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LIVRES D'ÉTRENNES

Pour les enfants d'abord, c'est leur droit. Leur lot, cette année, est bon encore. Outre les journaux qui leur sont consacrés, et qui prospèrent sous une direction de plus en plus intelligente et avec une collaboration de plus en plus variée-la Semaine des familles, le Journal de la jeunesse, le Magasin d'éducation, qui ont réuni en volumes leurs livraisons de l'année, — ils retrouveront dans la Bibliothèque rose1, qui vient de publier une dizaine de volumes nouveaux, les noms aimés de mesdames Fleuriot, Gouraud et de Stolz, auxquels se sont joints, cette année, ceux de M. Muller et de M. Amėdée Achard, qui est en voie de se faire auprès des bébés une popularité égale à celle dont il jouit auprès de leurs mères.

Mademoiselle Zénaïde Fleuriot a écrit, en dehors de la Semaine des familles, qu'elle dirige, deux agréables petits livres : l'un de pur amusement, Bigarette (1 vol.), histoire d'une belle poule grise, proche parente, par son plumage régulièrement tacheté, de la farouche pintade, mais d'humeur aussi sociable que l'autre est sauvage de caractère, et qui lègue à un journaliste à court de copie ses Mémoires qu'elle a griffonnés; l'autre, En congé (1 vol.), qui montre, par l'histoire d'un petit Parisien qui va passer ses vacances sur les bords de la mer, en Bretagne, quel fruit l'on peut tirer pour la santé, le cœur et l'intelligence, d'un mois de villégiature dans une solitude pittoresque chez d'honnêtes et hardis pêcheurs.

Les Deux enfants de Saint-Domingue (1 vol.), de mademoiselle Julie Gouraud, touchent de moins près à l éducation et se recommandent à titre de récréation morale. C'est presque une nouvelle. Il s'agit de deux enfants, frère et sœur, échappés de Saint-Domingue à l'époque du massacre des blancs, et qui jetės, dans la précipitation et la confusion de l'embarquement, sur des bâtiments de nationalité différente, sont emmenés l'un en France, l'autre en Angleterre, ne se retrouvent qu'au bout de quinze ans, et reçoivent la récompense du courage avec lequel ils ont supporté le malheur de

1 Librairie Hachette.

leur condition d'orphelins et de la reconnaissance qu'ils ont montrée à leurs familles d'adoption.

Plus gaie, plus animée et d'une moralité plus immédiate est l'histoire de madame de Stolz, les Poches de mon oncle (1 vol.). Il s'agit encore ici d'écoliers; l'auteur de la Maison roulante excelle à les peindre. Celui qu'elle met ici en scène est un garnement qui n'a rien fait de son année et qu'on envoie en punition chez un parent sévère où la réception est rude et le séjour dénué d'agrément. Deux visages, sans plus, dans toute la maison, sourient au malheureux: une toute petite cousine qui lui tient compagnie et l'encourage quand il remplit la tâche qui lui est assignée pour chaque heure, et un vieil oncle impotent qui a de grandes poches d'où il tire, chaque fois que le pensum est convenablement fait, un bon mystérieux à échéance certaine, qui fait rêver notre paresseux et, sans qu'il s'en aperçoive, l'habitue à un travail régulier. Un jour, les poches du bon oncle sont vides; c'est le moment fixé pour la solde des bons, dont l'enveloppe ouverte laisse lire ces mots : « Un mois de liberté à la campagne; un poney tout harnaché et des leçons d'équitation tous les jours. »

C'est vers les bébés, avons-nous dit, que s'est tourné M. Amédée Achard. L'écrivain élégant, le romancier du high life, comme disent les journaux å la mode, s'est fait conteur pour les nourrices et les bonnes. Nous recommandons ses histoires à cette intéressante catégorie d'auxiliaires intérieurs. Quand l'ennui prendra leurs subordonnés, quand poupées, trompettes et cerceaux auront perdu leur charme, qu'elles content les aventures du singe Moquo, du chien Bijou ou du perroquet Biscotte, et elles verront le calme revenir dans la bande tapageuse, les yeux s'ouvrir tout larges et les respirations s'arrêter. Le volume en contient quinze ou vingt pareilles et d'un effet d'apaisement aussi sûr.

Robinsonnette, de M. Muller (1 vol.), est une lecture d'un degré plus élevé et dont les héros ont au moins dix ans au début. Tous sont du village et en ont, au visage, la fraîcheur, et, dans le cœur, la simplicité, la droiture et le courage. Ce livre est une épopée champêtre prise dans une réalité qui n'est que trop fréquente, hélas ! Quelle campagne, quel hameau n'a pas de ces petites orphelines qui, pour une jupe de toile, une paire de sabots et quelques sous au bout de la semaine, s'en vont d'un soleil à l'autre garder aux champs les troupeaux d'un fermier souvent dur ou indifférent ! C'est la peinture de cette condition qu'a faite M. Mulier, sans exagération de couleur, sans déclamation, sans fausse sensibilité, sans miévrerie, dans un esprit de résignation sereine qui n'exclut pas, à l'occasion, une certaine pointe de gaieté. Peut-être la conclusion de ces aventures est-elle un peu optimiste, mais qui voudrait reprocher au conteur d'avoir couronné par un peu de bonheur une vie commencée sous de si douloureux auspices, surtout quand ce peu de bonheur est si bien mérité !

