extremo seculorum agone durissimis angoribus et sævissimis doloribus laceratæ.

(Matth. Wesembecii præf. in Paratitlas.)

II.

(Page 201.... Son Pollion, qui fut depuis traduit en assez beaux vers grecs, et lu dans cette langue an concile de Nicée. )

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