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» presse n'y fait nul mal et en empêche...... » combien? G'est à vous de le dire quand » vous aurez compté chez vous tous les

abus. Peu de volumes paraissent, de gros » livres pas un, et pourtant tout le monde » lit; c'est le seul peuple qui lise et aussi » le seul instruit de ce qu'il faut savoir » pour n'obéir qu'aux lois. Les feuilles » imprimées, circulant chaque jour et en » nombre infini, font un enseignement mu»tuel et de tout âge. Car tout le monde » presque écrit dans les journaux, mais sans

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légèreté, point de phrases piquantes, de » tours ingénieux ; l'expression claire et nette » suffit à ces gens-là. Qu'il s'agisse d'une ré» forme dans l'état, d'un péril, d'une coali » tion des puissances d'Europe contre la li» berté, ou du meilleur terrain à semer les » navets, le style ne diffère pas, et la chose » est bien dite, dès que chacun l'entend; » d'autant mieux dite qu'elle l'est plus briè »vement, mérite non commun, savez-vous? » ni facile de clore en peu de mots beaucoup » de sens. Oh qu'une page pleine dans les » livres est rare! et que peu de gens sont capables d'en écrire dix saus sottises! La » moindre lettre de Pascal était plus malai»sée à faire que toute l'Encyclopédie. Nos » Américains, sans peut-être avoir jamais

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songé à cela, mais avec ce bon sens de Franklin qui les guide, brefs dans tous » leurs écrits, ménagers de paroles, font le » moins de livres qu'ils peuvent et ne publient guère leurs idées que dans les pamplets, » les journaux, qui, se corrigeant l'un l'autre, » amènent toute invention, toute pensée nou» velle à sa perfection. Un homme, s'il ima

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gine ou découvre quelque chose d'intéres»sant pour le public, n'en fera point un gros » ouvrage avec son nom en grosses lettres; » par Monsieur........... de l'Académie, mais un » article de journal, ou une brochure tout au

plus. Et notez ceci en passant, mal compris >> de ceux qui chez vous se mêlent d'écrire; il » n'y a point de bonne pensée qu'on ne puisse expliquer en une feuille, et déve lopper assez, qui s'étend davantage, sou>> vent ne s'entend guère, ou manque de » loisir, comme dit l'autre, pour méditer et

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» faire court.

» De la sorte, en Amérique, sans savoir ce que c'est qu'écrivain ni auteur, on écrit, on imprime, on lit autant ou plus que » nulle part ailleurs, et des choses utiles, » parce que là vraiment il y a des affaires a publiques, dont le public s'occupe avee » pleine connaissance, sur lesquelles chacun » consulté opine et donne son avis. La na

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tion, comme si elle était toujours assemblée, recueille les voix et ne cesse de déli" bérer sur chaque point d'intérêt commun, » et forme ses résolutions de l'opinion quí » prévaut dans le peuple, dans le peuple » tout entier, sans exeption aucune; c'est le » bon sens de Franklin. Aussi ne fait-elle point de bévues et se moque des cabinets, des boudoirs même peut-être.

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de

» De semblables idées dans vos pays boudoirs, ne réussiraient pas, je le crois, près des dames. Cette forme de gouverne>ment s'accommode mal des pamphets et de n la vérité naïve. Il ferait beau parler bon » sens, alléguer l'opinion publique à made» moiselle de Pisseleu, à mademoiselle Pois» son, à madame du B...., à madame du » G.... Elles éclateraient de rire les aimables » personnes en possession chez vous de gou» verner l'État, et puis feraient coffrer le bon » sens et Franklin et l'opinion. Français char>>mants! sous l'empire de la beauté, des grâ≫ces, Vous êtes un peuple courtisan, plus » que jamais maintenant. Par la révolution, » Versailles s'est fondu dans la nation; Paris » est devenu l'oeil de bœuf. Tout le monde » en France fait sa cour. C'est votre art, "l'art de plaire dont vous tenez école ; c'est » le génie de votre nation. L'Anglais navi

»gue, l'Arabe pille, le Grec se bat pour être » libre, le Français fait la révérence et sert ou » veut servir; il mourra s'il ne sert. Vous » êtes non le plus esclave, mais le plus valet » de tous les peuples.

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» C'est dans cet esprit de valetaille que chez >> vous chacun craint d'être appelé pamphlé» taire. Les maîtres n'aiment point que l'on parle au public d'eux ni de quoi que ce soit, >sottise de Rovigo qui, voulant de l'emploi, fait, au lieu d'un placet, un pamphlet, où il a beau dire, comme j'ai servi je servirai, » on ne l'écoute seulement pas, et le voilà sur le pavé. Le Vicomte pamphlétaire est placé, » mais comment ? Ceux qui l'ont mis et main « » tiennent là n'en voudraient pas chez eux. » Il faut des gens discrets dans la haute livrée, » comme dans tout service, et n'est pire va»let que celui qui raisonne: pensez donc s'il » imprime, et des brochures encore! Quand

M. de Broë vous appela pamphlétaire, c'é"tait comme s'il vous eût dit: Malheureux » qui n'auras jamais ni places ni gages, mi» sérable, tu ne seras dans aucune anticham»bre, de ta vie n'obtiendras une faveur, une grâce, un sourire officiel, ni un regard » auguste. Voilà ce qui fit frissonner et fut » cause qu'on s'éloigna de vous quand on > entendit ce mot.

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" un peu

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En France vous êtes tous honnêtes gens, > trente millions d'honnêtes gens qui voulez » gouverner le peuple par la morale et la re»ligion. Pour le gouverner on sait bien qu'il » ne faut lui dire vrai. La vérité est populaire, populace même, s'il se peut dire, » et sent tout-à-fait la canaille, étant l'antipode du bel air, diamétralement opposée >> au ton de la bonne compagnie. Ainsi le véridique auteur d'une feuille ou brochure lue a contre lui de nécessité tout ce qui ne veut pas être peuple, c'est-à-dire "tout le monde chez vous. Chacun le désale renie. S'il s'en trouve toujours » néanmoins, par une permission divine, c'est qu'il est nécessaire qu'il y ait du scandale » Mais malheur à celui par qui le scandale » arrive, qui sur quelque sujet important et » d'un intérêt général dit au public la vérité. "En France excommunié, maudit, enfermé » par faveur à Sainte-Pélagie, mieux lui vau» drait n'être pas né.

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» voue,

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N

» Mais c'est là ce qui donne créance à ces paroles, la persécution. Aucune vérité ne » s'établit sans martyrs, excepté celles qu'enseigne Euclide. On ne persuade qu'en souffrant pour ses opinions, et saint Paul di> sait: Croyez-moi, car je suis souvent en prison. S'il eût vécu à l'aise et se fût enri

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