Page images
PDF
EPUB

baptême, où il vous donna le nom de Rony qui était le sien.

Jusque-là, Monsieur, on ne voit pas grande affiliation apparente entre la famille de Rosny de Sully et la vôtre. Il se peut cependant que des renseignements plus détaillés établissent cette affinité; on ne s'y oppose pas du tout, mais on les attend.

Je sais très bien, Monsieur, et personne n'ignore qu'en signant, à dater de la restauration, du nom de Rosny, vous n'avez jamais officiellement élevé la prétention d'avoir rien de commun avec Sully; mais le public est malin, vous le savez: il a peutêtre cru voir, dans cette transformation subite d'un nom en un autre, au moment surtout où c'était une fureur de se parer de grands noms, une tendance à laquelle, sans doute, vous n'avez peut-être pas pensé. Il s'est dit par fois que, si votre but n'était pas de paraître descendant d'un grand homme, cet acte de transfiguration, quel qu'en soit le motif, devait toujours avoir pour résultat, même à votre insu et contre votre vœu, sans doute, d'attirer sur vous toute la considération due à l'antique famille de Rosny de Sully, qu'on regarde cependant comme bien étrangère à la vôtre, tant que vous ayez jugé à propos de dissiper, à cet

égard, le doute qu'a produit l'examén généa logique ci-dessus.

On se fait même encore, en Boulonnais, quelques objections que je vais vous sou

mettre.

La charge de trésorier de France dont fut honoré monsieur votre père, l'un des hommes les plus instruits du Boulonnais, apporta pour la première fois la noblesse dans sa famille, et ce toutefois, après vingt années d'exercice, comme le voulaient les réglements d'alors; mais il fallait pour cela les vingt années d'exercice, et l'on se demande encore si monsieur votre père a exercé vingt ans cette charge. Il se peut que oui, il se peut que non; la question est indécise, et l'on voudrait vous voir l'éclaircir.

Vainement, Monsieur, quelques personnes prétendent que le fief de Rony, sis à Bouillancourt en Serie, près Abbeville, s'écrit Rosny. Je trouve ce fait contesté par la manière dont ce nom est écrit dans le dossier de la rente en beurre et en argent que vous devait ma famille; je le trouve contesté par la manière dont signa toujours monsieur votre père, qui, comme je le disais tout à l'heure, et comme je me plais à le répéter, étant l'un des hommes les plus instruits du Boulonnais, se piquait sans doute de signer

correctement son nom. Je le trouve encore contesté, Monsieur, par la manière dont vous écriviez votre nom jusqu'à la restauration, et j'aime mieux penser que vous ne vous êtes trompé que dix ans, plutôt que de penser que vous vous êtes trompé vingt ans.

Voilà, Monsieur, une suite de faits, d'objections et de raisonnements qui égare ceux qui recherchent l'exactitude authentique de votre nom, comme ceux qui cherchent à s'instruire sur l'affinité ou la différence de votre famille avec celle de Maximilien de Béthune, baron de Rosny, duc de Sully. La solution de ce problème est nécessaire qui écriront désormais l'histoire du Boulonnais où vous êtes maintenant appelé à figurer un jour; et je la désire, parce que je réunis des matériaux pour ce travail, si judicieusement mené jusqu'en 1803 ou 1804 par M. Henry.

ceux

J'ai l'honneur d'être bien sincèrement,
Monsieur, votre très humble et très

obéissant serviteur,

LÉON DE CHANLAIRE,

électeur du collège du Pas de Calais.

PAMPHLET DES PAMPHLETS.

PENDANT que l'on m'interrogeait à la préfecture de police, sur mes noms, prénoms, qualités, comme vous avez pu voir dans les gazettes du temps, un homme se trouvant là sans fonctions apparentes, m'aborda familièrement, me demanda confidemment si je n'étais point auteur de certaines brochures; je m'en défendis fort. Ah! Monsieur, me dit-il, vous êtes un grand génie, vous êtes inimitable. Ce propos, mes amis, me rappela un fait historique peu connu que je vous veux conler par forme d'épisode, digression, parenthèse, comme il vous plaira; ce m'est

tout un.

Je déjeûnais chez mon camarade Duroc, logé en ce temps-là, mais depuis peu, notez, dans une vieille maison fort laide, selon moi, entre cour et jardin, où il occupait le rezde-chaussée. Nous étions à table, plusieurs, joyeux, en devoir de bien faire, quand tout coup arrive, et sans être annoncé, notre camarade Bonaparte, nouveau propriétaire de la vieille maison habitant le premier étage,

à

Il venait en voisin, et cette bonhomie nous étonna au point que pas un des convives ne savait ce qu'il faisait. On se lève, et chacun demandait Qu'y a-t-il ? Le héros nous fit rasseoir. Il n'était pas de ces camarades à qui l'on peut dire, mets-toi et mange avec nous Cela eût été bon avant l'acquisition de la vieille maison. Debout à nous regarder, ne sachant trop que dire, il allait et venait. Ce sont des artichauts dont vous déjeûnez là? Oui, général. Vous, Rapp, vous les mangez à l'huile? Oui, général. Et vous, Savary, à la sauce? moi, je les mange au sel. Ah! général, répond celui qui s'appelait alors Savary, vous êtes un grand homme; vous êtes inimitable.

Voilà mon trait d'histoire que je rapporte exprès, afin de vous faire voir, mes amis, qu'une fois on m'a traité comme Bonaparte, et par les mêmes motifs. Ce n'était pas pour rien qu'on flattait le Consul, et quand ce bon Monsieur, avec ses douces paroles, se mit à me louer si démesurément que j'en faillis perdre contenance, m'appelant homme sans égal, incomparable, inimitable, il avait son dessein, comme m'ont dit depuis des gens qui le connaissent, et voulait de moi quelque chose, pensant me louer à mes dépens. Je ne sais s'il eut contentement. Après maints dis

« PreviousContinue »