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commune si les moyens répondent à son » zèle. »

« Nous allons, dit M. Courier, nous gê» ner et augmenter nos dettes pour lui don» ner (au prince) une chose DONT il n'a pas

» BESOIN. »

A

» Il n'appartiendrait qu'à V. M., avait dit le ministre, de refuser, au nom de son auguste pupille, un présent Dont il n'a pas » BESOIN. Assez de châteaux seront un jour » à sa disposition, et ce sont les Chambres qui auront à composer, au nom de la na» tion, son apanage. »

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M. Courier paraît craindre que les offrandes ne soient pas toujours suffisamment libres et spontanées. Le ministre avait conçu les mêmes craintes : « Le don du pauvre, avait-il dit, mérite d'être accueilli comme le tribut du riche, mais il ne faut pas le demander. » IL SERAIT A CRAINDRE qu'on ne vit une » sorte de CONTRAINTE dans une invita» tion solennelle venue de si haut, AU NOM » D'UNE RÉUNION DE PERSONNAGES IMPORTANTS qui s'occuperaient à donner une si vive impulsion à tous les administrés. Des dons » qui ne sont acceptables que parce qu'ils » sont spontanés, paraîtraient peut-être » commandés par des considérations qui » doivent être étrangères à des sentiments

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» dont l'expression n'aura plus de mérite, si » elle n'est entièrement libre. »

En critiquant l'acquisition de Chambord M. Courier n'a donc rien dit qui ne soft permis, qui ne soit plausible, qui ne soit conforme aux observations du ministre luimême.

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N'importe il a voulu arrêter l'élan généreux des Français : il a voulu s'opposer à l'allégresse publique...

Quoi donc, blâmer un témoignage d'allégresse inconvenant ou intéressé, est-ce blâmer l'allégresse elle-même? Parce qu'un nom sacré aura servi de voile à un acte imprudent ou blâmable, cet acte deviendra-t-il également sacré? Pour moi, s'il faut le dire, je crois qu'il était beaucoup d'autres manières plus convenables d'honorer la naissance du duc de Bordeaux. Je ne parle point ici de ces bruits trop fâcheux qui se sont répandus sur l'origine de cette souscription et sur les moyens employés pour faire souscrire : je ne veux ni les écouter, ni les répéter. Mais ces dons d'ar gent, de terres, de châteaux, adressés à l'héritier d'un trône, ces présents qu'on fait offrir au riche par le pauvre, par des communes épuisées, au neveu d'un roi de France, s'accordent mal dans mon esprit avec la délicatesse qui doit présider aux hommages rendus

par des Français à leurs princes. Je ne puis, d'ailleurs, oublier que naguères on faisait offrir aussi, par les communes, des adresses, des chevaux, des soldats, à l'homme qui avait usurpé la liberté publique, et j'aurais désiré, je l'avoue, que l'héritier d'un pouvoir légitime fût honoré d'une autre manière que le ravisseur d'un pouvoir absolu.

Croyez-moi, Messieurs, il est pour les princes des hommages plus délicats et prs purs, que l'adulation ne saurait contrefaire, et que la tyrannie ne saurait usurper. Ce sont ces pleurs d'allégresse qu'on verse à leur aspect, ces vœux d'un peuple accouru sur leur passage; ce sont les joies du pauvre, les actions de grâces du laboureur, les bénédictions des mères de famille. Voilà les hommages que le peuple français rendait à Henri IV; voilà ceux que ses descendants vous demandent, et non ces tributs mendiés, qu'on ne refusa jamais à la puissance. Les princes fran çais ne ressemblent point à ces despotes de l'Orient que la prière n'ose aborder qu'un présent à la main, et loin d'obliger la pauvreté à doter leur opulence, ils consacrent leur opulence à soulager la pauvreté.

M. Courier a donc pu, non seulement sans être coupable, mais sans manquer aux convenances les plus sévères, voir, dans la sou

scription de Chambord, un acte de flatteric ou une spéculation intéressée. Il a pu blâmer cet hommage indiscret et suspect, qui compromet, sous prétexte de l'honorer, tout ce qu'il y a de plus élevé et de plus respectable; et celui-là peut-être avait quelque droit de s'élever contre la flatterie, qui, sous aucun pouvoir, ne fut aperçu parmi les flat

teurs.

Si l'esprit général de l'ouvrage est irrés prochable, les détails en sont-ils criminels? Examinons les passages sur lesquels le ministère public a fondé son accusation.

Maintenant que nous avons fait connaître l'idée que la loi attache à l'expression de mc. rale publique, vous aurez peine peut-être à vous empêcher de sourire, en écoutant la lecture de ces passages. La plupart ont si peu de rapport à la morale publique, qu'on se demande par quel étrange renversement des notions les plus communes, l'accusation a pu rapprocher deux idées d'une nature si diffé

rente.

Ainsi, M. Courier veut prouver que le don de Chambord ne profitera pas au prince, mais. aux courtisans. Après une sortie assez vive contre les flatteurs, il cite le trait de ce courtisan qui disait aux prince, son élève, tout ce peuple est à vous ; puis il ajoute: « Ce qui,

» dans la langue des courtisans, voulait » dire tout est pour nous. Car la cour » donne tout aux princes comme les prêtres » donnent tout à Dieu; et ces domaines, ces » apanages, ces listes civiles, ces budgets, ne » sont guères autrement pour le Roi que le re» venu des abbayes n'est pour Jésus-Christ. » Achetez, donnez Chambord : c'est la cour » qui le mangera; le prince n'en sera nipis

»ni mieux. »

N'est-il pas déplorable que l'on soit réduit à justifier devant les tribunaux un pareil langage! Quoi désormais on ne pourra plus dire, sans se faire une affaire avec la justice, que les courtisans font souvent servir l'auguste nom du prince, les prêtres le nom sacré de Dieu à leur intérêt personnel! Quoi! cette vérité de morale, devenue triviale à force d'application, va devenir un délit digne de la prison! Mais vous outragez les prêtres! Mais il ne s'agit point d'outrages aux prêtres; vous m'accusez d'outrages à la morale publique; prouvez que j'ai outragé la morale publique. Mais outrager une généralité d'individus, c'est outrager la morale publique. Vraiment? A ce compte, je plains nos auteurs comiques. Désormais il ne leur sera plus permis de dire, sous peine d'amende, , que les médecins tuent leurs ma

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