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Puis, retiré chez toi, sous les cieux endormis,
Seul avec le Très-Haut, jeûne, pleure, gėmis;
Épanche la douleur en des chants de tristesse,
Plus doux et plus divins que ceux de l'allégresse.
Jusqu'à la fin des temps, Dieu fera retentir
L'écho de tes remords et de ton repentir.
Les pécheurs attendris rediront d'âge en âge
Ces hymnes, de ta foi sublime témoignage;
L'amour les chantera jusqu'aux pieds des autels,
Et tu seras plus grand par tes pleurs immortels,
Que par les souvenirs de puissance et de gloire
Dont les siècles futurs orneront ta mémoire.

SCÈNE IX

LES MÊMES, CHOEUR D'ISRAÉLITES, MUSIQUE.

DAVID, levant les bras vers le cicl. Seigneur, ayez pitié! j'ai péché devant vous, Et mon crime est toujours présent à ma pensée!

LE CHOEUR.

Vos larmes éteindront le céleste courroux;

Le Seigneur vous rendra votre grandeur passée.

DAVID.

Dieu, pour laver le sang dont mon cœur est souillé, Recevez de mes pleurs la douloureuse offrande.

LE CHŒUR.

Roi, de votre puissance un moment dépouillé,
Vous la verrez renaître et plus pure et plus grande.

DAVID.

Accablé de remords, de larmes abreuvé,

Devant le Tout-Puissant je tremble et m'humilie!

LE CHOEUR.

Bien heureux qui s'abaisse, il sera relevé !

Dieu le couronnera d'une gloire infinie!

ANATOLE DE Ségur.

REVUE SCIENTIFIQUE

I. Les plantes carnivores, par le docteur Hooker, de la Société royale de Londres.
II. Projet de création d'un observatoire d'astronomie physique aux environs de Paris.
Rapport de M. Faye à l'Académie des sciences. III. Nomination de M. J. Bertrand
comme secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences.

I

Jusqu'à présent nous avions cru que les animaux seuls se nourrissaient de chair il semble aujourd'hui bien démontré que certaines plantes font la chasse aux insectes, s'en emparent en leur tendant de véritables piéges, et, une fois maîtresses de leur proie, la digèrent exactement comme l'estomac de l'homme digère ses aliments. Telles sont au moins les conclusions d'une lecture faite au dernier congrès de l'Association britannique pour l'avancement des sciences par le docteur Hooker, membre de la Société royale de Londres et directeur du jardin botanique de Kew1. D'après M. Hooker, la première plante chez laquelle fut reconnue cette curieuse propriété, a été découverte vers 1768, en Amérique, par le naturaliste anglais Ellis, qui lui donna le nom de Dionée. Linné, à qui Ellis envoya une description des habitudes de la Dionée attrape-mouches, ne voulut pas admettre que la plante se nourrissait réellement de l'insecte qu'elle avait saisi aussi le fait passa-t-il à peu près inaperçu. Cependant, soixante ans environ après la découverte d'Ellis, un habile botaniste américain, nommé Curtis, qui habitait la Caroline du Nord, contrée où la Dionée se trouve presque exclusivement, étudia soigneusement les mœurs de cette plante et en publia, dans le Boston Journal of natural History, une description très-exacte. Voici comment il s'exprime: «Chaque moitié de la feuille présente une surface interne légèrement concave, armée de trois organes délicats semblables à des poils, placés de telle sorte qu'il est difficile qu'un insecte la parcoure sans toucher un de ces organes: alors les deux côtés se replient brusquement et saisissent leur proie avec assez de force pour

1 Les plantes carnivores, discours prononcé au congrès de Belfast (août 1874), par M. Hooker. Traduit dans la Revue scientifique (n° du 21 novembre 1874).

