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tions, on peut reproduire la figure correspondant à une allure quelconque, et en déduire l'attitude de chaque membre du cheval à un instant quelconque. Ce petit appareil est appelé à rendre de grands services aux artistes guidés par ses indications, ils éviteront à coup sûr les attitudes fausses qui rendent si souvent les chevaux qu'ils représentent absolument invraisemblables.

IV

Tout mode de locomotion doit, avons-nous dit, avoir un double effet de sustentation et de translation du corps. Dans la locomotion aquatique, le premier effet se produit naturellement, et sans travail nécessaire de la part de l'animal. Les poissons ont en effet une densité à peu près égale à celle de l'eau, en sorte que, conformément au principe d'Archimède, l'action de la pesanteur sur leur corps est constamment détruite par la poussée verticale qu'ils supportent de la part du liquide environnant. Les mouvements de haut en bas et de bas en haut leur sont cependant grandement facilités par le jeu de la vessie natatoire qui, par sa compression ou sa dilatation volontaire, leur permet d'augmenter ou de diminuer dans de certaines limites l'influence de la pesanteur sur leur corps tout entier.

Quant au mouvement de translation, il est dû principalement à l'action de la queue, les nageoires étant destinées presque uniquement à modifier la direction et à maintenir l'équilibre de l'animal. Borelli, le premier, a donné une théorie rationnelle de l'action propulsive de la queue du poisson. D'après lui, le poisson fait vibrer sa queue de part et d'autre de la ligne qui forme l'axe de son mouvement, l'action efficace de ces coups successifs correspondant seulement aux moments pendant lesquels la queue se rapproche de cet axe. Le corps de l'animal reçoit donc de la part de l'eau une série de réactions obliques qui le poussent alternativement de chaque côté de sa direction, mais dont la résultante a pour effet de faire décrire à sa tête une ligne légèrement ondulée de part et d'autre de l'axe de son mouvement.

Le sujet de la locomotion aquatique n'est pas traité dans la Machine animale de M. Marey, qui ne juge pas encore la question suffisamment éclaircie par l'expérience. Mais nous en trouvons un exposé dans l'ouvrage de M. Pettigrew.

Pour le savant anglais, la marche, la natation et le voi ne sont que des modifications l'un de l'autre : l'extrémité du bipède ou du quadrupède, la queue du poisson et l'aile de l'insecte ou de l'oiseau ne sont autre chose que des hélices, par leur structure et par leurs fonctions. Nous croyons qu'en soutenant cette thèse, M. Pettigrew fait une généralisation par trop

hardie. Son point de départ est que l'extrémité d'un animal quelconque, pendant sa locomotion, décrit une courbe en forme de 8. Ce fait fût-il constant, ce qui n'est pas, ainsi que M. Marey l'a prouvé expérimentalement par la trajectoire de l'aile de l'oiseau, ne démontrerait pas comment le mouvement nécessairement et toujours alternatif des organes de locomotion peut être assimilé au mouvement rotatoire et absolument continu des hélices propulsives.

En ce qui concerne la locomotion aquatique, M. Pettigrew n'admet pas l'explication qu'en a donnée Borelli. D'après lui, la partie antérieure du poisson exécuterait toujours une série de mouvements hélicoidaux exactement contraires à ceux exécutés par la queue. Il prétend que l'observation l'a convaincu de l'exactitude de cette théorie. Nous voudrions qu'il appelât à son secours l'expérience, et que, par la représentation graphique des mouvements du poisson, il établit d'une manière tout à fait probante les faits qu'il avance.

Quoi qu'il en soit de cette théorie, la conformation et le fonctionnement des organes de locomotion sont décrits par M. Pettigrew pour un grand nombre d'animaux aquatiques. Il étudie également la natation de l'homme, et, analysant les mouvements effectués dans les différentes manières de nager, la natation horizontale ordinaire, la coupe, et le procédé indien dit la brasse, il montre comment ce dernier est supérieur aux autres, au point de vue de la bonne utilisation de la force humaine. Ce chapitre, qui se termine par une description du vol sous l'eau du pingoin, et du vol au-dessus de l'eau du poisson-volant, contient beaucoup de faits curieux et souvent peu connus.

