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Perses, mêmement qu'il avait plusieurs fois déclaré que Smerdis fils de Cyrus vivait, et se défendait de l'avoir tué. Prexaspès dit que volontiers, et les mages alors ayant convoqué les Perses, le firent monter sur une tour, et là lui dirent de parler; mais lui, ce qu'il avait promis de dire, il l'oublia exprès, et commençant d'Achéménès, conta toute la descendance de la race de Cyrus, puis arrivé à lui, finit en remémorant les grands biens que Cyrus avait faits aux Perses, et ayant narré toutes ces choses, il déclara la vérité que jusqu'alors il dit avoir tenue cachée, ne voyant pas sûreté pour lui à confesser le fait comme il était allé, mais qu'à l'heure présente force lui était de tout dire, et dit que, contraint par Cambyse, il avait lui-même tué Smerdis fils de Cyrus et que c'étaient les mages qui régnaient; et après de grandes imprécations qu'il prononça contre les Perses, s'ils ne recouvraient l'empire et ne punissaient les mages, il se précipite de la tour. Prexaspès donc ayant été homme de bien toute sa vie, ainsi mourut.

Cependant les sept, délibérés d'attaquer aussitôt le mage, sans davantage demeurer, leur prière aux dieux faite, marchèrent, ne sachant rien de Prexaspès. Déjà ils étaient à mi-chemin, quand ils eurent nouvelle du

fait de Prexaspès, sur quoi se tirant à l'écart, ils furent partagés d'avis, les amis d'Otanès voulant remettre l'exécution, ne bouger en cet état de choses; ceux de Darius poursuivre et ne point différer. Tandis qu'ils débattaient entre eux, sept couples d'éperviers parurent, lesquels donnaient la chasse à deux couples de vautours, les plumaient et griffaient en l'air; ce que voyant, tous d'une voix approuvèrent l'avis de Darius, et sur un tel présage marchèrent au palais. A l'entrée, leur avint ce qu'avait pensé Darius, à savoir que les gardes leur portant révérence comme aux premiers des Perses, de qui on n'eût jamais soupçonné rien de pareil, les laissèrent passer, non sans l'ordre des dieux, ainsi qu'il est à croire, et nul ne leur dit mot. Venus dans la cour, ils trouvèrent les eunu⚫ ques chargés d'annoncer; ceux-là s'enquirent de ce qu'ils voulaient et parmi telle enquête querellaient la garde les avoir laissés entrer. Aucuns se mirent en devoir de les empêcher de passer outre; mais eux s'encourageant l'un l'autre et tirant la dague, en donnèrent à qui les voulut retenir, et tout d'un temps coururent à la salle des hommes. Les deux mages y étaient pour l'heure à délibérer touchant le fait de Prexaspès, lesquels comme ils ouïrent le tumulte et les cris que pous

saient les eunuques, s'en recourent dehors et voyant ce qui se passait, se voulurent mettre en défense. L'un d'abord prend son arc, l'autre saisit une pique; ils en vinrent aux mains: celui qui avait l'arc, l'ennemi étant près, quasi sur lui, ne s'en put aider; l'autre combattait de sa pique et blesse d'un coup à la cuisse Aspatine, d'un second Intaplerne à l'oeil; même Intapherne en per dit l'œil, mais ne mourut pas de cette blessure. L'un des mages donc blesse ces deux; l'autre, comme son arc ne lui servit de rien (il y avait une chambre à coucher qui donnait dans la salle des hommes), là se sauve et fermait la porte; mais deux des sept l'enfoncent et entrent avec lui, Darius et Gobryas, lequel Gobryas étant aux prises avec le mage, Darius dans l'obscurité ne savait comment faire de peur de frapper Gobryas. Celui-ci le voyant n'agir point, lui demande qui l'empêchait; crainte de te frapper, dit-il; à quoi lui aussitôt repart: Dague, dusses-tu tuer les deux. Adonc Darius pousse sa dague, et d'aventure n'atteignit que le mage seul.

Ayant de la sorte tué les mages, puis coupé leurs têtes, ils laissent là leurs propres blessés, autant comme hors d'état de marcher qu'afin de garder la citadelle; et les cinq

autres courent dehors, les têtes de mages à la main, faisant des cris, menant grand bruit. Ils appelaient tous les Perses et leur contaient l'affaire, montrant ces têtes et én même temps tuaient tous les mages qu'ils rencontraient. Les Perses entendant et la tromperie des mages et ce qu'avaient fait les sept, en voulurent de leur part autant faire, et à coups de dague tuaient des mages tout ce qu'ils en purent trouver; et si la nuit n'y eût mis fin, pas un seul n'en fût échappé. Les Perses célèbrent ce jour publiquement plus qu'aucun jour, et en ont fait une grande fête qu'ils appellent magophonie, durant laquelle il n'est permis à nul mage de se montrer dehors, mais tous les mages ce jour-là se tiennent clos en leurs maisons.

Le tumulte apaisé, au bout de dix jours ceux qui s'étaient soulevés contre le mage, délibérèrent entre eux; et là furent dits des discours que bien des Grecs ne pourront croire, et furent dits néanmoins. Otan ès était d'opinion de mettre en commun les affaires, disant ainsi :.« M'est avis que nous ne devons avoir un monarque tout seul, chose qui n'est de soi plaisante ni utile. Vous savez jusqu'où se porta l'insolence de Cambyse, et avez expérimenté par vous-même celle du mage. Comment serait la monarchie

une bonne et sage police, sous laquelle un fait ce qu'il veut et ne rer compte ni raison? Le plus homme de bien du monde, qu'on le place en telle autorité, c'est le mettre hors du sens commun. Car insolence en lui s'engendre des biens dont il jouit, et d'autre part envie est dans l'homme par nature, lesquelles deux choses ayant, il a toute malice et vice, Car beaucoup d'actes détestables il les commet par insolence et beaucoup d'autres par envie, et ainsi ne laisse mal à faire. Le tyran qui possède tout doit, ce semble, ignorer l'envie, et pourtant le contraire avient. Car à l'égard des citoyens, il est jaloux des bons et les haït tant qu'ils vivent, caresse les méchants, accueille la calomnie, et chose de toutes la plus bizarre, qui le loue modérément, il s'en fâche et l'impute à manque de respect; qui lui veut complaire, il s'en fâche comme la flatterie intéressée. Encore est-ce peu s'il ne remue les antiques lois, force les femmes, tue sans jugement. Peuple au contraire gouvernant a le plus beau de tous les noms, Isonomie, et ne s'y fait rien de ce qu'on voit dans la monarchie. Les magistratures sont au sort; chacun rend compte de sa charge et en répond.Les déterminations se prennent en commun. J'opine donc à ce que laissant la

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