Page images
PDF
EPUB

Assurément, ce livre, qui est écrit à bonne intention, mais où la logique fait trop souvent défaut, touche à une question qui préoccupe notre époque plus peut-être qu'elle ne s'en rend compte. L'instruction des femmes se développe chaque jour et dans toutes les classes de la société; des habitudes nouvelles, à cet égard, s'établissent partout. L'usage de faire constater par des examens les progrès qu'ont faits les jeunes filles n'a plus aujourd'hui rien qui choque; on en voit, en effet, bon nombre que l'élévation de leur rang préserve de tout souci de l'avenir, se faire honneur de subir les épreuves d'institutrice et d'en conquérir les brevets. Qu'il y ait là un peu de mode: cela se peut. Selon nous, on devrait se garder de croire que toutes les femmes soient, quand tous les hommes ne le sont pas, aptes à la culture intellectuelle, et bien distinguer surtout ce qui, en pareille matière, convient à chaque position sociale. C'est ce que n'a point fait M. Bondivenne il n'a point tracé de ligne de démarcation et n'a pas examiné les besoins, assurément fort divers, des nombreuses conditions où la femme peut se trouver. Il n'a point, par conséquent, fait un livre pratique; il a simplement réédité une thèse qui, au degré d'abstraction et de vague où il la laisse, n'apporte aucune lumière à la solution du problème qu'il s'est posé et n'offre que l'apparence d'une utopic.

FAUVEL.

LA GRANDE ARMÉE DE 1880

Par M. SAINT-MARC.

Dentu, éditeur, Palais-Royal.

L'idée qui a inspiré ce petit volume est ingénieuse; elle part d'un bon naturel, comme dit le Fabuliste. M. Saint-Marc désire ardemment la revanche et, avant que la Providence se charge de réaliser son rêve, il se donne à lui-même et présente à ses lecteurs le tableau de nos victoires futures. Ce tableau, tracé avec verve, est agréable, non-seulement par la perspective qu'il offre à l'amour-propre national, mais aussi par une précision de détails qui lui communique une certaine force d'entraînement. Cette partie du livre est celle qui nous plaît le plus; nous aimons moins le commencement, consacré à un coup d'œil rétrospectif, où l'auteur nous semble avoir fait une part trop grande aux récriminations: si l'on aspire à une revanche, c'est par l'union et l'apaisement qu'il faut, dès aujourd'hui, la préparer.

QUINZAINE POLITIQUE

24 octobre 1874.

Plus d'une fois, depuis nos calamités de 1870 et de 1871, nous avons pu nous dire : Plût à Dieu que, comme il arrive dans ces contes de fées aussi doux à l'imagination des malheureux qu'aimables à celle des enfants, une divinité séparât la France du reste du monde en l'enveloppant d'un voile, afin que, cachée sous cet abri, notre patrie isolée et tranquille se reposât de longues années, vivant loin du regard des nations, travaillant sans crainte et sans impatience, goùtant en paix son sommeil, purifiant son cœur, élevant son esprit, ranimant ses forces et retrouvant ses richesses! Il n'eût fallu rien moins que la réalisation de ce songe pour que la France recouvrât sûrement sa gloire et sa prospérité. Or nous le sentons à nos tressaillements et à nos angoisses: cette protection ne s'est pas étendue sur elle; ce repos ne lui a pas été donné. Et ces biens, si nécessaires qu'ils semblent être comme l'absolue condition de sa nouvelle existence, deux ennemis les lui ont refusés, deux ennemis non moins implacables l'un que l'autre à l'intérieur, la fureur de ses nombreux partis; à la frontière, la politique de son vainqueur.

:

Assurément, cette série d'élections bruyantes, où se heurtent toutes nos haines civiles, et où, de lassitude, s'épuise peu à peu la bonne volonté de la nation, n'est point pour la France une ère d'apaisement et de tranquillité. Ces commotions populaires sont toujours, même dans les pays les plus fermement solides sur leurs bases, une agitation qui, tant qu'elle dure, trouble les intérêts en inquié tant l'avenir. Qu'est-ce donc dans un État instable et remuant, qui ne s'appuie à aucune constitution? Qu'est-ce dans un État qui n'a de lois que le provisoire et le changement? Qu'est-ce, lorsque chaque élection est comme le choix d'un règne, et que dans chaque suffrage il y a comme le pouvoir d'une révolution? Qu'à son retour, l'Assemblée se hâte de le bien comprendre une telle suite d'élections,

sous un régime qui n'est ni défini ni définitif, c'est tôt ou tard l'anarchie, c'est la dissolution de tout ce qui reste d'ordre et de paix en France. Quel qu'il soit, ambitieux de l'éternité ou modeste en ses espérances, bon ou mauvais, ou pire, il faut un gouvernement dénommé et déterminé, un gouvernement constitutionnel, à tout peuple qui vote et que plusieurs partis divisent; et aucun n'en saurait avoir plus besoin que la France, avec son tempérament et son histoire.