Dans un prochain article nous étudierons la question si intéressante, et si controversée, du mécanisme du vol chez l'insecte et chez l'oiseau, et de sa reproduction artificielle.

1 Pettigrew. Op. cit., pages 100-108.

P. SAINTE-CLAIRE DEVILLE.

MÉLANGES

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LES GRANDES MANOEUVRES D'AUTOMNE

(1874)

I

RÉSULTATS GÉNÉRAUX.

L'expérience des camps temporaires vient d'être faite, et il a été reconnu que l'on avait eu grandement raison de les substituer aux camps permanents de M. Thiers. Non-seulement ceux-ci n'offraient aucun avantage au point de vue de l'instruction militaire, puisque l'automne est la seule saison où les troupes puissent marcher à travers champs, mais, en outre, ils donnaient prise à de graves critiques, comme celles-ci : accroissement dans les dépenses, débraillé dans la tenue, ennui profond, et en pure perte, pour les officiers, grandes facilités, pour les soldats, de découcher impunément.

Au contraire, les camps temporaires - il n'y a qu'une voix sur ce point dans l'armée donnent les meilleurs résultats. C'est, pour les généraux, une excellente occasion de se refaire la main au commandement des troupes dispersées le reste de l'année; une occasion aussi d'apprécier, sur le terrain et pour ainsi dire au pied du mur, la valeur des chefs de corps et des officiers supérieurs qu'ils commandent.

Les états-majors y trouvent aussi un excellent exercice, au triple point de vue de l'installation des troupes au bivouac, de la bonne direction des colonnes, de la prompte transmission des ordres.

Les officiers de troupe, de leur côté, sont obligés de déployer une grande activité, car il leur faut satisfaire aux besoins du soldat, maintenir la discipline qui tend à se relâcher en campagne, conserver, autant que possible, leurs hommes sous la main, pendant la manoeuvre, communiquer un peu d'initiative aux cadres inférieurs, et apprendre eux-mêmes à bien con

naitre un terrain, à se servir des cartes, à disposer convenablement les grand'gardes de jour et de nuit.

Enfin, l'intendance trouve l'occasion d'étudier les moyens les plus efficaces pour assurer l'alimentation des hommes et des chevaux, loin des gîtes d'étapes et dans des cantonnements dispersés. La nécessité dans laquelle est chacun, pendant la durée des manoeuvres, de s'occuper activement de sa besogne, de rectifier les erreurs commises, produit les meilleurs fruits. On se surveille, on se consulte; pas une seule arme, pas un seul service qui, sur bien des points, n'arrive à faire son meâ-culpâ. Les leçons de l'expérience rendent l'homme modeste. Aussi, dans nos camps, retrouve-t-on à peine la trace de cette satisfaction de soi-même, née de l'ignorance, et qu'autrefois un trop grand nombre rapportait, chaque année, du camp de Châlons.

II

LES PRINCIPAUX DÉFAUTS RELEVÉS DURANT LA PÉRIODE DES MANŒuvres.

Nos critiques s'adresseront d'abord à l'INTENDANCE. Malgré le zèle de ses membres, elle s'est montrée inférieure à sa mission, en ne satisfaisant pas, comme elle le devait, aux besoins des troupes. D'où vient cela? Nous l'ignorons; mais ce que tout le monde a constaté, c'est que, en arrivant au camp, le soldat n'a pas toujours trouvé soit le pain, soit la viande, soit la paille nécessaires. Les lieux de distribution, pour le fourrage particulièrement, étaient souvent placés beaucoup trop loin. De plus, au moment des cantonnements, les distributions, commencées dans l'après-midi, ne se terminaient parfois que bien avant dans la nuit, à la grande fatigue des hommes. De ce côté donc il y a beaucoup à faire; et, sans nous en prendre aux personnes, nous demanderons, dès aujourd'hui, qu'on fournisse à l'intendance plus de moyens de transports, plus d'agents de second ordre, et que ce corps devienne, réglementairement, une annexe de l'état-major général, sous l'autorité du chef d'état-major. De l'avis de tous, il n'est pas de réforme plus indispensable.

