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Ils se résument dans deux axiômes, dont le premier s'appelle principe d'identité et le second principe de causalité, qui lui-même vient en définitive se résoudre dans le principe d'identité.

10. I importe, avant d'aller plus avant, d'exposer sommairement ces principes qui sont d'un usage, d'une application universelle dans toute science. Déterminons en les caractères, le lien qui les unit et les subordonne entre eux.

§ 11. Le principe d'identité a pour objet l'affirmation de l'être. Il affirme qu'un ètre est ce qu'il est, qu'il est égal à lui-même, identique à son essence, à ses propriétés constitutives; et même qu'une chose est égale à une autre, ayant la même essence spécifique; ainsi le triangle est identique à une figure à trois angles. Ce principe s'exprime par cette formule :

I. Ce qui est, est. Le tout est égal à la somme des parties. A=A. Ou bien encore: deux choses égales à une troisième sont égales entre elles. D'où il suit que deux objets étant égaux, on peut affirmer de l'un tout ce que l'on peut affirmer de l'autre.

§ 12. Au principe d'identité, qui s'exprime de diverses manières, se rapporte le principe de contradiction, qui en est la formule négative. Il s'énonce en ces termes :

1. Il est impossible qu'une même chose soit et ne soit pas en même temps; ou, le même ne peut pas, en même temps, étre et n'être pas; être tel et n'être pas tel tout à la fois, et sous le même rapport.

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Il suit de là que l'affirmation et la négation d'une même chose est impossible; que l'on ne saurait attribuer à un être des propriétés opposées; que la proposition dont la conséquence est fausse, est nécessairement fausse; - que la partie est moindre que le tout, et enfin qu'entre

l'être et le non être il n'y a point de milieu. D'où suit un troisième principe, appelé principe du tiers exclus, c'est-àdire qui ne permet pas d'autre supposition que celle qui est énoncée. En voici la formule :

3. Une chose est ou n'est pas; ou bien : de quoi que ce soit l'affirmation ou la négation est possible. Tout nom

bre est pair ou impair.

$18. Concluons de ce double principe qu'un être ne peut exister sans son essence, ni sans ce qui fait partie de cette essence; autrement il serait et il ne serait pas; il serait tel en lui-même, et il ne serait pas tel tout à la fois, ce qui est contradictoire.

S 14. A la suite du principe d'identité énoncé dans ces formules diverses, il faut placer le principe de substantialité énonçant le rapport qui lie l'accident à la substance. Il

se traduit en ces termes :

II. Tout accident suppose une substance; toute qualité suppose un sujet; ou bien encore: tout changement suppose un être en qui le changement s'opère.

S 15. En effet un mode, un attribut, un accident ne se soutient pas tout seul. Il lui faut un sujet d'inhérence, dans lequel il subsiste ou se produit. Il suit de là, suivant le principe de contradiction, que la qualité ne saurait être opposée à la substance qu'elle modifie, bien plus, qu'elle doit lui être conforme. « Aussi, dit Reid, le mouvement ne peut exister que dans quelque chose qui est mû; et la supposition qu'il pourrait y avoir du mouvement là où toute chose serait en repos, est évidemment absurde. La dureté, la mollesse, ne peuvent pareillement exister par elles-mêmes; ce sont les qualités d'une chose qui est dure ou molle. La chose quelconque dont elles sont les qualités, s'appelle leur sujet; et toute qualité en suppose nécessairement un. »

« Ce qui existe par soi-même, et ne suppose nécessairement l'existence d'aucune autre chose, s'appelle substance, et quand on considère les substances relativement aux qualités ou attributs qui leur appartiennent, on dit qu'elles sont les sujets de ces qualités ou attributs.

<< Toutes les choses que nous percevons immédiatement par nos sens, et toutes celles dont nous avons conscience, supposent un sujet dans lequel elles existent. Par mes sens, je perçois la figure, la couleur, la dureté, la mollesse, le mouvement, la résistance, et autres phénomènes semblables; ce sont des phénomènes qui impliquent nécessairement quelque chose de figuré, de coloré, de dur, etc.>>

« De même, les faits dont j'ai conscience, tels que la pensée, le raisonnement, le désir, supposent nécessairement quelque chose qui pense, qui raisonne, qui désire. Nous ne donnons pas le nom d'esprit à la pensée, à la raison, au désir, mais à l'être qui désire, qui pense et qui raisonne... Toutes les langues ont des mots que les grammairiens appellent adjectifs; ces mots expriment les attributs des choses; et si tout adjectif doit avoir un substantif, c'est que tout attribut doit avoir un sujet. Toutes les langues ont de même des verbes actifs qui expriment les actes ou opérations des causes; et si la grammaire dit que tout verbe actif suppose une personne, c'est que tout acte doit avoir un agent. » (Ess. I. Ch. 2.)

