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Le prince, à Chambord, apprendra ce que peuvent enseigner Chambord et la cour; J'aimerais mieux qu'il vécût avec nous qu'avec ses ancêtres ;

Les courtisans s'enrichissent par la pros titution;

Les préfets ont beaucoup d'influence dans la nomination des députés....

Prenons les propositions inverses, et voyons quel est le cathéchisme de morale publique que le ministère accusateur voudrait nous faire adopter:

La cour ne donne rien aux princes; Les prêtres ne donnent rien à Dieu; Les apanages, les listes civiles sont exclusivement pour les princes;

Le revenu des abbayes est exclusivement pour Jésus-Christ;

Le prince n'apprendra pas à Chambord ce que peut enseigner Chambord;

J'aimerais mieux qu'il vécut avec ses ancêtres qu'avec nous;

Les courtisans ne s'enrichissent pas par la prostitution;

Les préfets n'ont aucune influence sur la nomination des députés.

Voilà ces hautes vérités morales que le ministère public veut nous contraindre d'observer à peine d'amende et de prison! Mes

sieurs, il n'en faut pas davantage. Il n'est point de subtilité, point de sophisme qui puissent résister à cette épreuve, aussi simple qu'infaillible; vous en avez vu les résultats; l'accusation est jugée.

Si, après cette épreuve, vous condamnez. l'écrit qui vous est déféré, plus de loi qui puisse rassurer les citoyens, plus d'écrit qui ne puisse être condamné, plus d'écrivain qui soit assuré de conserver sa fortune et sa liberté. L'accusation d'outrage à la morale publique va devenir pour la France ce que fut, pour Rome dégénérée, l'accusation de lèze-majesté.

C'est à vous de conserver à la loi son empire, à la liberté ses garanties; c'est à vous d'empêcher que ce glaive de la justice ne s'égare, et, par un abus déplorable, ne devienne l'instrument des passions politiques, ou le vengeur des amours-propres offensés. Il est, vous le savez, deux sortes de jugements : les uns, fruits de l'erreur, des préventions ou des ressentiments, sont l'effroi de la société; l'opinion publique les dénonce à l'histoire, et l'inexorable histoire les inscrit sur ses ta

bles vengeresses; les autres dictés par l'équité, rassurent le corps social, affermissent les états, et sont transmis par la reconnaissance publique à l'estime de la postérité.

Voilà quel jugement nous attendons de vous : j'ose croire que cette attente ne sera point trompée.

Ainsi parla Me Berville, avec beaucoup de facilité, de netteté dans l'expression, et assez de force par fois. A ce discours PaulLouis voulait ajouter quelques mots; mais ses amis l'en empêchèrent, en lui remontrant qu'il n'avait de sa vie parlé en public, et que ce serait un vrai miracle qu'il pût soutenir les regards de toute une assemblée; qu'ignorant entièrement les convenances du barreau, où s'est établie une sorte de cérémonial, d'étiquette gênante, impossible à deviner, il ferait des fautes dont ses ennemis ne manqueraient pas de profiter, et demeurerait étonné à la moindre contradiction; qu'il n'avait là pour lui que le public, auquel on imposait silence, dont même il risquait de diminuer à son égard la bienveillance, par une harangue mal dite, peu entendue, interrompue; que les gens de lettres qui avaient tenté cette épreuve avec moins de désavantage, s'en étaient rarement bien tirés ; qu'il ne devait pas se flatter, pour avoir su écrire quelques brochures passables, de pouvoir aussi bien se faire entendre de vive voix, ces deux arts n'étant pas seulement fort différents en plusieurs points, mais contraires

autant que l'est la concision, qui fait le mérite des écrits, au langage diffus de la tribune; qu'enfin, piqué comme il l'était, et de l'absurdité de l'affaire en elle-même, et du choix des jurés, et de la mauvaise foi du procu reur du roi, et de la partialité servile du président, il ne pouvait manquer de s'ex primer vivement, avec peu de mesure, et de gâter sa cause aux yeux de tout le monde. Il se rendit à ces raisons, et prit pa tience en enrageant de ne pouvoir au moins répondre, et confondre le mauvais sens de ses accusateurs, chose facile assurément: car, s'il n'eût mieux aimé déférer en cela aux conseils de gens sages qui lui veulent du bien, soit par attachement personnel, ou confor mité de principes, il eût prononcé ce discours, ou quelque chose d'approchant :

MESSIEURS ›

Dans ce que vous a dit M. l'avocat général, je comprends ceci clairement : il désapprouve les termes dont je me suis servi pour désigner la source, respectable selon lui, très-impure, selon moi, des fortunes de cour, et la manière aussi dont j'ai parlé des grands dans l'imprimé qu'il vous dénonce comme contraire à la morale, scandaleux, licencieux, horri ble. Pour moi, aux premières nouvelles d'une

pareille accusation, à laquelle je m'attendais peu, sûr de mon intention, n'ayant à me reprocher aucune pensée qui méritât ce degré de blâme, je crus d'abord qu'aisément j'avais pu me méprendre sur le sens de quelques mots, et donner à entendre une chose pour une autre, en expliquant mal mes idées. Car, comme savent assez ceux qui se mêlent un peu de parler ou d'écrire, rien n'est si rare que l'expression juste; on dit presque toujours plus ou moins qu'on ne veut dire, et par l'exemple même de M. l'avocat du roi qui me nomme ici libelliste, homme avide de gain, spéculateur d'injure et de diffamation, vous avez pu juger combien il est plus facile d'accumuler dans un discours ces traits de la haute éloquence, que d'appliquer à chaque chose le ton, le style, le langage qui

conviennent exactement.

Je crus donc avoir failli, Messieurs, et ne m'en étonnais en aucune façon, Il m'est rarement arrivé, dans ma vie, de lire une page dont je fusse satisfait, bien moins encore d'écrire sans faute. Mais en examinant ceci attentivement, avec des gens qui n'ont nulle envie de me flatter, considérant le tout, et chaque phrase à part, chaque mot, chaque syllabe, je vous dis la pure vérité : nous n'y avons trouvé à reprendre qu'une seule chose,

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