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§ 21. En comparant ces principes entre eux, on les trouve réductibles au principe d'identité. Car un principe n'est principe, ne peut produire la connaissance d'autre chose que parce que le concept de l'attribut appartient au concept du sujet, c'est-à-dire parce que le sujet est ce qu'il est. Ainsi dans le principe de causalité, l'effet se prend dans un sens formel, c'est-à-dire, comme un effet, un fait, un phénomène qui commence, et dès-lors, comme impliquant l'idée d'origine, de cause. Donc, en concluant de l'effet à la cause, je suppose que l'effet est ce qu'il est; ce n'est qu'en vertu de ce concept que j'ai le droit de conclure. Il en est de même du principe de substantialité. L'accident, la modification doit se prendre formellement, c'est-à-dire en tantque modification, pour donner le droit d'arguer à l'existence du sujet modifié. Il en faut dire autant du principe de contradiction. Sans supposer que ce qui est, est, je ne puis affirmer que ce qui est, ne peut ne pas être. C'est parce que le non-être se trouve cxclu de l'être, que le oui et le non ne peuvent être affirmés en même temps d'une même chose.

$22. Il résulte de ce qui précède, -1° que le principe d'identité est le premier principe de connaissance. Non seulement je ne puis connaître aucune chose que parce qu'elle est, mais encore toute affirmation suppose l'être, l'existence de la chose affirmée; elle a son fondement dans le principe: ce qui est, est. — 2o Que les autres principes pouvant se résoudre dans celui de l'identité, sont également analytiques, c'est-à-dire qu'ils se résolvent dans des jugements analytiques.

S 23. On entend par jugements analytiques, ceux où l'idée de l'attribut est donnée par celle du sujet, à la différence des jugements synthétiques, où l'idée de l'attribut n'est pas donnée par celle du sujet. Tels sont les deux juge

ments que voici le tout est plus grand que la partie, et, ce bois est vert. Par l'analyse du tout, je vois clairement dans le premier exemple, que la partie est renfermée dans l'idée de tout et qu'elle constitue le non-tout. Il n'en est pas de même dans le second; l'idée de vert n'est pas renfermée dans celle du bois. Ce n'est pas par l'analyse de ce dernier concept, que j'obtiens l'idée de vert. Il n'est donc pas un jugement analytique mais synthétique.

$23. L'école de Kant a soutenu que le principe de causalité, pour être nécessaire, n'est pas un principe analytique, mais synthétique à priori. Dans ce cas, il serait faux de dire, que les principes de la raison peuvent être ramenés au principe d'identité, et qu'ils sont comme lui des jugements analytiques. Mais cette prétention du kantisine ne saurait se maintenir dans l'analyse des termes qui cons. tituent le principe de causalité. En effet, bien que la cause ne soit pas la même chose que l'effet, et que le fruit, par exemple, soit distinct de l'arbre qui le produit, cependant tout effet étant un fait, une réalité qui commence, se conçoit évidemment comme un terme à rapport. L'effet est donc un terme, plus un rapport d'origine, de dépendance ou de commencement. Ce rapport est un élément essentiel renfermé dans l'idée d'effet, et dès lors il s'obtient par l'analyse de cette idée. D'un autre côté, un rapport à un seul terme ne saurait exister; il ne suffit pas qu'il ait un terme qui lui serve de point de départ, mais encore il lui faut un terme auquel il aboutisse; un rapport qui ne se rapporterait à rien n'en serait pas un. Donc le rapport que fait surgir l'idée d'un fait qui commence, d'un effet, implique évidemment une réalité qui soit l'origine, le point de dé part, le commencement de ce fait, ou ce qui est la même chose, qui en soit la cause productrice. Il résulte par con