10 DÉCEMBRE 1874.

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qu'il lui soit impossible de s'échapper. Les poils qui garnissent les bords opposés d'une feuille s'entrelacent comme pourraient le faire les doigts de deux mains. La sensibilité de la plante ne réside que dans ces processus pileux de l'intérieur de la feuille, car on peut la toucher ou la presser en tout autre point sans produire d'effets sensibles. Le petit prisonnier n'est point écrasé et brusquement tué, comme on l'a quelquefois supposé, car j'ai souvent délivré des mouches et des araignées ainsi prises au piège et qui s'échappaient de toute la vitesse que la crainte ou la joie pouvait leur inspirer. D'autres fois je les ai trouvées enveloppées d'un fluide mucilagineux, lequel semblait jouer le rôle de dissolvant, car les insectes y étaient plus ou moins dissous. »

Plus tard, en 1868, un autre botaniste américain, M. Canby, montra que ce liquide dissolvant est une véritable sécrétion digestive, analogue à notre suc gastrique : il nourrit des feuilles de dionée avec de petits morceaux de bœuf qui étaient complétement dissous et absorbés: au bout de quelque temps la feuille se rouvrait en présentant une surface sèche et toute prête pour un autre repas, quoique avec un peu moins d'appétit. Il reconnut aussi que certains aliments, le fromage par exemple, ne convenaient nullement aux feuilles, les faisaient noircir et finissaient par les

tuer.

Enfin, en 1873, le docteur Burdon Sanderson fit voir que la contraction de la feuille de dionée est accompagnée de phénomènes électriques exactement semblables à ceux qui se produisent lors de la contraction d'un muscle.

Ainsi, dit M. Hooker, dans cette plante merveilleuse, ce ne sont pas seulement les phénomènes de la digestion, mais bien aussi ceux de la contractilité qui sont les mêmes que chez les animaux.

M. Hooker décrit ensuite d'autres espèces qui jouissent de propriétés semblables. Ce sont d'abord les Droséracées, dont les feuilles, munies aussi de poils, se replient de la pointe vers la base lorsqu'un insecte vient se poser sur leur surface: elles emprisonnent ainsi le petit animal pendant qu'un liquide visqueux, sortant de l'extrémité des poils, l'empêche de s'échapper et finit par le dissoudre. M. Darwin a reconnu que les poils de la drosére sont également sensibles à l'action d'un morceau de muscle ou de toute autre substance animale, tandis qu'une parcelle de matière inorganique ne produit presque aucun effet sur eux.

D'autres espèces, les Sarracenies, par exemple, présentent des particularités encore plus curieuses. Ces plantes, originaires des États de l'est de l'Amérique du Nord, ont leurs feuilles disposées en forme d'urnes ou de trompettes; dans certaines variétés elles sont fermées par un opercule étroit, sur les bords duquel se sécrète un liquide sucré. Cette sécrétion sucrée, qui se reconnaît quelquefois tout le long d'un sentier tracé sur la plante depuis le sol jusqu'à l'embouchure de l'urne, constitue un appât

par lequel les insectes sont amenés à la mort en pénétrant dans l'intèrieur du tube, ils rencontrent une surface parfaitement lisse sur laquelle ils glissent; ils tombent alors au fond de l'urne, où ils sont retenus par des pcils dirigés de haut en bas, de façon à les empêcher de remonter: lå ils sont noyés dans une autre sécrétion, de nature mucilagineuse, qui les dissout rapidement et les fait servir ainsi à la nutrition de la plante.

