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qui avait peur que je ne revinsse pas, étant déjà embarrassée, en pensa mourir dé tristesse et du regret de sa nôce perdue. Nous empruntâmes à grosse usure, afin de faire une autre nôce quand je fus de retour, et cette fois il nous maria. Mais le soir... écoutez ceci : nous dansions gaîment sur la place: car le curé ne l'avait pas encore défendu. Monsieur le maire envoie ses gens et ses chevaux caracoler tout au travers de nos contredanses. Son valet, qui est italien, disait, en nous foulant aux pieds: Gente caudarda e vile, souffriral questoe peggio.Il prétend ce valet, que notre nation est lâche et capable de tout endurer désormais, que ces choses chez lui ne se font point. Ils ont, dit-il, dans son pays deux remèdes contre l'insolence de messieurs les maires, l'un appelé Stilettata, l'autre Schlopettata. Ce sont leurs garanties, bien meilleures, selon lui, que notre conseil-d'état. Où sclopettade manque, stilettade s'emploie, au moyen de quoi là le peuple se fait respecter., Şans cela, dit-il, le pays ne serait pas tenable. Pour moi, je ne sais ce qui en est, mais semblable recette chez nous n'étant point d'usage,, il ne me reste qu'un parti, de vendre ma besace et déloger sans bruit. Si je le rencontrais seulement, je serais un homme perdu. Il me ferait remettre en prison comme ayant outragé

le maire; il conte ce qu'il veut dans ses procès-verbaux. Les témoins au besoin ne lui manquent jamais; contre lui ne s'en trouve aucun. Déposer contre le maire en justice, qui oserait?

Si vous parlez de ceci, Monsieur, dans votre estimable journal, ne me nommez pas, je vous prie. Quelque part que je sois, il peut toujours m'atteindre. Un mot au maire du lieu, et me voilà coffré. Ces messieurs entre eux ne se refusent pas de pareils services,

Je suis, Monsieur, etc.

Nota. En faveur de nos abonnés de la ville de Paris surtout, qui ne savent pas ce que c'est qu'un maire de village, nous publions cette lettre avec les précautions requises loutefois pour assurer l'incognito à notre bon correspondant. Tout Paris s'imagine qu'aux champs on vit heureux du lait de ses brebis, en les menant paître sous la garde, non des chiens seulement, mais des lois. Par malheur, il n'y a de lois qu'à Paris. Il vaut mieux être l'à ennemi déclaré des ministres, des grands. qu'ici ne pas plaire à monsieur le maire.

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PIÈCE DIPLOMATIQUE,

EXTRAITE

DES JOURNAUX ANGLAIS.

(On l'a dit envoyée de Cadix à M. CANNING, par un de ses agents secrets, qui l'aurait eue d'un valet de chambre, qui l'aurait trouvée dans les poches de sa MAJESTÉ CathoLIQUE,)

No 5.

A MON FRÈRE LE ROI D'ESPAGNE,

J'AI reçu la vôtre, mon frère ou mon Cousin, puisque nous sommes issus de germains. Vous voilà bientôt, grâce au ciel, hors des mains de vos rebelles sujets, dont je me réjouis avec vous comme parent, voisin et ami, entièrement de votre avis d'ailleurs sur notre autorité légitime et sacrée. Nous ré gnons de par Dieu qui nous donne les peuples, et nous ne devons compte de nos actes qu'à Dieu, ou aux prêtres, cela s'entend.

J'y ajoute, comme conséquence également indubitable, qu'il ne nous faut jamais recevoir la loi des sujets; jamais composer avec eux, ou du moins nous croire engagés par de telles compositions vaines et nulles de droit divin. C'est aux personnes de notre rang le dernier degré d'abaissement, que promettre aux sujets et leur tenir parole, comme a très bien dit Louis XIV, notre aïeul, de glorieuse mémoire, qui savait son métier de roi. Sous lui, on ne vit point les Français murmurer, quelque faix qu'il leur imposât, en quelque misère qu'il les pût réduire, pas un d'eux ne souffła mot, lui vivant. Pour ses guerres, ses maîtresses, pour bâtir ses palais, il prit leur dernier sou; c'est régn er que cela. Charles II d'Angleterre fit de même àpeu-près; comme nous, rétabli après vingt ans d'exil et la mort de son père, il déclara hautement qu'il aimait mieux se soumettre à un roi étranger, ennemi de sa nation,`que de compter avec elle, ou de la consulter sur les affaires de l'état ; sentiments élevés et dignes de son sang, de son nom, de son rang. Moi, qui vous écris ceci, mon Cousin, je serais le plus grand roi de l'Europe, si j'eusse voulu seulement m'entendre avec mon peuple. Rien n'était si facile. Me préserve le ciel d'une telle bassesse! j'obéis au congrès, aux

princes, aux cabinets, et en reçois des ordres souvent embarrassants, toujours fort insolents; j'obéis néanmoins. Mais ce que veut mon peuple et que je lui promis, je n'en fais rien du tout, tant j'ai de fierté dans l'âme et l'orgueil de ma race. Gardons-la, mon Cousin, cette noble fierté à l'égard des sujets, conservons chèrement nos vieilles prérogatives; gouvernons, à l'exemple de nos prédécesseurs, sans écouter jamais que nos valets, nos maîtresses, nos favoris, nos prê tres; c'est l'honneur de la couronne; quoi qu'il puisse arriver, périssent les nations plutôt que le droit divin.

Là-dessus, mon cousin, j'entre comme vous voyez, dans tous vos sentiments, et prie Dieu qu'il vous y maintienne, mais je ne puis approuver de mêine votre répugnance pour ce genre de gouvernement qu'on a nommé représentatif, et que j'appelle moi récréatif, n'y ayant rien que je sache au monde, si divertissant pour un roi, sans parler de l'utilité non petite qui nous en revient. J'aime l'absolu, mais ceci..... pour le produit, ceci vaut mieux. Je n'en fais nulle comparaison et le préfère de beaucoup. Le représentatif me convient à merveille, pourvu toutefois que ce soit moi qui nomme les députés du peuple, comme nous l'avons établi

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