Un volume ne suffirait pas à l'annaliste jaloux de répéter tout ce qui s'est dit avant et après les élections qui se sont faites, le 18 octobre, dans le Pas-de-Calais, dans Seine-et-Oise et les Alpes-Maritimes. En définitive, point d'enseignement nouveau dans ces événements, fatales conséquences qui se déroulent et se poursuivent selon le cours tracé depuis un an, aux dates mémorables du 27 octobre, du 20 novembre et du 16 mai. Tout ce qu'il y a d'obscur, de variable et de soudain dans ces décisions du suffrage universel; tout ce qu'il y a de court et d'incertain dans ces avénements de majorités mêlées de tant de forces dissemblables qui ne se connaissent pas ellesmêmes ou qui se partageront demain on ne l'ignore pas. Les élections des conseils généraux ont indiqué quelles ressources la France ménage encore aux conservateurs : même en composant les nouveaux bureaux de ces conseils, ils ont encore gagné une dizaine de siéges; et parmi eux nous retrouvons avec plaisir un de nos plus éminents collaborateurs, M. de Carné, réélu dans le Morbihan bien qu'absent et malade. Ces élections, affirmons-nous, n'attestent pas seulement qu'en dépit de tant d'efforts et malgré tant de prophéties, M. Thiers et M. Gambetta ont moins modifié qu'ils ne pensaient les sentiments de la nation elles témoignent aussi que la puissance respective des partis ne s'est ni augmentée ni diminuée dans des proportions qui permettent de préciser les calculs de notre vague avenir. Les élections du 18 octobre, plus nettes et plus significatives en apparence, ne laissent-elles pas voir encore dans les masses ces éléments de caprice et de docilité, d'hésitation et d'attente, auxquels il ne manque qu'un fait ou qu'un homme pour les grouper et les gouverner? D'une part, c'est le nom de Mac-Mahon invoqué par tous les partis, comme s'ils se sentaient forcés par l'opinion publique de s'en disputer la faveur. De l'autre, c'est la faction bonapartiste perdant à son tour le prestige de ses récentes victoires et dépossédée de cette popularité dont s'étaient si vite enflées ses espérances. Ce sont enfin ces candidatures également soigneuses de ne pas paraître trop hardies et contraintes à dissimuler quelque chose. Quoi qu'en disent les assurances superbes des uns ou des autres, des masses travaillées par de tels mouvements et sujettes à de telles variations ne sont encore

fixées nulle part; la fortune des partis reste encore indécise; il dépend encore de l'Assemblée de former une majorité dans la nation en formant une majorité dans son propre sein.

Un instant les bonapartistes avaient cru qu'une irrésistible impulsion -on ne sait quel entraînement d'égoïsme, on ne sait quelle facilité de l'oubli - ramenait vers eux la foule. Le sort de M. de Padoue, après celui de M. Berger, les avertit de leur erreur. Cette illusion était trop prompte, leurs fautes ayant été trop grossières. Elle a été, en effet, prématurée et trop hardie, l'audace avec laquelle ils ont provoqué tous les partis à la fois à ce défi, tous les partis s'éveillent et se liguent instinctivement, sans se confondre. Elle a été trop imprudente, cette justification qui, démentant l'histoire, nie la responsabilité de l'Empire dans nos désastres : outragée par ce démenti, notre nation, qui saigne et qui pleure encore, répond à M. Rouher jusque dans le Pas-de-Calais, par la voix de M. Jonglez de Ligne et de ses 18,000 électeurs : « Si une telle monarchie a pu se relever depuis Waterloo, l'honneur français lui défend de survivre à Sedan, à l'invasion, au démembrement de la France. » Elle a été trop entreprenante, cette prétention césarienne de faire du gouvernement le patron de ses candidatures, et d'escompter comme une recommandation électorale la neutralité même du maréchal de Mac-Mahon : les bonapartistes ont ainsi éloigné d'eux cette force du gouvernement qu'ils violentaient en tentant de la ranger de leur côté. Elle a éte trop impatiente, enfin, la liberté avec laquelle ils ont démasqué leurs ambitions et mis en avant les personnages les plus connus de leur cour, les préfets les plus fameux de leur prétoire : ce bruit a été trop retenlissant, et cet éclat trop vif; la pénombre leur était plus favorable, la modestie leur profitait davantage. Ces fautes, naturelles sans doute à des gens qui se targuent surtout d'être des hommes d'action et qu'emporte si vite l'esprit d'aventure, le dissentiment de l'Impératrice et du prince Napoléon les aggrave encore. Visiblement, le bonapartisme s'est arrêté il reculerait assez loin, si une majorité conservatrice voulait et savait organiser le septennat, c'est-à-dire élever plus haut et consolider cette barrière que M. Rouher, autant que M. Gambetta, renverserait avec joie sur les débris de l'Assemblée et de la France.

