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lades, que les cabaretiers sont fripons, que les femmes sont indiscrètes, et (puisqu'enfin il faut s'éxécuter) que les avocats sont bavards. Au surplus, qu'a dit l'auteur à l'égard du clergé, que le respectable abbé Fleury, que Massillon, que lant d'autres écrivains non moins graves, n'aient dit avant lui et n'aient dit quelquefois d'une manière beaucoup plus sévère? Mais c'est calomnier le malheur. Le malheur? Vous oubliez que le clergé figure pour vingt-cinq millions au budget de l'état. Ce sont sans doute, des fonds très bien employés; nous ne le contestons pas mais lorsque cet emploi existe, ne venez donc pas nous parler de malheur, même en tirer un effet d'éloquence. Laissons-là les lieux-communs oratoires, et revenons toujours à l'unique question du procès: ai-je outragé la morale publique? ai-je fait l'apologie du vice? ai-je attaqué les bases de nos devoirs?

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Je viens au second passage: « Ah! dit » M. Courier, si au lieu de Chambord » le duc de Bordeaux, on nous parlait de » payer sa pension au collége (et plût à Dieu » qu'il fi en âge et que je pusse l'y voir de » mes yeux), s'il était question de cela, de » bon cœur j'y consentirais et voterais ce qu'on voudrait, dût-il m'en coûter ma » meilleure coupe de sainfoin..... Mais à

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» Chambord, qu'apprendra-t-il? Ce que » peuvent enseigner Chambord et la cour. » Là, tout est plein de ses aïeux ; pour cela précisément, je ne l'y trouve pas bien, » et j'aimerais mieux qu'il vécût avec nous » qu'av avec ses ancêtres,

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Il faut assurément être doué d'une admirable sagacité pour découvrir dans ces paroles un outrage à la morale publique, Pour moi, je l'avoue, j'aurais cru, dans ma simplicité, qu'ici l'auteur, loin d'offenser la morale, parlait en bon et sage moraliste. Oh! s'il était venu nous vanter les mœurs des cours, nous les offrir en exemple, nous inviter à les imiter, je conçois qu'alors on pour rait l'accuser d'avoir outrage la morale; mais il a fait précisément le contraire. Ces mœurs dissolues, scandaleuses, il les a censurées; il a voulu arracher un jeune prince à leur contagion; et c'est lui, c'est le défenseur des mœurs, que vous accusez d'avoir offensé les mœurs! et c'est au censeur des cours que vous venez reprocher l'immoralité de ses doctrines!

Ah! si c'est un crime à vos yeux de médire de la cour, faites donc le procès à tout ce que la France compte d'écrivains célèbres. Condamnez l'immortel auteur de l'Esprit des lois. Que direz-vous en effet des couleurs dont

il ose tracer le tableau des cours? « L'ambition » dans l'oisiveté, la bassesse dans l'orgueil, » le désir de s'enrichir sans travail, l'aver»sion pour la vérité; la flatterie, la trahi» son, la perfidie, l'abandon de tous ses engagements, le mépris des devoirs du citoyen, la crainte de la vertu du prince, » l'ESPÉRANCE DE SES FAIBLESSES, et plus que » tout cela le ridicule perpétuel jeté sur la » vertu, forment, je crois, le caractère du

plus grand nombre des courtisans, marqué » dans tous les lieux et dans tous les temps. »

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Mais peut-être récusera-t-on l'autorité de Montesquieu, c'est un auteur profane, c'est un philosophe..... Eh bien! écoutons un père de l'église; écoutons Massillon : « Que de bassesses pour parvenir ! Il faut paraître, non pas tel qu'on est, mais tel qu'on nous souhaite. Bassesse d'adulation, "on encense et on adore l'idole qu'on méprise; bassesse de lâcheté, il faut savoir » essuyer des dégoûts, dévorer des rebuts, » et les recevoir presque comme des grâces; » bassesse de dissimulation, point de senti» ments à soi, et ne penser que d'après les » autres; bassesse de déréglement, devenir » les complices et peut-être les MINISTRES des passions de ceux de qui nous dépen

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» dons..... Ce n'est point là une peinture imaginée; ce sont les mœurs des Cours, * ET L'HISTOIRE DE LA PLUPART DE CEUX QUI Y VIVENT..... >

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Le peuple regarde comme un bon » air de marcher sur vos traces; la ville croit se faire honneur en prenant tout le mau» vais de la cour; vos mœurs forment un poison qui gagne les peuples et les pro» vinces, qui infecte tous les états, qui change

les mœurs publiques, qui donne à la li» cence un air de noblesse et de bon goût, » et qui substitue à la simplicité de nos pè» res et à l'innocence des mœurs anciennes >> la nouveauté de vos plaisirs, de votre » luxe, de vos profusions et de vos indécences » profanes. (C'est-là précisément ce qu'a dit » M. Courier.) Ainsi, c'est de vous que pas» sent jusque dans le peuple les modes im» modestes, la vanité des parures, les arti» fices qui déshonorent un visage où la pudeur toute seule devait être peinte, la >> fureur des jeux, la facilité des mœurs, » licence des entretiens, la liberté des pas

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»sions ET TOUTE LA CORRUPTION DE NOS SIE"} CLES. >>

Messieurs, c'était aussi pour conserver l'innocence d'un prince enfant, du dernier rejeton d'une race royale, qué Massillon éle

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vait sa voix éloquente. Il est triste de penser que si Massillon vivait encore, il se verrait probablement traduit sur les bancs d'une cour d'assises!....

Au surplus, ce n'est point une assertion sèche et dénuée de preuves que l'auteur vous présente. Il ne s'est pas borné à censurer les mœurs de la cour: il a justifié sa censure par des faits; sa critique n'est que la conséquence forcée de ces faits; avant d'attaquer la conséquence, prouvez que les faits, sont controuvés

Voici la triple alternative que je présente à l'accusation. Ou vous niez, lui dirai-je, les faits rapportés dans l'écrit; et alors, les monuments historiques sont là pour vous con¬ fondre on vous les avouez, mais vous en faites l'apologie; et alors, c'est vous-même qui outragez la morale publique : ou vous les avouez et les condamnez, et vous préten-, dez cependant que j'aurais dû les taire, parce que les coupables ont siégé sur le trône ou près du trône; et alors, c'est encore au nom, de la morale publique que je m'élève contre yous c'est au nom de la morale publique que je repousse cette doctrine honteuse, Quoi! des désordres coupables auront été commis, et l'histoire, l'institutrice des peu ples et des rois, devra garder le silence!

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