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sus le marché, en achetant Beauregard, voisin de la Bourdaisière.

On aura trente arpents de terre, vigne et pré, grande propriété sur nos rives du Cher, où tout est divisé, où se trouvent à peine deux arpents d'un tenant, susceptibles d'ailleurs de beaucoup augmenter en valeur ou en étendue, selon les chances de la guerre qui se fait maintenant en Espa gne. Car si le Trapiste là-bas met l'inquisition à la place de la constitution, Beau regard aussitôt redevient ce qu'il était jadis, fief, terre seigneuriale, étant bâti pour cela. Souro, tourelles, colombier, girouette, rien ni manque. Vol du chapon, jambage, cuissage, etc., nous en avons les titres. Par le triomphe du Trapiste et le retour du bon régime, la petite culture disparaît, le seigneur de Beauregard s'arrondit et s'étend, soit en achetant à bas prix les terres que le vilain ne peut plus cultiver, soit en le plaidant à Paris devant messieurs de la GrandChambre, tous parents ou amis des possesseurs de fiefs, soit par voie de confiscation ou autres moyens inventés et pratiqués du temps des mœurs. Toute la varenne de Beauregard, si Dieu favorise Don Antonio Maragnon, tout ce qui est maintenant plantation, vigne, verger, clos, jardin, pépinière, se

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convertit en noble langue et pays de chasse à la grande bête, seigneurie de trois mille arpens, pouvant produire par an quinze cents livres tournois, et ne payant nul im pôt. Beauregard gagne en domaines, mouvances, droits seigneuriaux, par la contrerévolution.

Si Sa révérence, au contraire, était mal menée en Espagne, et pendue, ce qu'à Dieu ne plaise, Beauregard alors est et demeure maison, terre de vilain et à ce titre paie l'impôt mais la petite culture continuant sous le régime de la révolution, par le partage des héritages et le progrès de l'industrie, nos trente arpents haussent en valeur, croissent en produits tous les ans, et quelque jour peuvent rapporter trois, quatre, cinq et six mille francs que bon nombre de gens préfèrent à quinze cents livres tournois, tout en regrettant peutêtre les droits honorifiques et les mille arpents de chasse au loup. En somme, il n'y a point de meilleur placement, plus profitable ni plus sûr, quoi qu'il puisse arriver; car enfin si faut-il que le Trapiste batte ou spit battu. Dans les deux cas, Beauregard est bon et le devient encore davantage.

Pour plus amples renseignements, s'adresser à Paul-Louis, vigneron,, demeurant près.

ladite maison, ou château, selon qu'il en ira de la conquête des Espagnes.

Au rédacteur de la GAZETTE DỤ VILLAGE.
MONSIEUR,

Je suis....malheureux; j'ai fâché monsieur le maire; il me faut vendre tout et quitter le pays. C'est fait de moi, Monsieur, si je ne pars bientôt.

Un dimanche, l'an passé, après la Pentecôte, en ce temps-ci justement, il chassait aux cailles dans mon pré, l'herbe haute, prête à faucher et si belle!.... C'était pitié. Moi, voyant ce ménage, Monsieur, mon herbe confondue, perdue, je ne dis mot, et pourtant il m'en faisait grand mal; mais je me souvenais de Christophe, quand le maire lui prit sa fille unique, et au bout dej huit jours la lui rendit gâtée. Je le fus voir alors: si j'étais de toi, Christophe, ma foi je me plaindrais, lui dis-je. Ah! me dit-il, n'est-ce pas monsieur le maire? Pot de fer et pot de terre...il avait grand raison; car il ne fait point bon cosser avec de telles gens, et j'en sais des nouvelles. Me souvenant de ce mot, je regardais et laissais monsieur le maire, fouler, fourrager tout mon pré, com

me eussent pu faire douze ou quinze san➡ gliers, quand de fortune passent Pierre Houry d'Azai, Louis Bezard et sa femme, Jean Proust, la petite Bodin, allant à l'assemblée. Pierre s'arrête, rit, et en gaussant me dit: La voilà bonne ton herbe; vends-la moi, Nicolas; je t'en donne dix sous et tu me la faucheras. Moi, piqué, je réponds : gageons que je vas lui dire!... Quoi ! Gageons que j'y vas. Bouteille, me dit-il, que tu n'y vas pas. Bouteille? je lui tappe dans la main. Bouteille chez Panvert, aux Portes de fer. Va, je pars tenant mon chapeau, j'aborde monsieur le maire. Monsieur, lui dis-je, monsieur; cela n'est pas bien à vous; non, cela n'est pas bien. Je gagnai la bouteille ainsi, je me perdis, je fus ruiné dès l'heure.

Ce qui plus lui fâchait, c'était sa compagnie, ces deux messieurs, et tous les passants regardant. Monsieur le maire est gentilhomme par sa femme née demoiselle. Voilà pourquoi il nous tutoie et rudoie nous. autres paysans, gens de peu, bons amis pourtant de feu son père. Il semble toujours avoir peur qu'on ne le prenne pour un de nous. S'il était noble de son chef, nous le trouverions accostable. Les nobles d'origine sont moins fiers, nous accueillent au con-.

traire', nous caressent, et ne haïssent guères qu'une sorte de gens, les vilains ennoblis, enrichis, parvenus.

Il ne répondit mot et poursuivit sa chasse. Le lendemain on m'assigne comme ayant outragé le maire dans ses fonctions; on me met en prison deux mois, Monsieur, deux mois dans le temps des récoltes, au fort de nos travaux! Hors de là, je pensais reprendre ma charrue. Il me fait un procès pour un fossé, disant que ce fossé, au lieu d'être sur mon terrain, était sur le chemin. Je perdis encore un mois à suivre ce procès que je gagnai vraiment; mais je payai les frais. Il m'a fait cinq procès pareils, dont j'ai perdu trois, gagné deux; mais je paie toujours les frais. Il s'en va temps, Monsieur, il est grand temps. que je parte.

Quand j'épousai Lise Baillet, il me joua d'un autre tour. Le jour convenu, à l'heure dite, nous arrivons pour nous marier à la chambre de la commune. Il s'avise alors que mes papiers n'étaient pas en règle, n'en ayant rien dit jusque-là, et cependant la noce prête, tout le voisinage paré, trois veaux, trente-six moutons tués,..... il nous en coûta nos épargnes de plus de dix ans. Qu'y faire?Il me fallut renvoyer les conviés et m'en aller à Nantes quérir d'autres papiers, Ma fiancée,

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