IMPATIEN EMILIE. MPATIENS défirs d'une illuftre vengeance, b) Que ma douleur féduite embraffe aveuglément, a) Plufieurs actrices ont fuprimé ce monologue dans les repréfentations. Le public même paraiffait fouhaiter ce retranchement. On y trouvait de l'amplification. Ceux qui fréquentent les fpectacles difaient qu'Emilie ne devait pas ainfi fe parler à elle-même, fe faire des objections & y répondre, que c'était une déclamation de rhétorique, que les mêmes chofes qui feraient très-convenables quand on parle à fa confidente, font trèsdéplacées quand on s'entretient toute fenle avec foi-même; qu'enfin la lonP. Corneille. Tome I. gueur de ce monologue y jettait de la froideur, & qu'on doit toûjours fuprimer ce qui n'eft pas néceffaire. Cependant j'étais fi touché des beautés répandues dans cette premiére fcène que j'engageai l'actrice qui jouait Emilie à la remettre au théatre: & elle fut très-bien reque. b) Impatiens défirs d'une illustre vengeance.] Quand il fe trouve des acteurs capables de jouer Cinna, on retranche affez communément ce monologue. Le public a perdu le goût de ces déclamations, celleBbb d) Quand je regarde Auguste au milieu de fa gloire, h) J'aime encore plus Cinna que je ne hais Auguste; Quand il faut pour le fuivre exposer mon amant. ci n'eft pas néceffaire à la piéce. Mais n'a- c) Vous prenez sur mon ame un trop puiffant empire.] Il y avait dans les premiéres éditions, Vous régnez fur mon ame avecque trop d'empire: avecque faifait un fon dur & trainant, comme on l'a déja remarqué. On ne peut corriger mieux. d) Quand je regarde Auguste au milieu de fa gloire. ] Il y avait dans les premiéres éditions, au trône de fa gloire. e) Et que vous reprochez à ma trifte mémoire.] Ces défirs rapellent à Emilie le meurtre de fon père, & ne le lui reprochent pas. Il falait dire, vous me reprochezde ne l'avoir pas encor vengé, & non pas,vous me reprochez fa profcription; car elle n'eft certainement pas cause de cette mort. `. ƒ) La cause de ma haine & l'effet de fa` rage. ] Emilie a déja dit quelle eft la cause de fa rage; la caufe & l'effet paraiffent trop recherchés.. g) Et crois pour une mort lui devoir mille morts. Te demander du fang, c'eft expofer le tien. Te perdre en me vengeant ce n'eft pas me venger. Sans attirer fur foi mille mille tempêtes. ] Mille morts, mille & mille tempêtes, ne font que de légères négligences, auxquelles il ne faut pas prendre garde dans les ouvrages de génie, & furtout dans ceux du fiécle de Corneille, mais qu'il faut éviter foigneufement aujourd'hui. b) J'aime encor plus Cinna que je ne bais Augufte.] de bons critiques qui connaiffent l'art & le cœur humain, n'aiment pas qu'on annonce ainfi de fang froid les fentimens de fon cœur. Ils veulent que les fentimens échapent à la paffion. Ils trouvent mauvais qu'on dife, j'aime plus celui-ci que je ne haïs celui-là. Je Jens re froidir mon mouvement bouillant, je m'irrite contre moi-même, j'ai de la fureur. Ils veulent que cette fuleur cet amour, cette haine, ces bouillants mouvemens éclatent fans que le perfonnage vous en avertiffe. C'eft le grand art de Racine. Ni Phedre ni Iphigenie, ni Agrippine ni Roxane, ni Monime, ne débutent par venir étaler leurs fentimens fecrets dans un monologue, & par raisonner fur les intérêts de leurs paffions. Mais il faut toûjours fe fouvenir que c'eft Corneille qui a débrouillé l'art, & que fi ces amplifications de rhétorique font un défaut aux yeux des connaiffeurs, ce défaut eft réparé par de très-grandes beautés. Et l'on doit mettre au rang des plus cuifans malheurs Mais peut-on en verfer alors qu'on venge un père ? Et quand fon affaffin tombe fous notre effort, SCENE FI EMILIE, FUL VIE. EMILF E.. E l'ai juré, Fulvie, & je le jure encore, i) Amour, Sers mon devoir & ne le combats plus. ] Il femble que le monologue devrait finir là. Les quatre derniers vers ne font-ils pas furabondans ? les penfées n'en font-elles pas recherchées & hors de la nature ? Qu'importe de la gloire ou de la honte de l'amour? Qu'estce que ce devoir qui ne triomphera que pour couronner l'amour? D'ailleurs dans le dernier de ces vers, au lieu de Et ne triomphera que pour te cou ronner, il faudrait, il ne triomphera; mais les vers précédens paraiffent dignes de Corneille, & j'ole croire qu'au théatre il faudrait réciter ce monologue en retranchant S'il me veut pofféder, Augufte doit périr; Elle a pour la b'âmer une trop jufte cause. Toute cette faveur ne me rend pas mon père; Les bienfaits ne font pas toûjours ce que tu penfes ; feulement ces quatres derniers vers qui ne font pas dignes du refte. k) Quoique j'aime Cinna, quoique mon cœur l'adore.-]-Des critiques trouvent.ce vers languiffant, par le foin même que prend l'auteur de lui donner de la force; ils difent qu'adore n'eft que la répétition de j'aime.. 1) Vous vous faites jager eft phus lan-guiffant d'ailleurs c'eft un grand fecret. On ne peut encor le juger. m) Digne Sang.] Foranius était un plebeïen inconnu qui n'avait joué aucun rôle, & qu'Octave facrifia dans les prof-criptions parce qu'il était riche.. Bbb iij |