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élément de certitude que les motifs eux-mêmes saisis directement par l'esprit; cet élément est un élément divin, surnaturel, la grâce celle-ci incline l'esprit, et produit concurremment avec la liberté de l'homme, une adhésion, une certitude plus grande et plus ferme que toute autre.

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S150. Arrêtons-nous à ces observations générales : les étendre ultérieurement, serait sortir des limites que nous devons nous tracer. Concluons de ce qui précède : 1o Dans un sens rigoureux, toute certitude est égale, et dès lors, il est ridicule de demander lequel de nos moyens de connaître nous donne la plus grande certitude; ou bien encore, si la certitude de la raison est plus grande que celle de la foi. 2o Cette certitude étant absolue, l'on ne peut, sans méconnaître sa véritable nature, subordonner l'une à l'autre. 3o A plus forte raison ne peut-on pas opposer l'une à l'autre. Nous l'avons déjà remarqué; nos divers moyens de connaître se limitent, mais ne se contrarient point. Il ne saurait y avoir entre eux de collision véritable et naturelle. Si parfois une collision apparente se manifeste, elle n'est qu'accidentelle. Sous l'influence de la volonté, la confusion peut s'introduire dans nos moyens de connaître. Ils peuvent sortir de leurs attributions naturelles, empiéter sur leurs droits réciproques et amener ainsi avec le désordre l'erreur à la place de la vérité.

LEÇON XIII.

de l'ignorance, du doute et du pROBABLE.

Ce que c'est que l'ignorance.

Ses causes. Du doute; il est négatif ou De l'opinion et de la probabilité. — Un mot sur la théorie des probabilités.

positif.

S 151. Dans les leçons précédentes, nous avons constaté, discuté et vérifié nos divers moyens de connaître. Malgré ces moyens, l'homme ne parvient pas toujours soit à la connaissance, soit à la certitude, soit à la vérité. Il nous reste à parler de cette triple défaillance de l'esprit, dans l'exercice de son activité propre. Si le défaut tombe sur la connaissance elle-même, avons-nous dit dans l'introduction (S 5), il y a ignorance; s'il tombe sur la certitude absolue, il y a doute, opinion; enfin s'il est relatif à la vérité, il y a erreur. Nous réunirons dans cette leçon, les deux premiers points de vue, réservant pour celle qui va suivre les questions relatives à l'erreur.

S152. L'ignorance est un état de l'esprit purement négatif; elle implique négation de connaissance et rien autre chose. Il n'y a, dans cet état, aucun exercice de l'activité intellectuelle; toute perception s'en trouve exclue. Considérée sous ce rapport, elle n'a pas de quoi nous occuper. On peut cependant en indiquer les causes et les faire connaître. Ces causes sont multiples. C'est : 1° l'imperfection ou plutôt la limitation naturelle de l'entendement.

L'ignorance absolue est le point de départ de l'intelligence humaine, laquelle ne sort de ses ténèbres primitives, que pas à pas; elle ne s'élève vers la lumière que par les moyens propres à sa nature, et suivant les lois qui président à son développement. Dès lors, on conçoit que l'ignorance aura ses degrés, suivant l'inégalité des aptitudes et la diversité des circonstances, qui entravent ou favorisent l'exercice de l'activité de l'esprit. -2° Une autre cause d'ignorance, c'est la paresse intellectuelle, une certaine torpeur de l'esprit, provenant le plus souvent de l'amour du plaisir, de la sensualité, qui rend l'homme aveugle, faible, impuissant, ennemi de la vérité. « Celui, dit Bossuet, qui recherche quelque chose, non à cause de ce qu'elle est, mais à cause qu'elle lui plaît, n'a point la vérité pour objet. Avant qu'il y ait aucune chose qui plaise, ou qui déplaise à nos sens, il y a une vérité qui est naturellement la nourriture de notre esprit. Cette vérité est notre règle, car c'est par là que nos désirs doivent être réglés et non par notre plaisir. » Mais si l'homme captif du plaisir n'a pas l'amour de la vérité, quel soin peut-il se donner, soit pour la connaître, soit pour la conserver inviolable? 3° Une troisième cause, c'est la mauvaise direction que l'on suit dans l'étude de la vérité. 4o Une quatrième enfin, c'est le mauvais choix de l'objet de nos études. Telles sont les principales sources de l'ignorance; il suffit de les avoir indiquées. Passons au doute, qui est un état de l'esprit mêlé d'ignorance et de connaissance, et qui amène la suspension soit partielle soit totale de l'affirmation.

