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de recourir à une troisième idée ou incomplexe ou complexe, et cette troisième idée s'appelle moyen.

« Or, il ne servirait de rien, pour faire cette comparaison de deux idées ensemble par l'entremisc de cette troisième idée, de la comparer seulement avec un des deux termes. Si je veux savoir, par exemple, si l'âme est spirituelle, et que ne le pénétrant pas d'abord, je choisisse, pour m'en éclaircir, l'idée de la pensée, il est clair qu'il me sera inutile de comparer la pensée avec l'âme, si je ne conçois dans la pensée aucun rapport avec l'attribut spirituel, par le moyen duquel je puisse juger s'il convient ou ne convient pas à l'âme. Je dirai bien, par exemple, l'âme pense, mais je n'en pourrai pas conclure, donc elle est spirituelle, si je ne conçois aucun rapport entre les termes de penser et spirituelle.

<« Il faut donc que ce terme moyen soit comparé, tant avec le sujet... qu'avec l'attribut, etc. » En le comparant ainsi avec ces deux idées, l'on parvient à découvrir s'il y a de la convenance entre elles, et si l'une renferme l'autre; ou s'il y a de la disconvenance, et si l'une exclut l'autre. C'est dans cette comparaison, et dans la conséquence qu'on en tire, que consiste ce qu'on appelle raisonnement.

S 63. Le raisonnement peut donc se définir : Un ju gement énoncé comme étant le résultat d'un ou de plusieurs autres jugements; ou bien : un ensemble de jugements découlant l'un de l'autre. Ex.

Ce qui pense est immatériel;
Or, l'âme pense;

Donc elle est immatérielle.

Le troisième jugement dans cet exemple est affirmé comme ayant sa raison suffisante dans les deux jugements qui précèdent. Telle est l'idée que l'on peut se former du

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raisonnement considéré comme acte. Considéré à l'état de puissance, on peut dire que c'est la faculté de tirer un jugement d'un ou de plusieurs autres jugements déjà portés. S 64. La nature du raisonnement suppose évidemment 1o qu'il y a des rapports qui unissent les vérités entre elles. 2o Qu'il est possible à l'homme de saisir ces rap. ports, de comprendre et de suivre les conséquences qui surgissent d'une première donnée. -5° «Que tout raisonnement, comme dit Reid, implique une proposition antérieure et une proposition déduite. Déduire et raisonner, c'est une seule et même chose. » 4° Que cette proposition antérieure doit être plus connue que celle qu'elle est appelée à faire connaître. Ce qui amène, en définitive, deux espèces de jugements, les uns ayant leur évidence en eux-mêmes, appelés intuitifs, les autres ayant la raison de leur évidence dans les intuitifs, et appelés pour cette raison jugements déduits, ou vérités de déduction, à la différence des premiers qui sont vérités d'intuition ou d'évidence im médiate.

§ 65. Nous venons de jeter un coup d'œil sur la nature du raisonnement en général. Il importe d'examiner de plus près quelle est cette machine intellectuelle à l'aide de laquelle l'intelligence conclut. Déterminons les parties diverses qui la constituent, et le mécanisme qui la distingue. C'est la matière et la forme du raisonnement.

S 66. Dans tout raisonnement il y a au moins deux propositions, et d'ordinaire trois, comme nous le verrons ciaprès. Ces propositions constituent ce qu'on appelle la matière prochaine du raisonnement, tandis que les termes dont elles se composent en constituent la matière éloignée.

Ces trois termes ou plutôt les trois idées qu'ils expriment sont entre elles comme des idées subordonnées. Ce

qui leur vaut la dénomination de grand terme, de petit et de moyen terme quand il y en a trois; les deux premiers sont encore appelés les deux extrêmes, étant les limites de la question que le raisonnement est appelé à résoudre. Ces trois termes paraissant chacun deux fois forment trois propositions appelées, par une raison analogue à celle que nous venons d'indiquer, proposition majeure, mineure et conclusion. Les deux premières sont aussi désignées par le nom commun d'antécédent ou de prémisses, parce qu'elles précèdent toujours la conclusion. Celle-ci venant à la suite des deux autres s'appelle naturellement conséquent. Nous pouvons réunir ces dénominations diverses dans cet exemple:

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Comme on le voit, le petit terme est le sujet de la conclusion; le grand terme en est l'attribut; quant au moyen terme, il est uni dans les prémisses, soit au petit terme, soit au grand terme; soit comme attribut dans celle des prémisses qui contient le petit terme et qu'on appelle pour cette raison mineure, soit comme sujet dans celle des prémisses qui contient le grand terme et qui reçoit en consé. quence le nom de majeure. Le moyen terme est ainsi appelé, parce qu'il tient le milieu entre les deux autres, et qu'il sert de terme de comparaison. Mais ce ne sont pas tant les parties considérées séparément qui constituent le raisonnement, que la combinaison de ces mêmes parties mises chacune en leur place. Ce que nous allons dire de la

forme achèvera donc de nous faire comprendre la nature de cette opération complexe.

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S67. La combinaison que subissent les termes ou les idées pour engendrer la conclusion constitue ce qu'on appelle la forme du raisonnement. Elle se réduit au mécanisme suivant. 1o La proposition majeure énonce toujours de deux choses l'une : ou que l'idée spécifique (inférieure) fait partie d'un genre (d'une idée supérieure), ou qu'elle n'en fait pas partie. 2o La mineure affirme que l'idée du petit terme est comprise extensivement dans celle du terme moyen, ou qu'elle n'est pas comprise dans l'idée du terme extensivement le plus grand. 3o La conclusion prononce sur le rapport que soutiennent entre eux les deux extrêmes. Cet énoncé définitif étant le résultat de la double comparaison faite dans l'antécédent, il va de soi, que la conclusion doit être affirmative ou négative, suivant que l'une des deux prémisses est elle-même affirmative ou négative. Montrons le tout dans des exemples. Lorsque je dis: ce qui pense est immatériel, j'énonce que l'idée inférieure d'être pensant fait partie de l'idée supérieure d'être immatériel. En ajoutant: or, l'âme pense, j'affirmeque l'idée du petit terme, l'âme est comprise extensivement dans celle du terme moyen, c'est-à-dire que l'âme est au nombre des êtres pensants. Quand je conclus ensuite que l'âme est immatérielle, je prononce sur le rapport de convenance qui se trouve entre l'âme et l'immatérialité. Dans cet exemple le raisonnement est affirmatif. Voici un raisonnement négatif. L'application est facile à faire. L'homme est un être intelligent; or la plante n'est pas intelligente; donc elle n'est pas un homme. Ou bien encore: la plante n'est pas intelligente; or l'homme est un être intelligent, donc ce n'est pas une plante.

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S 68. Ainsi tout le mécanisme du raisonnement consiste à établir le rapport de convenance ou de disconve nance entre deux idées, à l'aide d'une troisième idée intermédiaire qui, rapprochée successivement de l'attribut et du sujet de la conclusion, autorise à affirmer ou à nier l'une de l'autre, suivant qu'elle convient à ces deux idées ou qu'elle leur disconvient. D'où résulte que l'essence du raisonnement consiste dans le lien, dans la suite ou la conséquence qui se trouve entre la conclusion et les prémis. ses. Ce qui a fait dire que la conséquence qui ne peut jamais se confondre avec le conséquent, est la forme du raisonnement, c'est-à-dire, suivant le langage de l'école, l'élément qui détermine et complète son existence.

S 69. Cette explication du raisonnement met à découvert le fondement sur lequel repose ce procédé logique. C'est ce double principe.

I. Tout ce qui fait partie de l'antécédent doit être affirmé.

Le tout égale la somme des parties; c'est le principe d'identité; fondement de tout raisonnement affirmatif.

II. Tout ce qui est opposé à l'antécédent doit être nié. Le oui et le non ne sauraient s'affirmer simultanément du même concept. C'est le principe de contradiction; fondement de tout raisonnement négatif.

Toute conclusion rationnelle s'appuie donc sur l'un ou l'autre de ces deux axiômes. Ces axiômes sont les mêmes pour tout ordre de vérités, bien qu'ils se traduisent diversement selon la nature des objets auxquels ils s'appliquent. Ainsi, en géométrie, ils se formulent par deux quantités égales à une troisième, etc.

S 70. Après ce que nous venons de dire, nous pouvons passer à la division dn raisonnement. Prenant pour point

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