Sous le titre de Soirées amusantes1, M. Émile Richebourg réimprime de petits récits moraux qui ont déjà paru dans la Semaine des familles, et qui, sans avoir l'appareil et le costume obligé des livres d'étrennes, peuvent d'autant mieux se ranger dans cette classe de publications qu'ils sont d'un élégant petit format, et que, pour la nature des sujets, ils rentrent dans l'ordre de ceux dont nous venons de parler. L'éducation du cœur, la formation du caractère, l'initiation aux épreuves et au « sérieux de la vie, comme parle Bossuet, en est également le but. Il y a, par suite, dans ces petites fictions. quelque chose de moins enfantin et de plus pratique. Elles sont ingénieuses de conception et d'une diction charmante. Les animaux domestiques y ont souvent leur rôle et en augmentent la véritė. Ajoutons, ce qui n'est pas pour leur nuire auprès de nos lecteurs, que, sans y dominer, le souffle chrétien s'y fait partout sentir.

« Paulo majora !... » Nous autres, est encore un livre d'enfants, « mais non des plus petits, » commè dit le fabuliste. La leçon qu'il renferme sous le couvert d'une histoire attachante et contée avec le naturel charmant par lequel l'auteur s'était déjà signalė, il y a deux ans, dans les Braves gens, n'est pas de celles qu'on peut comprendre et mettre à profit dans le premier âge. Il faut avoir ses douze ans au moins pour la bien sentir et pour « y prendre exemple, ainsi que chante la ballade; plus tôt, l'ouverture d'esprit et la force manqueraient à la plupart. L'orage brise la tige naissante, il la fortifie lorsqu'elle arrive à l'état d'arbrisseau. Or c'est un orage, un coup de vent de la fortune, aux ravages et aux suites duquel nous fait assister M. Girardin. Un médecin de province vivait heureux avec sa femme et ses cinq enfants dont l'aîné, une fille, venait de faire un beau mariage. Il passait bien quelques nuages dans ce ciel doux et serein et quelques points obscurs, sinon véritablement noirs, se montraient bien par moments à l'horizon, soit dans l'esprit, soit dans le caractère de quelquesuns des enfants. Mais le danger qu'on prévoit, qu'on redoute et contre lequel on se prémunit, n'est pas toujours celui dont on est frappé. Le médecin et sa femme ne pensaient qu'à l'établissement de leur famille, quand une banqueroute imprévue leur enlève toute leur fortune. C'était pour leurs enfants un malheur, semblait-il en réalité, ce fut un bonheur. Ceux-ci, en face de la situation nouvelle qui leur est faite, cherchent et trouvent en eux des ressourcea qu'ils ne se seraient point soupçonnées s'ils avaient continué à compter sur la fortune et l'appui de leur famille. De cœur élevé et d'esprit courageux, ils refoulent en eux les plaintes auxquelles des âmes vulgaires se seraient laissées aller. Sans orgueil, mais pleins de respects pour eux-mêmes et pour leurs parents, ils embrassent

1 Soirées amusantes, première série: contes d'hiver, 3 vol. Librairie de la Société des gens de lettres.

Nous autres, par M. Girardin. 1 vol. in-8, avec 182 gravures par Bayard.

l'adversité, luttent contre elle, et se refont, par le travail, une position dans le monde. De là le titre de ce récit : « Nous autres », c'est-à-dire nous qui ne nous laissons pas abattre, nous qui croyons que, tout en s'abaissant sous la main de Dieu qui frappe dans des intentions paternelles, l'homme doit savoir se tenir debout devant ses semblables, et ne demander à autrui que ce qu'il lui est impossible de tirer de lui-même.

Voilà l'enseignement viril qui découle de cette lecture, presque à l'insu de celui qui l'a fait, tant ces scènes prises sur le vif des réalités présentes ont de portée par elles-mêmes. On pourrait reprocher au dénoûment quelque peu enfantin, où chacun se corrige et réussit et où il n'y a pas jus qu'au banquier fripon qui ne redevienne honnête homme, de laisser croire aux enfants que toujours tout finit bien dans la vie. Sans doute, il n'en est pas ainsi. Mais quel mal y a-t-il à laisser cette illusion à ceux qui débutent quand elle les excite à bien faire?

