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Courier, Je réponds à vos questions, M. le président. Sans madame de Maintenon, les Noailles...

Le président. On ne vous demande pas ces détails historiques."

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Courier. La prostitution, M. le président ; toujours la prostitution.

Le président. Les faveurs de la cour s'obtiennent sur le champ de bataille, par des services....

Courier. Par les femmes, M. le président. Le président. Votre décoration de la Légion d'Honneur l'avez-vous donc eue par les

femmes ?

Courier. Ce n'est pas une faveur, et je n'ai pas fait fortune il s'agit des fortunes. Je n'ai jamais eu rien de commun avec la cour et puis je ne suis pas noble.

Le président. Vous avez la noblesse personnelle, vous êtes noble.

Courier. J'en doute, M. le président, permettez-moi de vous le dire; je doute fort que je sois noble. Mais enfin, je veux bien m'en rapporter à vous.

(A chaque réponse de l'accusé il s'élevait dans l'assemblée un murmure qui peu à peu se changeait en applaudissements. L'avocat-général crut devoir mettre ordre à cela. M. le président, dit-il, ce bruit est contraire à la loi.)

Le président. Messieurs, point d'applaudissements. Vous n'êtes pas au spectacle. Je ferai sortir d'ici tous les perturbateurs. Prévenu, vous avez dit que rait Chambord.

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la cour mange

Courier. Oui. Qu'y a-t-il en cela qui of fense la morale?

Le président. Mais, qu'entendez-vous par la cour?

Courier. La définir serait difficile. Toutefois je dirai que la cour est composée des courtisans, des gens qui n'ont point d'autre état que de faire valoir leur dévouement leur soumission respectueuse, leur fidélité inviolable.

Le président. Il n'y a point chez nous de courtisans en titre. La cour, ce sont les généraux, les maréchaux, les hommes qui entourent le roi. Et que veut dire encore : les prêtres donnent tout à Dieu ? Cela est contre la religion.

Courier. Contre les prêtres tout au plus. Ne confondons point les prêtres avec la religion, comme on veut toujours faire.

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Le président. Les prêtres sont désintéressés; ils ne veulent rien que pour les pauvres. Courier. Oui, le Pape se dit propriétaire de la terre entière. C'est donc pour la donner aux pauvres. Au reste, ce que j'ai écrit

n'offense pas même les prêtres ; car il signifie simplement les prêtres voudraient que tout fût consacré à Dieu.

Après cet interrogatoire, où le public ne parut pas un seul moment indifférent, l'avocat-général, maître Jean de Broë, prit la parole, ou, pour mieux dire, prit son papier, car il lisait. C'est un homme de petite taille, qui parle des grands magistrats, et assure que la noblesse leur appartient de droit avec ce qui s'ensuit, honneur et priviléges, d'où l'on peut sans faute conclure que, dans cette affaire, croyant plaider sa propre cause et combattre pour ses foyers, il y aura mis tout son savoir. Il prononça un discours long, et que peu de gens auront lu imprimé dans le Moniteur, mais que personne ne com-. prendrait si on le rapportait ici, tant les pensées en sont obscures, le langage impropre. C'est vraiment une chose étrange à concevoir que cette barbarie d'expression dans les apôtres du grand siècle. Les amis de Louis XIV ne parlent pas sa langue. On entend célébrer Bossuet, Racine, Fénélon en style de Marat, et la cour polie en jargon des antichambres de Fouché. Il y en a chez qui cette bizarrerie passe toute créance; et si je citais une phrase comme celle-ci, par exemple: Qui profitera d'un bon coup? Les hon

nétes gens? Laissez donc. Ils sont si bêtes! vous la croiriez de quelque valet, et des moins éduqués. Elle est du marquis de Castel Bajac, imprimée sous son nom, dans le Conservateur. Ainsi parlent ces gens nés autrement que nous, c'est-à-dire bien nés, qui se rangent à part, avec quelque raison; classe privilégiée, superieure, distinguée. Voilà leur langage familier. Veulent-ils s'exprimer noblement? ce ne sont qu'altesses, majestés, excellences, éminences. Ils croient que le style noble est celui du blason. Malheur des courtisans, ne point connaître le peuple, qui est la source de tout bon sens. Ils ne voient en leur vie que des grands et des laquais, leur être se compose de manières et de bassesses.

Je dis donc, revenant à mettre de Broë, que pour ceux qui l'emploient,

C'est un homme impayable, et qui par son adresse,

Eût fait mettre en prison les sept sages de

la Grèce

comme mauvais sujets, perturbateurs. Sa prose est bonne pour les jurés, s'ils sont amis de M. Réglet. Mais à moins de cela, on ne saurait y prendre plaisir. Son discours, qui d'abord ennuie dans la Gazette officielle, assomme au second paragraphe ; et par cette

considération, je renonce à le placer ici, comme je voulais, si je n'eusse craint d'arrêter tout court mes lecteurs. Car, qui pourrait tenir à ce style: Un execrable forfait avait privé la France d'un de ses meilleurs princes. Un espoir restait toutefois. Un prodige, une royale naissance, bien plus miraculeuse que celle dont nos aïeux furent témoins, se renouvela. Un cri de reconnais sance et d'admiration se fit entendre. Une antique et auguste habitation as it fait partie des apanages de la couronne. Une pensée noble se présenta tout à coup, et elle fut répétée; elle fut suivie de l'exécution, ce fut à l'amour qu'un appel fut adressé.

Ouf! demeurons-en là sur l'appel à l'amour. Si vous ne dormez pas, cherchez-moi, je vous prie, par plaisir inventez, imaginez quelque chose de plus lourd, de plus maussade et de plus monotone que cette psalmodie de maître de Broë, par laquelle il exprime pourtant son allégresse. L'auteur de la brochure n'y a point mis d'allégresse, dit maître de Broë, qui, pour cette omission, le condamne à la prison. Lui, de peur d'y manquer, il commence par là, et d'abord se réjouit.

D'aise on entend sauter la pesante baleine (1). (1) Homère.

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