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séquent de l'analyse de l'idée d'effet, qu'elle implique évidemment l'idée de cause, et par conséquent que le principe de causalité est analytique. Soutenir que l'idée d'un fait qui commence sans cause, n'implique pas contradictions dans les termes, c'est soutenir que l'idée d'une chose, qui commence et ne commence pas tout à la fois, n'est pas contradictoire; c'est supposer qu'il n'y a pas contradiction dans ces trois hypothèses - a) qu'une chose existe en vertu de sa seule possibilité — b) qu'elle se donne à ellemême l'existence c) qu'elle reçoive l'existence du néant. $24. Écoutons comment Galluppi, après avoir montré que le principe de substance est une vérité identique, prouve qu'il en faut dire autant du principe de causalité. « Cette proposition, dit-il: il n'y a pas d'effet sans cause, est-elle une proposition identique? J'ai démontré, continue-t-il, son identité de la manière suivante. Ce qui a un commencement d'existence doit avoir été précédé ou d'un temps vide ou d'un être, car autrement la chose dont il s'agit serait la première existence et la première lettre de l'alphabet des êtres; et on ne pourrait dire d'une telle chose qu'elle commence d'être, puisque cette notion de commencement d'existence implique en soi une priorité, relativement à l'être qui commence. Ces deux notions existence commencée et existence précédée d'une autre chose sont donc identiques. Mais est-il possible qu'une existence soit précédée d'un temps vide? J'ai montré qu'une durée vide est une chimère, un produit de l'imagination dépourvu de toute réalité... J'ai établi que le temps n'est que le nombre des productions. Aristote a dit que le temps est le nombre du mouvement. Ceci supposé, l'existence commencée est une existence précédée d'une autre existence. Cette proposition est identique. Mais comment une existence

peut-elle être précédée d'une autre existence? L'existence qui précède est-elle donc dans un instant de temps antérieur à celui où est l'existence précédée? Dans ce cas, on retombe dans la doctrine du temps distinct des choses existantes. Il faut donc admettre que l'existence qui précède est telle qu'elle rend l'existence précédée existence commencée. Celle-ci n'est existence commencée que parce qu'elle est existence précédée. L'antériorité de l'existence qui précède est donc une antériorité de nature, une antériorité objective, une antériorité qui fait le commencement de l'existence précédée; elle est par conséquent la cause efficiente de cette existence. Le grand principe de causalité est donc invinciblement démontré; il est une proposition identique. " (Lett. Ph. 24.)

$25. Il demeure donc établi que les principes sur les quels s'appuyent les lois relatives à la direction de l'intelligence peuvent se résoudre dans le principe d'identité, et par conséquent que ces principes étant de la même nature que ce dernier, sont comme lui, évidents et identiques. La suite nous montrera la connexion qui existe entre ces mêmes principes, et les préceptes qu'impose la logique dans la recherche de la vérité. Toutefois, et nous tenons à le répéter, ces axiomes ou principes ne sont pas le fondement de toute vérité, mais bien celui de la connaissance de toute vérité, ou si l'on veut, le fondement de la connaissance scientifique de toute vérité. Ces axiomes en effet sont des formes abstraites, générales; ils sont stériles par eux-mêmes et ne sauraient en gendrer une seule vérité. Il leur faut un contenu auquel ils s'appliquent, et nous verrons plus tard qu'il appartient à l'expérience de le donner. Ainsi sans être les matériaux mêmes de la science, ces axiomes servent, pour ainsi dire, d'instrument à équarrir les éléments divers qui entrent

dans la construction scientifique de la vérité et à mettre d'aplomb, depuis les assises jusqu'au sommet, toutes les parties de l'édifice.

§ 26. Il nous reste à dire quelques mots sur l'utilité de la logique. Comme toute discipline qui a pour objet le perfectionnement de nos facultés naturelles, la logique doit avoir son importance, ses avantages. A celui qui aborde l'étude de la vérité, elle sert de moyen pour en faire la conquête et s'en assurer la possession. Suivant l'idée de Platon, elle nous est nécessaire pour atteindre parfaitement la vérité. En effet, 1° elle est l'instrument, le fondement nécessaire de toutes les sciences supérieures, qui, sans ce fondement, ne sauraient avoir aucune solidité rationnelle. Elle en est l'organe et le point d'appui, comme dit Aristote. Dans toute connaissance la raison a besoin d'être bien conduite, et c'est à la logique, de la diriger et de lui tracer les procédés à suivre. « Il ne suffit pas, dit Gerbet, que les faits se manifestent à l'homme; il faut que son intelligence qui doit se réfléchir sur eux, che conduire le grand travail de la réflexion. L'intelligence cherche sous ce rapport comme un organe spirituel, un instrument intérieur dont elle puisse se servir dans la construction des théories scientifiques. » (L'univ. cath. Intr.)

sa

2o Elle sert de défense à la vérité, et constitue suivant la pensée de Cicéron, une sorte de gymnastique intellectuelle nécessaire dans les luttes de l'esprit. Sic adjuvat, ut palæstra histrionem. Rien peut-être n'importe plus, surtout aux intelligences appelées à soutenir ces combats contre l'erreur et le mensonge, que de pouvoir confier à la garde d'une logique inattaquable, les croyances et les principes qui donnent le repos à l'esprit et la santé au cœur. Enfin,

3o elle est encore une arme offensive. En indiquant les

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