HISTOIRE DU COSTUME EN FRANCE

Depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin du dix-huitième siècle, par M. J. QuiCHERAT, professeur à l'école des Chartes. 1 vol. grand in-8, avec 480 gravures sur bois, d'après les documents authentiques. Hachette, édit.

L'étude du costume n'est pas, comme on serait tenté de le penser, une pure affaire de curiosité féminine. L'histoire y est sérieusement intéressée. Si l'habit ne fait pas le moine, il en apprend long parfois sur celui qui le porte. Le costume des peuples aide beaucoup à juger de leur industrie, de leurs mœurs et de leurs relations internationales; il suffirait, à défaut d'autres documents, pour dire où ils en étaient, à un moment donné, sous ces divers rapports. La matière, la finesse, le dessin, la couleur d'un tissu sont des indications précieuses pour l'appréciation du développement industriel et du goût d'une nation. L'échange des vêtements entre les peuples témoigne de la fréquence et, jusqu'à un certain point, de la nature des communications qu'ils ont entre eux. La date manquerait à un bronze ou à un marbre, qu'on la retrouverait dans la façon dont les personnages y sont vêtus. L'intérêt dont le costume est pour l'artiste apparaît trop clairement pour qu'il y ait besoin de le signaler. Il n'y a pas jusqu'au moraliste qui ne trouve là matière à philosopher. Qu'atteste l'habillement, chez les hommes, sinon l'une de leurs grandes faiblesses, l'amour de la parure ! C'est moins, en effet, pour protéger leur corps que pour l'orner, que, à toutes les époques et partout, ils se sont vêtus.

Cette observation par laquelle M. Quicherat débute dans l'Ilistoire du costume en France, n'est pas aussi paradoxale qu'elle en a l'air : le besoin

des vêtements n'est pas aussi impérieux qu'on le croit; aujourd'hui même il y a, dans des contrées d'ailleurs rigoureuses, des peuples qui vont plus qu'à demi-nus. Seulement il eût été juste d'ajouter que le sentiment de la pudeur compte pour quelque chose aussi dans l'instinct qui porte l'homme à se couvrir, et même de faire observer que ce sentiment délicat a été chez lui antérieur à la vanité, si ancienne que celle-ci puisse être. La Bible le dit et l'histoire le confirme.

A quelle époque les Celtes, nos ancêtres, commencèrent-ils à porter des vêtements? Il est difficile de le dire; ce qu'il y a de certain, c'est que, quand ils apparaissent dans l'histoire, peut-être du temps de Sésostris, ils ont des habits relativement confortables, et qui accusent déjà un remarquable avancement industriel. Les barbares pratiquaient, en effet, l'art compliqué du tissage. « Leur manteau, dit M. Quicherat, a l'apparence d'un lainage figurant, soit des mouchetures, soit des rameaux en feuilles de fougère; et la preuve que cette décoration ne résultait pas d'une application de couleurs, c'est que, dans les figures que nous en avons sur les monuments, elle est la même à l'envers et à l'endroit. »

La confection de ces habits avait fait, parmi nos ancêtres, des progrès considérables et très-intelligents au moment où nous les trouvons en contact avec les Romains. Leur vêtement se composait déjà des trois pièces essentielles qui ont toujours, depuis lors, constitué notre système de vêtement:du sagum, devenu successivement la saie, le saïon et la redingote; des brace, appelées, par ordre de temps, braies, chausses, culottes et pantalons; des gallicæ, d'où est dérivé le mot galoches et d'où sont issues, par voie d'addition et de perfectionnement, toutes nos variétés de chaussures. Nous ne parlons pas des compléments ni des ornements nombreux qui s'y ajoutaient on en verra le détail, avec des figures dessinées sur les originaux, dans le livre de M. Quicherat, ainsi que l'accessoire, alors obligé, des armes. Il s'ensuivit alors, entre les Romains et les Gaulois, un échange qui fut tout à l'honneur de ces derniers. Les Gaulois ne prirent aux Romains que leurs vêtements officiels, nous voulons dire ceux qui étaient les insignes de leur condition ou de leurs charges, tandis que les Romains empruntérent, l'un après l'autre, aux Gaulois, toutes les parties de leur costume. « La qualité de citoyen romain, qui pouvait conduire aux premières dignités de l'État, était, pour les provinciaux, la récompense des services publics. Les riches Gaulois tournèrent de ce côté leur ambition, dit M. Quicherat; ils briguèrent les charges municipales pour obtenir l'avantage, quand ils en sortiraient, de se faire inscrire dans une des tribus de Rome. Alors ils adoptaient le costume romain; on les voyait en public se draper majestueusement dans la toge, et leurs femmes se donner des airs à faire croire qu'elles étaient nées au pied du Capitole. >>

Pendant que de rares privilégiés importaient ainsi dans la Gaule le cos tume du Romain vainqueur, celui du Gaulois vaincu faisait fureur à Rome;

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