Page images
PDF
EPUB

donc est celui des Perses qui se rebelle contre moi, usurpant le nom de Smerdis? » lui à cela repart : « Je pense deviner, გ roi, ce qui se passe; les révoltés, ce sont les mages, celui que tu laissas gouverneur de ta maison et son frère Smerdis. »

Alors que Cambyse entendit le nom de Smerdis, lors le frappa la vérité, tant de ce discours que du songe où il avait cru recevoir nouvelles de Smerdis assis sur le siége royal, et qui de sa tête touchait le ciel. Connaissant donc que sans raison il avait fait mourir son frère, il pleura Smerdis, et le pleurant, se déconfortant du malheur de toute cette aventure, il saute sur son cheval en délibération de marcher promptement contre le mage à Suses; et comme il sauta sur le cheval, du fourreau de son sabre tombe le champignon, le sabre nud le blesse à la cuisse; ainsi atteint au même endroit où il avait blessé le dieu d'Egypte Apis, sentant sa plaie mortelle, s'enquit comment s'appelait la ville : on lui dit Ecbatane. Un oracle jadis lui était venu de Buto, qu'il finirait sa vie à Ecbatane, pourquoi il pensait devoir mourir vieux à Ecbatane en Médie, où étaient toutes ses affaires; mais alors on vit bien que l'oracle entendait Ecbatane de Syrie; et comme Cam

byse eut appris le nom de la ville où il était, l'aventure du mage et sa blessure l'ayant étonné vivement, sa raison s'en trouva remise, et comprenant la prédiction, il dit : « Ici s'en va mourir Cambyse fils de Cyrus. » Ce fut tout pour lors, mais au bout de quelque vingt jours, ayant mandé près de lui tous les plus apparents des Perses, il leur dit:

« Force m'est à cette heure, ô Perses, de déclarer devant vous la chose que plus je voulois tenir cachée; car étant en Égypte, j'eus en songe une vision, cause de notre malheur; il me fut avis que je voyais un messager venu de chez moi, m'annoncer que Smerdis assis sur le siége royal, touchait de sa tête le ciel; pourquoi appréhendant que mon frère ne m'otât l'empire, je fis plus vite que sagement. Aussi ne peut l'humaine faiblesse détourner le mal à venir. Insensé lors, j'envoie à Suses Prexaspès tuer Smerdis, et après un si grand méfait, je vivais sans peur, ne pensant pas que jamais personne, lui mort, se pût soulever contre moi; mais ayant failli à comprendre ce qui m'était prédit, je fus mal a propos meurtrier de mon frère et n'en perds pas moins mon empire; car c'était le mage Smerdis que la divinité me montrait dans cette vision se devoir contre moi rebeller. La chose est faite toutefois, et comptez que vous n'avez

2

plus le fils de Cyrus, Smerdis; mais ce sont les mages qui règnent, c'est un que je laissai gouverneur de ma maison, et son frère Smerdis. Celui qui maintenant saurait les punir et venger ma honte, a misérablement péri par ses plus proches! lui n'étant plus, ceci me reste à vous recommander, ô Perses chose nécessaire et que je veux qui s'exécute après ma mort je vous l'enjoins exprès au nom des dieux royaux, à vous tous, et à ceux surtout des Achéménides qui se trouvent ici présents; ne laissez pas la souveraineté retourner aux Mèdes ; que s'ils l'ont usurpée par-ruse, il faut par ruse la leur ôter, ou si la force les soutient, force plus grande les doit abattre. Faites ces choses, et ainsi puisse la terre vous donner tous ses fruits, vos femvos brebis engendrer, vous étant libres à jamais; que si vous ne reprenez l'empire ou n'y faites du moins vos efforts, je vous yeux et voue le contraire de tous ces biens: et davantage que puissent avoir tous les Perses, une fin pareille à la mienne. »

mes,

Cambyse en disant ces paroles, déplorait son sort, et les Perses, quand ils virent le roi pleurer, se mirent tous à déchirer ce qu'ils avaient sur eux d'habits, et se lamenter sans mesure. Ensuite l'os s'étant carié, la cuisse fut tantôt pourrie et le mal emporta

Cambyse fils de Cyrus, après un règne de sept ans et cinq mois en tout, n'ayant lignée d'enfants ni mâle ni femelle. Les Perses là présents entrèrent en méfiance, et doutaient que vraiment les mages fussent devenus maîtres des affaires, soupçonnant Cambyse de dire à mauvais dessein ce qu'il disait de la mort de Smerdis, pour soulever contre lui la Perse. Eux tous tenaient pour assuré que c'était Smerdis fils de Cyrus qui se déclarait roi; car Prexaspès niait fortement avoir tué Smerdis, car il n'eût pas fait sûr pour lui, Cambyse mort, de confesser que le fils de Cyrus avait péri de sa main.

[ocr errors]

Le mage donc après que Cambyse fut mort, régna paisiblement, profitant du nom qu'il avait le même que Smerdis fils de Cyrus pendant les sept mois qui restaient à remplir les huit ans de Cambyse, durant lesquels il fit tant de bien, qu'à sa mort tout le monde en Asie le regretta, hormis les Perses; car envoyant de tous côtés aux nations qu'il gouvernait, il publia une exemption de milice et d'impôts pour trois ans : le mage fit cette publication aussitôt son avènement, mais il fut au huitième mois reconnu en cette manière.

Otanès était fils de Pharnaspèse, par sa naissance et ses richesses égal aux plus grands

de la Perse. Le premier de tous, cet Otanès soupçonna Smerdis de n'être pas le fils de Cyrus, mais bien celui qui était de fait, re marquant qu'il ne sortait point de la citadelle, ni jamais n'appelait à le voir aucun des nota bles Persans. Sur ce soupçon voici qu'il fit: une fille à lui, nommée Phédyme, avait été femme de Cambyse, et lors était au mage qui vivait avec elle, comme aussi avec toutes les femmes de Cambyse; Otanès envoyant devers cette sienne fille, lui fit demander près de qui elle couchait coutumièrement, si c'était Smerdis fils de Cyrus, ou quelqu'autre. Elle lui envoya disant qu'elle ne savait, n'avait oncques vu le fils de Cyrus, ni lors ne connaissait qui était son mari. Le père, par un autre message lui repart: Si tu ne connais Smerdis fils de Cyrus, sache d'Atossa quel est l'homme avec qui toutes deux vous demeurez, elle et toi, car sans faute elle connaît son frère. A cela sa fille renvoie : Je ne puis ni voir Atossa, ni parler à nulle des femmes qui sont enfermées quant et moi; car cet homme-ci, quel qu'il soit, dès le premier moment qu'il prit la royauté, nous dispersa logeant l'une ici, l'autre là. Cette réponse ouïe, Otanès dès-lors comprit ce que c'était, et devers elle envoie un troisième message, disant ainsi : Comme bien née, tu dois, ma

« PreviousContinue »