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jours à connaître, elle poursuit le vrai; la volonté demande toujours à aimer, elle poursuit le bien; la sensibilité se révèle comme l'auxiliaire de l'une et de l'autre; dès lors les opérations propres à chacune de ces trois facultés doivent être envisagées comme des moyens relativement à leur destination respective, et par là même comme susceptibles d'une direction. Or, quelle est la direction à imprimer à ces opérations diverses? Deux sciences sont appelées à résoudre ce problème : la morale et la logique. La première dirige la liberté; elle prescrit des lois aux actes libres, et ses prescriptions s'étendent jusqu'aux phénomènes de la sensibilité affective. La seconde fixe les lois de la pensée; elle dirige l'entendement dans la connaissance de la vérité, et ses règles s'étendent jusqu'aux phénomènes de la sensibilité cognitive. D'où il résulte que la logique est aux fonctions de l'intelligence, ce que la morale est à celles de la liberté. Entendre, dit Bossuet, se rapporte au vrai, et vouloir au bien. Toute la conduite de l'homme dépend du bon usage de ces deux puissances... Mais comme il ne lui arrive que trop souvent de s'égarer en l'une ou en l'autre de ces actions, il a besoin d'être averti de ce qu'il faut savoir pour être en état tant de connaître la vérité, c'est-à-dire, de bien raisonner, que d'embrasser la vertu... De là naissent deux sciences nécessaires à la vie humaine. La première s'appelle logique... » (Log. I.) C'est par elle que nous commençons. L'exercice de l'intelligence étant antérieur à celui de la volonté, il est rationnel que la science qui dirige la première se place avant celle qui règle la seconde.

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§ 2. La logique peut se définir : - La science qui a pour objet la détermination des lois à suivre dans la recherche et l'exposition de la vérité. Elle est, - 1° une science;

car elle offre un ensemble de connaissances certaines ou évidentes sur les procédés à suivre dans la connaissance de la vérité. Ces procédés reposent en dernière analyse, sur un certain nombre de principes absolus, dont ils sont unc application plus ou moins immédiate. 2o Son objet est la détermination des lois, etc. L'objet de la logique n'est donc pas de créer ou de faire les lois de la pensée, mais de les déterminer, d'après les indications de la nature même de nos facultés de connaître. « L'intelligence humaine, dit Jouffroy, poursuit continuellement la vérité, et elle s'y prend naturellement d'une certaine manière pour l'atteindre, et souvent elle s'abuse et croit la posséder quand elle ne la possède pas. C'est donc en observant comment elle va naturellement et de quels écueils sa route est semée, que la réflexion pourra régulariser sa marche, la rendre aussi simple que possible, et, en reconnaissant les piéges dans lesquels elle peut tomber, les lui signaler, et lui apprendre par là à les éviter. » (Nouv. Mél.) — D'où il résulte 3o que le but de la logique est de rendre la connaissance de la vérité plus parfaite, c'est-à-dire, plus profonde, plus prompte et plus sûre, soit pour notre instruction propre soit pour celle d'autrui.

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§3. On a donné des définitions bien diverses de la logique. En voici quelques-unes; elles peuvent servir de points de comparaison pour mieux faire comprendre celle que nous venons d'établir. La logique, a-t-on dit, est 1° l'art de trouver la vérité; 2o L'art de bien conduire sa raison dans la connaissance des choses, tant pour s'instruire soimême que pour instruire les autres. (Port-Royal.) — Une science pratique qui a pour but de diriger les pensées de l'esprit. (Phil. de Lyon.) — 3o La science des règles de la pensée. (Fr. Schlegel.) — 4o La science des conséquences; ou

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bien: la science des moyens d'augmenter les forces de l'esprit; de rendre ses opérations plus faciles, plus promptes, plus sû res, (Laromig.)-5° La science logique ne consiste que dans l'étude de nos opérations intellectuelles et de leurs effets; (Destutt Tr.) 6° C'est l'art de diriger les facultés de l'âme, l'intelligence. -7° La science des règles ou de la méthode que doit suivre l'esprit humain dans la recherche et la démonstration de la vérité. (Rattier.) En comparant ces définitions diverses avec celle donnée plus haut, il sera facile de voir jusqu'à quel point chacune d'elles détermine la nature de la logique, son but et son objet véritable. Tou. tes cependant s'accordent à justifier le nom que porte cette science. Ayant pour objet la conduite, la discipline de la raison, elle est la science ou l'art rationnelǹ λoɣixǹ ÉTιOTNμŃ ου τέχνη.