Les Népenthes, genre sur lequel M. Hooker a porté plus spécialement ses investigations, sont des plantes grimpantes que l'on trouve dans les parties les plus chaudes de l'archipel asiatique, depuis Bornéo jusqu'à Ceylan. L'urne du Nepenthe n'est plus une feuille transformée, comme chez la Sarracenie, mais bien un appendice de la feuille développé à son extré mité; sa longueur, dans une espèce originaire de Bornéo, atteint 45 centimètres et sa largeur est alors suffisante pour engloutir un petit oiseau Elle est rattachée à la feuille par une tige quelquefois três-longue qui, tantôt s'enroule comme une vrille autour des branches voisines et aide ainsi la plante à grimper jusqu'à une grande hauteur dans la forêt, et tantôt sert à descendre l'urne jusqu'au niveau du sol, comme pour aller chercher les insectes qui n'ont pas l'habitude de monter dans les arbres. L'orifice de l'urne est garni d'un rebord épais et froncé qui a trois fonctions différentes: il renforce l'orifice et le tient bien ouvert; il sécrète une substance sucrée qui sert d'appât aux insectes; enfin, suivant les espèces, il se développe en un tube en entonnoir qui descend dans l'urne et empêche l'animal de s'échapper, ou en une rangée de crochets recourbés qui ont quelquefois assez de force pour retenir un petit oiseau, si en cherchant à atteindre l'eau ou les insectes, il se penche un peu trop dans l'urne. Depuis l'orifice jusqu'à une distance variable à l'intérieur de l'urne, est une surface vitreuse qui n'offre aucune prise aux insectes; le reste de l'urne est entièrement occupé par la surface de sécrétion qui est parsemée d'un nombre immense de petites glandes sphériques (plus d'un million dans une urne de grandeur ordinaire). M. Hooker a constaté très-nettement la puissance digestive du liquide sécrété par ces glandes, en y dissolvant du blanc d'œuf, de la viande crue, de la fibrine et du cartilage; il suppose que ce liquide, dont il a constaté l'acidité constante, contient une substance douée d'une action analoge à celle de la pepsine, laquelle se produirait surtout lorsqu'une matière animale est mise en contact avec la liqueur acide. Mais par quel moyen la plante opère-t-elle l'assimilation de la substance nutritive ainsi produite? C'est ce qui n'est pas encore éclairci. M. Hooker cherche à rattacher ce phénomène d'une part au mode de nutrition habituel des plantes et d'autre part à la digestion des aliments par le suc gastrique de l'estomac des animaux. Nous ne le suivrons pas jusque là, nous contentant de conclure de son travail à l'existence incontestable de faits très intéressants que jusqu'ici leur caractère extraordinaire avait fait considérer comme des fables par beaucoup de botanistes éminents.

II

Dans la séance de l'Assemblée nationale du 22 juillet dernier, à propos de la discussion du budget de l'instruction publique, un honorable député, M. Cézanne, fit une proposition par laquelle il demandait qu'un crẻdit de 50,000 francs fût alloué en 1875 pour la création d'un observatoire d'astronomie physique dans les environs de Paris1. Par quelques phrases remplies de faits curieux et prononcées avec conviction et entrainement, il réussit à captiver l'attention de l'Assemblée et à l'intéresser à une question où l'avenir de l'astronomie et l'honneur scientifique de la France sont également engagés. Le rapporteur de la commission du budget, tout en manifestant la plus vive sympathie pour le projet en question, se crut obligé de repousser la demande de crédit qui n'était pas appuyée d'études suffisamment approfondies, au point de vue financier principalement. Mais le ministre de l'instruction publique, M. de Cumont, vint donner à l'Assemblée l'assurance que la proposition de M. Cézanne serait l'objet d'une étude sérieuse de la part du gouvernement et qu'avant tout il se proposait de prendre l'avis de l'Académie des sciences sur l'opportunité de la création d'un pareil établissement. Effectivement, dès le 6 août suivant, le ministre demandait à l'Académie de lui faire connaître les raisons scientifiques et d'intérêt général qui pouvaient éclairer le vote de l'Assemblée nationale. Dans la séance suivante, l'Académie nomma une commission chargée de préparer la réponse à adresser au gouvernement. Le 2 novembre dernier cette commission a présenté, par l'organe de M. Faye, le rapport demandé par la lettre du ministre.

Ce rapport présente d'abord l'historique des développements successifs de l'astronomie physique, dont le but principal est, comme on le sait, de déterminer l'état physique et chimique des astres et la nature des phénomènes qui se produisent à leur surface. Cette partie de la science, qui ne prit naissance qu'après l'invention des lunettes par Galilée, fixa d'abord médiocrement l'attention des astronomes. Préoccupés surtout d'étudier les lois géométriques des mouvements célestes, ils se contentèrent longtemps de notions plus ou moins vagues sur les apparences physiques de la lune et des planètes observées dans des instruments dont la puissance laissait beaucoup à désirer. Cependant la découverte de la polarisation de la lumière, en permettant de déduire des modifications éprouvées par un rayon lumineux la nature physique du foyer d'où il émane, vint augmenter consi

1 M. Cézanne, ingénieur des Ponts et Chaussées, auteur d'une importante étude scientifique sur les torrents des Hautes-Alpes, faisant suite aux travaux de M. Surell sur le même sujet, avait toute compétence et autorité pour faire une pareille proposition. 2 Comptes rendus de l'Académie des sciences. Tome LXXIX, no 18 (séance du 2 novembre 1874.

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