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biter avec leurs soeurs. Cambyse aimait une de ses sœurs et la voulant avoir à femme comme il pensa que c'était chose contraire à Pusage, fit appeler les juges royaux pour savoir d'eux s'il y avait point une loi qui permît au frère d'épouser sa sœur. Les juges royaux sont gens choisis, qui, leur vie durant, hors qu'ils soient convaincus de quelque iniquité, rendent la justice aux Perses et interprètent les lois, et toute affaire vient à eux. Interrogés lors par Cambyse, ils lui firent une réponse juste et sans danger pour eux-mêmes, disant n'y avoir point de loi qui autorisât le mariage entre frère et sœur, mais bien une loi par laquelle il est permis au roi de faire ce qu'il veut. Voilà comment ils évitèrent d'enfreindre la loi pour Cambyse, et eux-mêmes, pour ne pas mourir s'ils eussent défendu la loi, en trouvèrent une favo. rable au roi voulant pour femme sa sœur. Ainsi Cambyse eut en mariage celle qu'il aimait, et peu après il épousa encore une autre sœur à lui. La plus jeune des deux fut celle qu'il tua en Égypte, ce qu'on raconte en deux manières, comme la mort de Smerdis. Car les grecs disent que Cambyse un jour faisait combattre ensemble un lionceau et un jeune levron, étant cette sienne femme et soeur à les regarder avec lui, et que comme le chien

se trouvait le plus faible, un autre jeune chien frère de ce levron accourut à son aide, rompant le lien qui l'attachait : au moyen de quoi le lionceau fut vaincu par les deux levrons; que Cambyse prenait plaisir à voir ce combat; mais elle assise près de lui pleurait, dont s'étant aperçu Cambyse lui en demanda la cause, et elle dit qu'en voyant ce chien secourir et venger son frère, il lui souvenait de Smerdis: qu'il n'y aurait nul qui jamais le voulût venger. C'est le récit des Grecs et que pour cette parole Cambyse la fit mou-" rir; mais les Égyptiens racontent autrement qu'eux deux étant à table assis, elle prit une laitue dont elle ôtait les feuilles une à une, lui demandant comment il la trouvait plus belle, ou dégarnie, ou bien feuillue, à quoi il répondit feuillue. Lors elle : « Ainsi fais-tu de la maison de Cyrus que tu vas, dit-elle, effeuillant tout comme moi cette laitue; » dont, Cambyse irrité lui sautant sur le ventre comme elle était grosse d'enfant, la fit avor

ter et mourir.

Tels actes furieux fit Cambyse à l'encontre de ses proches, soit vengeance d'Apis, soit autre cause qu'il y eût, étant nature comme elle est sujette à tant de maux. Aussi avait-il, ce dit-on, de naissance une grande maladie que quelques-uns nomment sacrée. Partant

ne se faut étonner qu'éprouvant en son corps si griève souffrance, il n'eût pas l'esprit sain. Autres actes pareils furent par lui commis envers les Perses, On raconte qu'un jour il dit à Prexaspès, qui près de lui était le plus considéré, portait ses ordres, même avait son fils échanson de Cambyse, charge non des moindres aussi; un jour il lui dit: « Prexaspès, que dit-on de moi et quel homme pensent les Perses que je sois? Maître, répondit Prexaspès, de toutes choses ils te louent, si ce n'est qu'ils te croient trop adonné au vin. » Qu'il dit cela comme un langage que tenaient les Perses, à quoi l'autre en courroux repart « Les Perses donc me disent trop adonné au vin; ils me croient insensé, privé de jugement et par ainsi leur premier dire ne fut pas véritable. » De fait Cambyse aupara vant, en un conseil où assistait Crésus avec les Perses, ayant demandé quel homme il leur paraissait être au prix de son père Cyrus, par les Perses fut répondu qu'il valait bien plus que son père, ayant tout ce qu'il avait eu, et l'Egypte encore et la mer. Voilà ce que dirent les Perses; mais Crésus fut mal satisfait de cette réponse, et prenant la parole, dit: «Je ne trouve pas, fils de Cyrus, que tu sois égal à ton père, car il te manque un fils tel qu'il a laissé toi. Lequel propos plut à Cam

byse, qui loua la réponse de Crésus ; et qu'en colère alors, remémorant ces choses, il dit à Proxaspès: «Tu vas tout à l'heure connaître s'ils disent vrai les Perses, ou sì, parlant ainsi, ce sont eux au contraire qui ont perdu le sens; car avec ce trait si je frappe au milieu du cœur de ton fils que voilà là bas devant ma porte, les Perses sans doute sont menteurs. Ŝi je faux, dis qu'ils ont raison, et que je ne sais ce que je fais, » Cela dit, il tend son arc et du trait frappe l'enfant; lequel étant tombé, il commanda de l'ouvrir et regarder le coup, et qu'en effet le fer était au milieu du cœur. Sur quoi transporté d'aise et s'éclatant de rire, il dit au père: « Tu le vois, Prexaspès, je ne suis pas fou, Si sont et ne savent ce qu'ils disent; mais toi, vis-tu jamais, dis-moi, archer aussi sûr comme je suis. » Et que Prexaspès le voyant du tout hors de sens, davantage craignant pour soi, répondit: « Maître, le dieu même ne tirerait pas plus juste.

eux,

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C'était là ses œuvres alors. En une autre occasion, il fit sans nulle valable raison enterrer vifs par-dessus la tête douze des premiers personnages qui fussent en toute la Perse. Sur ces actions Crésus de Ly die le crut devoir admonester de telles paroles: « O roi, ne te laisse emporter à chaude colère de jeu

nesse, mais plutôt tâche à te modérer, Prévoyance en tout vaut sagesse, et n'est chose en quoi ne se doive regarder la fin, Tu fais. mourir sans nulle raison gens de ton pays et enfants; mais si tu agis de la sorte, garde que les Perses un jour ne se bandent contre toi. Ainsi m'a enchargé ton père et recommandé de t'aviser et admonester pour ton bien. Voilà comme il le conseillait par amitié qu'il lui portait; mais l'autre répond en ces mots: « Tu m'oses donner des conseils, comme de. vrai tu as bien gouverné ton pays et sagement guidé mon père, quand tu le fis passer l'Araxe pour aller aux Massagètes, sur le point qu'eux youlaient passer et venir à nous. Tu t'es perdu, n'ayant pas su régir ton pays, et as perdu Cyrus aussi, qui te crut lors, mais à ton dam; car voici venue l'occasion que je cherchais de t'en punir. » Ce disant, il prenait son arc pour le percer, mais Crésus se sauva de vitesse dehors, et lui ne le pouvant darder, dit à ses seviteurs de le prendre et le tuer. Les serviteurs, comme ils connaissaient son humeur, cachent Crésus en telle intention que si Gambyse se repentait et redemandait Crésus, eux le lui rendant, en auraient quelque récompense, pour avoir sauvé Crésus, que s'il ne se repentait, ni le regrettait, ils le feraient mourir. Peu après avint que

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