S 4. Cet objet à le bien prendre permet de diviser la logique de deux manières. -1° en naturelle et artificielle, et 20 en subjective et objective, autrement appelée encore, formelle et matérielle.

S 5. La logique naturelle n'est autre chose que le pouvoir inné à tout homme, de penser, de raisonner avec plus ou moins de justesse, pouvoir qui en fait un être raisonnable. La logique artificielle est ce même pouvoir, mais dont l'exercice a été élevé à l'état de science par la réflexion. « Cette science, dit Gerbet, qui réduit à quelques règles invariables tous les procédés du raisonnement, est une des plus belles découvertes de l'esprit humain. A l'aspect des principaux phénomènes de la nature qui se succédaient avec une parfaite régularité, l'homme dut aisément concevoir l'espérance de déterminer assez exactement leurs lois. Mais les opérations de l'esprit ne lui présentaient pas le même caractère de constance et d'uniformité. Sous l'influence de

l'activité libre, les combinaisons des idées changent et se succèdent avec tant de promptitude et de diversité, que lorsqu'on veut les caractériser, on en cherche involontairement l'emblême dans les transformations des nuages agités par les vents. Il a donc fallu que la raison de l'homme eût acquis déjà, par l'habitude de la réflexion, un coup d'œil ferme et pénétrant, pour qu'elle fût capable de discerner d'immuables lois sous la variété de ces combinaisons passagères. Aussi l'invention de la logique n'appartient nulle part au premier âge de la philosophie; les systèmes la précédèrent, comme les épopées ont précédé la critique littéraire.» (Univ. cat.) La logique naturelle est donc antérieure à la logique artificielle qui la suppose; celle-ci ne peut déterminer les lois de la pensée qu'après avoir constaté et étudié ces mêmes lois dans le domaine de la conscience.

§ 6. Ces lois, que détermine la logique et qu'elle prescrit à l'esprit humain dans l'étude de la vérité, sont évidemment des moyens relativement aux vérités à connaître. De là la division de la logique en subjective et objective suivant qu'elle considère la pensée avec ou sans relation à la réalité externe. La première se borne à la sphère de la pensée pure; on peut la définir : la science des lois que l'esprit humain doit suivre dans ses opérations intellectuelles, sans égard à leur réalité externe. Elle est donc subjective, formelle; car elle s'occupe de la vérité considérée dans le sujet connaissant, de la seule pensée. C'est la logique de la pensée. La seconde, la logique objective ne se borne pas à la pensée pure, elle la saisit dans ses rapports avec la réalité externe; on peut la définir : la science des lois que doit suivre l'esprit humain pour reconnaître avec certitude la conformité de ses pensées avec les réalités externes. Elle est donc objective, matérielle; car elle s'occupe de la

vérité subjective dans ses rapports avec son objet externe, avec la matière de la pensée. C'est la logique de la connaissance; car la connaissance implique l'affirmation légitime d'une chose, tant sous le rapport subjectif que sous le rapport objectif, ainsi que nous le verrons.

§ 7. Ces deux logiques sont distinctes comme leur objet, c'est-à-dire, comme les idées et les faits, les vérités internes et les vérités externes. Cependant elles doivent se compléter l'une l'autre, l'union des faits et des idées, de la matière et de la forme étant nécessaire pour constituer la science. « Il doit y avoir, dit M. Ancillon, des existences qui répondent à nos pensées, et nos pensées doivent répondre aux existences, si la science est possible. Tant que cette harmonie n'existe pas, nous n'avons pas la science. » Nous divíserons par conséquent la logique en deux grandes sections, dont l'objet ne forme qu'une seule science. La première comprendra la logique subjective, la seconde la logique objective.

§ 8. Nous avons dit (§ 2) que les procédés de la logique reposent en définitive sur un certain nombre de principes absolus. Un principe étant en général ce par quoi une chose est, se fait, ou se voit, on distingue des principes d'existence, d'action et de connaissance. Ainsi le soleil est un principe d'existence; le devoir de la justice: sois juste, est un principe d'action; le tout est plus grand que la partie, est un principe de connaissance.

C'est des principes de connaissance qu'il s'agit pour le

moment.

S9. Ces principes de connaissance, de même que les lois de la logique elles-mêmes, sont relatifs à l'ordre des vérités auquel ils se rapportent. Ainsi les uns expriment l'ordre des pensées, les autres se rapportent à l'ordre des réalités.

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