Dans ces élections du 18 octobre, les radicaux ont fait à Nice un étrange abus du sentiment que nos malheurs nous rendent le plus sacré, l'honneur du nom français et l'intérêt de notre nationalité. Par une habileté vraiment criminelle, ils ont accaparé le drapeau de la France pour en couvrir leurs candidats, pour conduire au scrutin les électeurs qui n'auraient pas voulu suivre avec eux la loque rouge de la Commune; et sur la foi de leurs déclamatoires men

songes, on a cru à Versailles et dans tout le pays que leurs adversaires, M. Durandy et M. Roissard de Bellet, tous deux conservateurs et septennalistes, élaient des séparatistes déguisés, des ennemis de la France, « des traîtres. » M. Gambetta doit être bien satisfait cette duperie a trompé parmi nous tous ces cœurs honnêtements crédules et naïfs qui ne soupçonnaient pas qu'il pût y avoir, dans un parti français, des supercheries de patriotisme! La vérité, par malheur, a été tardive. Trop tard on a connu à Paris cette honteuse exploitation. Que n'y lisait-on plus tôt ces lignes de MM. Durandy et Roissard de Bellet : « Quand les destinées de l'Italie ont rendu nécessaire l'annexion à la France du comté de Nice, nous l'avons acceptée sans aucune arrière-pensée. Nous reconnaissons que notre pays y a trouvé une ère nouvelle de prospérité ? » N'avaient-ils pas, d'ailleurs, déclaré que « le fait accompli » était irrévocable? Ne s'étaient-ils pas félicités de voir arriver « une nouvelle génération qui complétera l'œuvre commencée en 1860? » N'avaient-ils pas protesté ainsi contre les calomniateurs qui les appelaient séparatistes : « Nous repoussons ces imputations malveillantes. Nous avons, dans notre profession de foi, franchement et loyalement mis la question nationale hors de discussion? » Il est regrettable que, par une perfidie qui spéculait aisément sur notre générosité nationale, les radicaux aient ainsi pu leurrer l'opinion de la France: ils ont nui à la force, déjà trop affaiblie, de notre nationalité même; ils ont presque autorisé l'Italie à compter comme des séparatistes les nombreux électeurs de MM. Durandy et Roissard de Bellet. Or il faut qu'on le sache bien la compétition des quatre candidats était surtout une concurrence locale; sur les deux rives du Var, toutes ces cités, si jalouses de leur soleil et de leurs parfums, s'envient aussi l'une à l'autre le nombre et le crédit de leurs députés; Nice et Puget-Theniers disputaient à Menton et à Grasse l'avantage d'avoir des représentants choisis dans leur population; de là leur prédilection pour MM. Durandy et Roissard de Bellet, leurs conseillers généraux; et cette légitime préférence est le vrai secret de leurs votes. Regrettons l'injustice et la maladresse que les radicaux ont eu l'art funeste de commettre dans les Alpes-Maritimes; s'ils les ont commises au profit de la république, c'est au détriment de la France.

Faut-il en croire les journaux italiens? M. Thiers vient de voyager de ville en ville à travers l'Italie, mettant sous les yeux de Milan et de Florence le détail de nos discordes, faisant aux meilleurs alliés de l'Allemagne l'histoire de nos querelles et de nos maux, décriant une moitié de la France, prenant l'étranger à témoin de nos injustices, accusant des Français devant des Italiens, et cherchant la popularité hors de sa patrie. Faut-il en croire le Moniteur de Bo

« PreviousContinue »