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relations, n'est encore qu'un mythe, que devient l'histoire contemporaine? Les antilogies, du moins apparentes, et sur des détails accidentels, ne se retrouvent-elles pas chez tous les historiens? Avec les principes de Strauss, on peut étendre ou restreindre à son gré, et selon son bon plaisir le domaine du mythe aux dépens de l'histoire et réciproquement. Les faits les plus incontestables peuvent devenir chimériques. C'est ainsi qu'il a été prouvé, sans doute pour mettre en évidence la futilité de la méthode mythique, que Napoléon n'a pas existé. C'est un mythe; on en a fait Apollon ou le soleil; sa mère Lætitia, c'est l'aurore, qui enfante l'astre du jour; ses trois sœurs ne sont autres que les Grâces, qui avec les muses composaient la cour d'Apollon. Ses quatre frères sont les quatre saisons, ses deux femmes la terrc et la lune, son fils le petit Orion, et ses douze maréchaux, les douze signes du zodiaque (Encyc. cath). Mais qu'est-ce donc qu'une méthode historique, qui froisse toutes les idées reçues, qui heurte les faits les plus palpables et conduit à un pyrrhonisme universel? La méthode mythique est-elle autre chose elle-même, qu'un mythe dangereux?

<«<On commence, dit Rattier, par réduire en symboles les héros de la guerre des Grecs contre les Perses, les représentants de la royauté à Rome, les fondateurs de la liberté romaine. Bientôt on réduira en mythes toute l'histoire de l'antiquité, et les annales de l'humanité ne seront plus qu'un vaste poème, une immense allégorie tout aussi fabuleuse que les combats des enfants de la lune, dont Vyasa chante les guerres héroïques, dans le poème indien du Mahabharata. Car ce genre de critique n'a point de bornes, parce qu'il n'a pas de règles; et du moment qu'il est établi en principe, qu'il y a nécessairement, à l'origine de toutes les nations, une époque mythologique, dont tous les récits et toutes les tradi

tions ne sont que des fictions et des emblêmes, il faut déterminer cette époque mythologique, et il est tout simple qu'on lui fasse embrasser une période de trois ou quatre siècles; car elle ne peut pas durer moins, puisqu'il faut bien donncr à la transition, de l'âge poétique à l'âge logique, le temps de s'opérer.

"Ainsi, l'application de la méthode mythique s'étendant de proche en proche, par la tendance naturelle de l'esprit humain, qui, une fois entré dans une voie, veut la parcourir jusqu'au bout, lors même qu'elle aboutirait à l'absurde, il ne faudrait pas s'étonner si quelque jour Clovis nous était présenté comme le symbole de l'élément barbare chez les Gaulois, comme l'impression emblématique de l'invasion Franque; si Charlemagne n'était plus que le mythe de la société féodale au moyen-âge; Mahomet que le mythe du fatalisme oriental; Godefroid de Bouillon, Pierre l'Ermite, Baudouin, Richard Coeur-de-Lion, que des êtres imaginaires, figurant la lutte de la chrétienté armée, contre les envahisseurs de la cité sainte, et du tombeau de l'Homme-Dieu, le grand mouvement des croisades, qui précipita l'Europe croyante contre l'Asie infidèle; saint Louis, que l'emblême de la piété couronnée; Grégoire VII, que le symbole de la confusion (?) des deux pouvoirs spirituel et temporel; Mirabeau, que le mythe de l'éloquence populaire; Robespierre, que le mythe des triomphes de la révolution sur la monarchie; Napoléon lui-même, que le héros du grand poème de la conquête moderne, que la puissante figure du despotisme militaire. » (III. Log). C'est à des résultats si révoltants pour l'esprit que conduit le principe de l'objection. N'en disons pas davantage. Ce serait vouloir réfuter ce qui besoin de réfutation.

n'a

pas

LEÇON IX.

du criterium de l'analogie.

Nature de ce criterium.

conditions.

Ce qu'il suppose.

Son fondement - Ses

Il constitue un moyen de connaissance vraie et certaine à l'égard de son objet propre.- Réflexion.

§ 120. Le mot analogie (àvá entre et λoyos raison) exprime un rapport de ressemblance, un point commun, souvent inaperçu, entre deux ou plusieurs choses non identiques. Comme criterium on peut le définir : un moyen de connaissance vraie et certaine, lequel permet de conclure des choses connues à celles qui ne le sont point, à cause de leurs similitudes.

