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Mais il a un peu l'air de se réjouir par ordre, par devoir, par état, et on lui dirait presque comme le président disait à Paul-Louis Sont-ce là les pensées qu'a pu vous inspirer la royale naissance? Est-ce ainsi que le cœur parle ? une si triste joie, un hymne si lugubre, sont plus suspects que le silence. Ne poussons pas trop cet argument, de peur d'embarrasser le pauvre magistrat. Car il ne faudrait rien pour faire de son allégresse une belle et bonne offense à la morale publique, et même à la personne du prince, s'il est vrai

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Déshonore à-la-fois le héros et l'auteur. Abrégeons son discours, au risque de donner quelque force à ses raisons, en les présentant réunies. Voici ce notable discours, brièvement, compendieusement traduit de baragoin en français, comme dit Panurge.

Il commence par son commencement. Čar on assure qu'il n'en a qu'un pour toutes les causes de ce genre: le duc de Berry est mort; le duc de Bordeaux est né. On a voulu offrir Chambord au jeune prince. Éloge de Chambord et de la souscription.

A cet exorde déjà long, et qui remplirait plusieurs pages, il en fait succéder un autre

non moins long, pour fixer, dit-il, le terrain, c'est-à-dire le point de la question, comme on parle communément.

Il ne s'agit pas d'un impôt dans la souscription proposée pour l'acquisition de Chambord, et le mot même indique un acte volontaire. De quoi donc s'avise Paul-Louis de contrarier la souscription, qui ne l'oblige point, ne lui coûtera rien? C'est fort mal fait a lui. Cela le déshonore. Vous ne voulez pas souscrire? eh bien, ne souscrivez pas. Qui vous force? Un moment, de grâce entendons-nous M. l'avocat-général. Je ne souscrirai pas, sans doute, si je ne veux; car je n'ai point d'emploi, de place qu'on me puisse ôter. Je ne cours aucun risque, en ne souscrivant pas, d'être destitué. Mais je paierai pourtant, si ma commune souscrit ; je paieraí malgré moi, si mon maire veut faire sa cour à mes dépens. Et quand je dis doucement: je ne veux pas payer, vous, monsieur de Broë, vous criez en prison, ajoutant que je suis maître, qu'il dépend bien de moi, que la souscription est toute volontaire, que ce n'est pas un impôt. Comment l'entendez-vous?

Or, cette pensée noble, cette récompense noble, cette souscription noble et libre, comme on voit, l'auteur entreprend de l'arrêter. Il veut empêcher de souscrire les gens qui en

seraient tentés, paralyser l'élan, glacer l'élan des coeurs un peu plus généreux que le sien, tandis que maître Jean, par de nobles discours, chauffe l'élan des cours. Mais ne le copions pas ; j'ai promis de le traduire, et de l'abréger surtout, afin qu'on puisse le lire.

Voilà l'objet de la brochure. Elle est écrite contre l'élan, et on ne saurait s'y méprendre. Puis il y a des accessoires, des diatribes contre les rois, les prêtres et les nobles.

Il est vrai que l'auteur ne parle pas des prêtres, ou n'en dit qu'un seul mot bien simple, et que partout il loue les princes. Mais ce sont des parachûtes. Il ne pense pas ce qu'il dit des princes, et pense ce qu'il ne dit pas des prêtres.

Deux remarques ensuite: 1°. L'auteur ne s'afflige point de la mort du duc de Berry, ne se réjouit point de la naissance du duc de Bordeaux. Il n'a pas dit un mot de mort ni de naissance. Il n'y a ni allégresse ni désolation dans sa brochure. 2°. L'auteur parle du jeune prince comme d'un enfant à la mamelle. If dit le maillot, simplement, sans dire l'auguste maillot; la bavette, et non pas la royale bavette. Il dit, chose horrible, de ce prince, qu'un jour son métier sera de régner.

Après s'être étendu beaucoup sur tous ces

points, maître de Broë déclare enfin qu'il ne s'agit pas de tout cela. Ce n'est pas là-dessus que porte l'accusation, dit-il. On n'attaque pas le fond de la brochure, ni même les accessoires dont nous venons de parler mais des propositions incidentes seulement. Là-dessus il s'écrie : Voilà le terrain fixé. Puis il entame un autre exorde.

Dans les affaires de cette nature, on n'examine que les passages déterminés suivant la loi par l'acte même d'accusation. Or, il y en a quatre ici.

La loi est fort insuffisante. Les écrivains sont si adroits, qu'ils échappent souvent au procureur du roi. Il faut leur appliquer, d'une manière frappante, la loi (style de Broë). La liberté d'écrire jouit de tous ses droits; elle est libre (Broë tout pur), bien qu'elle aille en prison quelquefois. Elle enjambe sur la licence (Broë! Broë!) par l'excessive indulgence des magistrats.

On avait d'abord essayé, dans le premier réquisitoire, d'accuser l'auteur de cet écrit d'offense à la personne du roi. On y a renoncé par réflexion.

Vient enfin l'examen des passages inculpés, dont le premier est celui-ci :

<< Car la cour donne tout au prince, comme » les prêtres tout à Dieu, et ces domaines,

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ces apanages, ces listes civiles, ces budgets » ne sont guères autrement pour le roi que » le revenu des abbayes n'est pour Jésus» Christ. Achetez, donnez Chambord, c'est » la cour qui le mangera, le prince n'en sera » ni pis ni mieux. »

Les prêtres tout à Dieu ! Ah! oui, demandez aux pauvres. Tirade d'éloquence. Les abbayes! Oh! non. Il n'y a plus d'abbayes. Tirade de haút style sur la révolution. De morale, pas un mot, ni des phrases inculpées. Le second

passage est celui-ci :

<< Mais à Chambord, qu'apprendra-t-il? Ce » que peuvent enseigner et Chambord et la » cour. Là, tout est plein de ses aïeux. Pour >> cela précisément je ne l'y trouve pas bien; » et j'aimerais mieux qu'il vécût avec nous qu'avec ses ancêtres..... »

"

Maître de Broë n'examine point non plus ce passage, ni ce qu'il peut avoir de contraire à la morale. Il le cite et le laisse-là, sans autrement s'en occuper. Mais, dit-il, ensuite de ces phrases, il y en a d'autres horribles. Il ne les lira pas, parce qu'il n'en est point parlé dans l'acte d'accusation. Cependant elles sont horribles. Beau mouvement d'éloquence à propos de ces phrases, dont il n'est pas question et qu'on n'accuse pas. L'auteur, dit maî

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