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S 155. Les criterium, pour être des moyens de parvenir à la connaissance vraie et certaine, n'atteignent pas tou jours ce but dans toute son étendue. Il leur arrive alors d'être des moyens de connaissance, mais non des moyens

de connaissance certaine, et dans ce cas ils se présentent comme des procédés frappés d'impuissance pour amener un résultat complet. De quelque part que vienne l'obstacle sur le chemin de la connaissance, les moyens de connaître faisant défaut, l'esprit humain reste en route; il n'atteint son objet que de loin et à travers les oscillations d'une lumière incertaine, d'une espèce de demi-jour qui éclaire assez l'objet, pour qu'on puisse l'entrevoir, mais qui le laisse assez dans l'ombre, pour ne pas le saisir nettement. De là, le doute, la probabilité, la vraisemblance.

S 154. Le doute est la suspension de l'esprit, entre deux opposés. Je sais que la lumière existe; mais quelle est sa nature? Mon esprit reste en suspens à l'égard des différentes hypothèses au sujet de cette question; je doute. Le doute, il est aisé de le voir, comprend deux points, l'un obscur, l'autre lumineux. « Comment douter, dit A. Callet, et pourquoi examiner, si je sais tout? De quoi douter et qu'est-ce que je puis examiner, si je ne sais rien? La pleine connaissance, si elle précède le doute, l'empêche de naître; si elle le suit, elle le tue. Il en est de même de la pleine ignorance. Donc le doute, à moins qu'on en fasse un vain mot, n'est ni une entière et pleine connaissance, ni une ignorance pleine et entière. C'est une connaissance limitée, mais réelle, jointe à une ignorance réelle, mais limitée, connaissance et ignorance réunies dans un même objet, mais réunies de telle sorte, que l'on connaît véritablement de l'objet ce qu'on en discerne, et qu'on ignore véritablement tout ce qu'on n'en discerne pas. »

Nous pouvons distinguer avant tout le simple doute d'avec le doute raisonné. Le premier est celui qui précède tout examen; le second est celui qui le suit; «il tient beaucoup du jugement, dit Bossuet, parce que tout considéré, on

T. II.

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prononce avec connaissance de cause que la chose est douteuse. » (I. 14.)

§ 155. Le doute est encore négatif ou positif. Le premier c'est la suspension de l'esprit, déterminée par l'absence de tout motif soit pour, soit contre. Le nombre des étoiles estil pair ou impair? Si, au contraire, elle est déterminée par l'insuffisance des motifs, le doute est positif. Quel est, par exemple, à en juger par la situation politique d'un pays, le parti qui sortira vainqueur d'une lutte électorale?

S 156. Le doute positif peut avoir quelque chose de vraisemblable; alors il est voisin du probable. Une croyance est probable, quand elle repose sur un motif suffisant pour déterminer l'assentiment de l'esprit, mais insuffisant pour produire une adhésion absolue. Le probable a tous les degrés possibles, depuis la plus petite jusqu'à la plus grande probabilité; il s'élève d'autant plus haut, s'approche d'autant plus près de la certitude, que ses motifs sont plus importants. Ces motifs peuvent être intrinsèques ou extrinsèques; de là diverses sortes de probabilité : nous y reviendrons dans la morale. Contentons-nous de remarquer qu'il n'est pas toujours possible à l'homme d'arriver à une certitude pleine et entière. Dans ce cas, la probabilité peut être une raison suffisante d'action, sans être un moyen de connaissance certaine.

S 157. Toute croyance probable est encore ce qu'on appelle une opinion; elle tient le milieu entre le doute et la certitude. L'opinion implique toujours une affirmation; c'est en quoi elle diffère du doute. D'un autre côté, elle exclut l'affirmation pure, et par là elle diffère de la science, qui implique adhésion absolue. « Parmi les choses qu'on ne sait pas, dit Bossuet..., il y en a sur lesquelles on suspend son jugement, et avant et après l'examen, c'est ce qui s'ap

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