S 121. «Il est naturel à l'homme, dit Reid, de juger des choses qu'il connaît moins, par les similitudes qu'il observe ou qu'il croit observer, entre ces choses et celles qui lui sont familières ou mieux connues. Dans beaucoup de cas, nous n'avons pas de meilleurs moyens de juger........ Ainsi, nous observons beaucoup de rapports entre la terre, que nous habitons et les autres planètes : toutes font leur révolution autour du soleil, quoiqu'à différentes distances et en des temps différents; toutes empruntent de lui leur lumière; nous savons avec certitude que quelques-unes ont un mouvement de rotation autour de leur axe comme la terre, et par conséquent une égale succession de jours et de nuits; quelques-unes aussi ont des lunes, qui les éclairent

pendant l'absence du soleil; toutes enfin obéissent à la loi de la gravitation. Il n'est point absurde de conclure, de cette réunion de similitudes, que les planètes peuvent être, comme la terre, le séjour de divers ordres de créatures vivantes.» (Essai. I. V.)

$122. L'analogie, comme il est aisé de l'entrevoir, tout en nous mettant sur la voie des découvertes, n'est pas toujours infaillible dans ses résultats. Pour apprécier la valeur des connaissances, auxquelles elle nous conduit, il faut l'examiner dans sa nature, dans son objet, et dans le fondement sur lequel elle s'appuie.

-1° L'emploi de ce criterium suppose toujours — 1o la connaissance préalable de l'objet avec lequel la chose inconnue, ou non encore aperçue, se trouve liée, par un rapport de similitude. Cette connaissance est donnée par un des critères exposés plus haut. Ainsi, avant de conclure à la pesanteur de l'air, on connut la pesanteur d'autres corps de la nature; et la compressibilité de l'eau fut une découverte qui vint à la suite d'une connaissance déjà acquise, celle de la propriété qu'ont la plupart des corps, de pouvoir être réduits à un moindre volume. 2o Elle suppose encore que l'esprit entrevoit ou soupçonne le résultat, qu'il se propose d'atteindre, au moyen de la similitude qui doit lui servir de fil conducteur. Ce résultat est, ou bien la nature d'une chose; ainsi à la vue d'un homme, de ses mouvements organiques et de ses manifestations diverses, je juge qu'il est, comme moi, un être intelligent et libre; ou bien un fait pur et simple, comme lorsque j'affirme que le soleil paraîtra demain sur l'horizon. 3o Elle pose enfin un rapport de similitude, entre la chose connue et celle qui ne l'est pas. Cette similitude se constate dans l'observation des diverses propriétés, et des divers phéno

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mènes où elle se manifeste, comme dans les deux exemples que nous venons de donner.

$123. Ces trois caractères forment, pour ainsi dire, l'antécédent du criterium de l'analogie. A leur suite vient la conclusion. Celle-ci a pour objet l'identité de la nature des choses trouvées semblables, ou l'identité des effets qu'elles sont destinées à produire. Le rôle de l'induction est ici manifeste. Nous en avons parlé dans la première partie de ce livre (S 104.) Elle porte entièrement sur les rapports de similitude, que présentent les êtres ou leurs phénomènes, et elle tire toute sa force des principes mêmes de la raison. C'est en effet le principe de causalité, qui nous permet de conclure à l'identité de la nature des choses, par celle de leurs propriétés réciproques. Lorsque, en le généralisant, nous étendons un élément, trouvé dans un objet, à d'autres objets que nous n'avons pas encore explorés, mais auxquels nous reconnaissons déjà quelques rapports avec celui que nous avons observé, nous nous affirmons à nous-mêmes : Les mémes effets sont produits par les mêmes causes. C'est le même principe, qui nous fait attribuer le caractère de stabilité à un élément, que nous avons trouvé dans un objet. En concluant à l'identité des phénomènes, à la reproduction des mêmes effets de la nature, nous supposons 1o la permanence de la nature des étres, et 2o la stabilité des lois qui les gouvernent. De là ce principe: Le passé ou le présent répond de l'avenir; il suppose l'unité dans la nature, c'est-à-dire, l'harmonie des causes agissant d'une manière uniforme, constante, et non d'une manière irrégulière et désordonnée; l'univers est l'exécution d'un plan sagement conçu.

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$124. Le premier de ces deux principes est évident, c'est l'application du principe de causalité; il nous fait rapporter

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