En ce qui concerne nos GÉNÉRAUX, dans tous les camps il n'y a eu qu'une voix pour rendre hommage au zèle intelligent, à l'activité, à la sollicitude qu'ils ont montrés. Les seules critiques qu'on leur ait adressées sont cellesci: «< ils vivent trop en camarades avec les chefs immédiatement placés sous leurs ordres, et, dans les hypothèses stratégiques servant de point de départ aux manœuvres, on a pu leur reprocher deux choses: pas assez de clarté et de précision; pas assez de respect pour les principes classiques et immuables de l'art de la guerre. »

En général, on a trouvé que les OFFICIERS D'état-major étaient mieux utilisés que par le passé. Toutefois, dans plusieurs camps, un certain nombre

d'entre eux sont restés confinés dans les bureaux, soit par la faute des généraux, soit par celle de chefs d'état-major routiniers. C'est un fait regrettable, et en contradiction manifeste avec l'article 9 du service en campagne, lequel prescrit de n'employer qu'un seul officier à la direction des divers bureaux. Cet article devrait être respecté.

L'INFANTERIE, admirablement disciplinée, s'est montrée patiente, pleine de bonne humeur et d'entrain, ingénieuse en toute circonstance. Malheusement, cette arme, qu'on appelait autrefois la modeste infanterie, se laisse aller à de dangereux entrainements. Parmi ses officiers, plusieurs ne se contentent plus de faire leur devoir dans la sphère qui leur est assignée; capitaines ou chefs de bataillon, ils se livrent, pour leur compte, à des expériences de tactique, cherchent à introduire ce qu'ils appellent le combat dispersé, exécutent, avec leur compagnie ou leur bataillon, des manœuvres qui conviendraient plutôt à un régiment ou à une brigade. En un mot, chacun veut jouer le rôle de général, livrer sa bataille; et l'on arrive, de la sorte, au combat désordonné!

Nous ferons connaître tout à l'heure notre sentiment sur cette déplorable disposition. Préalablement, déclarons hautement qu'on ne doit pas tolérer de tels essais. Tant que nos règlements subsistent, personne n'a le droit, sous peine de compromettre gravement le bon ordre et la discipline, d'introduire dans nos manœuvres des fronts, des intervalles ou des formations de son choix. Avec de telles libertés, l'armée française dégénérerait bien vite en bandes de condottieri! Ajoutons que l'instruction de détail doit être la première préoccupation de l'officier subalterne. Or, cette instruction est-elle suffisante chez les sous-officiers et les soldats?— nullement. Exerçons donc nos compagnies, avant de nous lancer dans les innovations de tactique!

LA CAVALERIE exécute bien ses reconnaissances; mais on lui reproche, non sans raison, de redouter les longues étapes, d'être trop lente dans ses dispositions, et de continuer à opérer, avec une singulière placidité, d'interminables ralliements, sous le feu à bout portant de l'infanterie. En somme, le défaut principal de cette cavalerie, c'est qu'elle n'est point assez leste. La faiblesse désolante de ses cadres inférieurs a frappé tout le monde. C'est à peine si l'on rencontre dans ses rangs quelques sous-officiers capables d'accomplir seuls une mission quelconque! Voilà le résultat de la suppression des primes de rengagement, qu'il faut se garder de confondre avec le remplacement. Ajoutez à cela que le volontariat d'un an, qui a d'ailleurs de très-bons côtés, enlève à l'armée des sujets dont on aurait fait d'excellents sous-officiers. C'est, qu'on nous passe la comparaison, un véritable drainage!

L'ARTILLERIE, elle aussi, paraît un peu lente. On lui reproche, en outre, de se laisser trop voir avant de se mettre en batterie. Les généraux de l'arme, tout le monde l'a remarqué, ont une tendance fâcheuse à se trop rapprocher de l'artillerie ennemie.

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