§ 16. De ce principe combiné avec les précédents, il suit, que le mode ne saurait être opposé à la substance qu'il modifie, mais qu'il doit être homogène : accidens sequitur principale. - 2o Que de la nature des qualités, il est permis de conclure à celle du sujet qualifié.— 3° Que deux attributs opposés ne peuvent se rencontrer dans un même sujet. Exemple : vouloir et ne vouloir pas en même

temps.

Enfin 4° que l'existence de plusieurs attributs incompatibles accuse celle de plusieurs sujets distincts et divers.

S 17. Le principe de causalité, en vertu duquel nous affirmons une liaison étroite, intime, profonde entre le phénomène et l'être qui en est le principe producteur, revient à dire qu'un fait qui a commencé d'étre, doit avoir une cause. Il s'exprime vulgairement par cette formule :

III. Il n'y a pas d'effet sans cause.

Ce principe a plusieurs corollaires, savoir :

1o L'être qui ne serait nullement effet, serait une cause pure. 2o Si rien n'existait, rien ne serait possible. 3o Le néant n'ayant aucune réalité, ne peut être cause de rien; pour agir il faut être.—4° Tout effet doit être proportionné à sa cause, et par tant, on ne peut attribuer à une cause un effet qui dépasserait les limites de son activité. -5° Là où il y a plusieurs causes, il doit y avoir subordination de causes. 6° Toute cause ordonnée produit son effet d'une manière analogue à sa nature, c'est-à-dire régulièrement. Donc - 7° les mêmes effets procèdent des mêmes causes ou de causes semblables.

S 18. Ce principe s'appelle encore principe de raison suffisante, c'est-à-dire : tout ce qui est, tout ce qui se conçoit, tout ce qui se fait, doit avoir sa raison suffisante, ou dans soi-même, ou dans ce qui le produit, le fait concevoir, ou exister.

$ 19. Cette formule du principe de causalité est plus générale que la précédente. En effet le principe: il n'y a pas d'effet sans cause, ne s'applique à la rigueur qu'à la connaissance des choses qui constituent l'ordre réel; celui de la raison suffisante, s'applique à la connaissance du sub

jectif et de l'objectif. C'est que le mot raison indiquant un rapport quelconque, signifie non seulement une cause proprement dite, c'est-à-dire celle qui produit un être distinet d'elle-même, mais encore tout principe, toute causalité improprement dite, dont l'acte ou l'effet n'a pas une existence distincte de celle du terme producteur.

§ 20. Il est à remarquer d'ailleurs que la connexion entre l'ordre subjectif et objectif est telle qu'on ne saurait isoler entièrement l'un de l'autre. S'il est vrai, en effet, que la pensée, dans la cause intelligente, est antérieure à la réalisation de son objet, il n'est pas moins vrai que l'objet est à son tour antérieur à la pensée, du moins, d'unc priorité logique. Qui dit simplement connaissance, dit une action qui suppose son objet (possible ou existant) mais qui ne le fait pas. Ajoutons avec Reid, « que la plupart des opérations de l'esprit ont nécessairement un objet distinct de l'opération elle-mème. Je ne puis voir sans voir quelque chose voir, sans quelque objet qui soit vu, est absurde. Je ne puis me souvenir sans me souvenir de quelque chose; la chose dont je me souviens est passée, tandis que le souvenir est présent; il faut donc que l'opération et son objet soient des choses distinctes. Les opérations de notre esprit sont exprimées dans toutes les langues par des verbes actifs transitifs, qui n'exigent pas seulement une personne ou un agent, mais encore un objet de l'opération. Ainsi le verbe connaître exprime une opération de l'esprit : d'après les lois de toute grammaire, ce verbe veut une personne, je connais, vous connaissez, il connait, mais il ne veut pas moins un régime, qui est la chose connue : car celui qui connaît doit connaître quelque chose, et le connaître sans le connu est une absurdité trop grossière pour mériter d'être réfutée. » (Ess. I. Ch. 2.)

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