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N'allez point chercher ailleurs les caractères d'un tel délit. Ici, toute argumentation est vaine : le cri de la conscience outragée, voilà le témoignage que l'accusation doit invoquer ; c'est la voix du genre humain qui doit prononcer la condamnation.

Si l'écrit qui vous est déféré outrageait en effet la morale publique, vous n'eussiez point supporté de sang-froid la lecture des passages inculpés. Vos murmures auraient à l'instant même révélé votre horreur et votre indignation un cri de réprobation se serait élevé parmi vous vos regards se seraient détournés avec dégoût de l'auteur immoral, et votre conscience n'aurait pas attendu lever les sillogismes d'un orateur.

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Est-ce là, j'ose vous le demander, l'impres sion qu'a produite sur vos esprits la lecture de l'ouvrage? Avez-vous ressenti du dégoût, de l'indignation? de l'horreur excitée par l'écrit, avez-vous passé au mépris pour l'auteur? Non, je ne crains pas de le proclamer devant vous-mêmes; non, telle n'est point l'impression que vous avez éprouvée. Je pose en fait qu'il n'est point dans cette enceinte un seul homme, je n'en excepte pas même l'orateur de l'accusation, qui, au sortir de cette audience, refusât de se trouver dans le même salon avec l'écrivain qu'on accuse; qui n'y

conduisît ses enfants; qui ne s'honorât d'une telle société. Condamnez maintenant l'écrivain immoral et scandaleux!

Non, ce n'est pas contre des écrits tels que celui qui nous occupe qu'est dirigée la sévérité des lois. Les lois ont voulu frapper ces auteurs infâmes qui se jouent de ce qu'il y a de plus sacré, et dont les pages révoltantes font frémir à la fois la pudeur et la nature. C'est contre ces écrits monstrueux que le législateur s'est armé d'une juste rigueur ; c'est contre eux qu'il a voulu donner des garanties à la société ; et qu'il me soit permis de m'étonner que ses intentions aient ри être méconnues au point de traduire un père de famille estimable, un écrivain distingué, un citoyen honorable, sur le banc préparé pour les de Sades et pour les Arétins.

C'est en vain que dans un discours travaillé avec un art digne d'une meilleure cause, on a cherché à vous faire illusion sur vos propres impressions, à déguiser sous l'éclat des ornements oratoires, la nullité de l'accusation. Que signifient, dans une accusation d'outrage à la morale publique, ces argumentations, ces insinuations artificieuses, ces inductions subtiles, ces déclamations éloquentes? Quoi! la morale publique est outragée, et il faut que le ministère public vous en fasse

apercevoir! Quoi! la morale publique est outragée, et il faut que l'élégante indignation d'un orateur vienne vous avertir de vous indigner! Ah! la discussion du ministère public prouve du moins une chose, c'est que, puisqu'il est besoin de discuter pour établir T'outrage à la morale publique, il n'existe point d'outrage à la morale publique.

Toutefois, examinons cette discussion ellemême, et puisqu'on vous a parlé du caractère général de l'ouvrage et du caractère particulier des passages attaqués, suivons l'accusation dans la double carrière qu'elle s'est tracée.

Considéré dans son caractère général, l'écrit de M. Courier est, je ne crains pas d'en convenir, une critique de la souscription de Chambord. L'acquisition de ce domaine lui paraît une mauvaise affaire pour le prince, pour le pays, pour Chambord même.

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Pour le prince: Ce n'est pas lui qui en profitera; ce seront les courtisans : ce sacrifice imposé aux communes, en son nom affaiblira l'affection dont il a besoin pour régner enfin, le séjour de Chambord, plein de souvenirs funestes pour les mœurs, pourra corrompre sa jeunesse,

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Pour le pays: La cour viendra l'habiter; les fortunes des habitants, leur innocence pourront souffrir de ce dangereux voisinage,

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Pour Chambord: Douze mille arpents de terre rendus à la culture, vaudraient mieux que douze mille arpents, consacrés à un parc

de luxe.

Certes, il serait difficile de trouver dans ces idées générales rien de contraire à la morale publique. La dernière est une vue d'économie politique, que je crois très juste, et qui, dans tous les cas, n'a rien à démêler avec la morale; les deux premières, sont, au contraire, conformes aux principes de la morale la plus pure..

En conséquence de ses réflexions, M. Courier blâme l'opération de Chambord : il la croit inspirée moins par l'amour du prince e t de son auguste famille, que par la flatterie et par des vues d'intérêt personnel. A cette occasion, il s'élève, au nom de la morale, contre l'esprit d'adulation et contre la licence des cours.

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Et ce qu'il y a de remarquable, c'est que les considérations présentées par M. Courier contre la souscription de Chambord se retrouvent, en grande partie,dans le rapport soumis à S. M. par le ministre de l'intérieur (1).

M. Courier craint que ce présent ne soit plus onéreux que profitable au jeune prince,

(1) Voir le Jouranl de Paris du 31 décembre 1820.

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Le ministre avait dit « qu'on a exprimé » le désir de la conservation de Chambord » sans songer à ce qu'elle coûtera de répa» rations foncières et d'entretien, à toutes » les dépenses qu'exigeront son ameuble» ment et son habitation. »

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M. Courier se demande si ce sont les communes qui ont conçu la pensée d'acheter Chambord pour le prince. «Non pas, répond-il, les nôtres, que je sache, de ce côa té-ci de la Loire; mais celles-là peut-être qui ont logé deux fois les cosaques.... Là, » naturellement, on s'occupe d'acheter les » châteaux pour les princes, et puis on songe » à refaire son toit et ses foyers. >> Le minis tre avait dit, presque dans les mêmes termes; « Les conseils qui ont voté l'acquisition de >> Chambord n'ont point été arrêtés par les » embarras de finances qu'éprouvent PRES " QUE TOUTES les communes, les unes épui"sées par la suite Des guerres, PAR L'INVA»SION ET LE LONG SÉJOUR DES ÉTRANGERS ; > les autres apauvries par les fléaux du ciel, a la grele, les gelées, les inondations, les » incendies; obligées la plupart de recourir » à des impositions extraordinaires pour » acquitter LES charges couranTES DE LEURS > DETTES. Dans d'autres circonstances, l'ad "ministration devrait examiner pour chaque

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