Surpaffe de bien loin ce faible apprentiffage. Mais pour exécuter tout ce que j'entreprens, m) Soleil, qui vois l'affront qu'on va faire à ta race, Je veux choir fur Corinthe avec ton char brûlant. De mon jufte couroux les implacables vœux Créon en eft le prince, & prend Jafon pour gendre: SCENE V. MÉ DÉE, NERINE. MÉDÉE. Hé à É bien, Nérine, à quand, à quand cette hyménée ? En ont-ils choifi l'heure? En fais-tu, la journée?. m) Soleil, qui vois l'affront qu'on va faire à ta race.] Cette prière au foleil fon père eft ençor toute de Sénèque, & devait faire plus d'effet fur les peuples qui mettaient le foleil au rang des dieux, que fur nous qui n'admettons pas cette mythologie. n) S'il ceffe de m'aimer, qu'il commenco· N'en as-tu rien apris? N'as-tu point vû Jafon? Croit-il qu'en cet affront je m'amufe à me plaindre? n) S'il ceffe de m'aimer, qu'il commence à me craindre; Il verra, le perfide, à quel comble d'horreur De mes reffentimens peut monter la fureur. NERIN E. Modérez les bouillons de cette violence; Et laiffez déguifer vos douleurs au filence. Peut mieux prendre à fon point le tems de fa vengeance,, Tu veux que je me taife & que je diffimule! à me craindre. ] Le vers de Sénèque, Adeone credit omne consumptum nefas ? parait bien plus fort. •) Et faut-il perdre ainfi des menaces en Tair? J'ai déja dit que je ne ferais aucune remarque fur le ftile de cette tragédie, qui eft vicieux prefque d'un bout à l'autre. J'obferverai feulement Sans fuport, fans amis, fans retraite, fans bien, Madame, penfez mieux à l'éclat que vous faites. L'ame doit fe roidir plus elle eft menacée, Et contre la fortune aller tête baiffée, La choquer hardiment, & fans craindre la mort, p) Cette lâche ennemie a peur des grands courages, ici, à propos de ces rimes diffimuler, & qu'un. Par la même raifon terre peut rimer à père. Mais je me hâte ne peut. rimer avec je me flatte, parce que flatte eft bref, & hâte est long. P) Cela eft imité de Sénèque, & enchérit encor fur le mauvais gout de l'original. Fortuna fortes metuit, ignavos. premit. Corneille appelle la fortune lâche.. Toutes les tragédies qui précédèrent fa Médée font remplies d'exemples de ce faux bel efprit. Ces puérilités furent fi long-tems en vogue, que l'abbé Cotin, du tems même de Boileau & de Molière, NÉRINE. Que fert ce grand courage où l'on eft fans pouvoir ? Il trouve toujours lieu de fe faire valoir. Forcez l'aveuglement dont vous êtes féduite, q) Moi, dis-je, & c'eft affez. NÉRINE. Moi. Quoi? vous feule, Madame? MÉDÉE. Oui, tu vois en moi feule & le fer, & la flamme, Et la terre, & la mer, & l'enfer, & les cieux, donna à la fiévre l'épithète d'ingrate; eette ingrate de fiévre qui attaquait inLolemment le beau corps de Mademoiselle de Guise, où elle était fi bien logée. q) Moi.... Moi, dis-je, & c'eft affez.] Ce moi eft célébre. C'eft le Medea Jupereft de Sénèque. Ce qui fuit eft encor une traduction de Sérèque. Mais dans l'original & dans la traduction, ces vers affaibliffent la grande idée que donne, moi, dis-je, & c'eft affez. Tout ce qui explique un grand fentiment l'énerve. On demande le Medea fupereft eft fu blime? Je répondrai à cette question, que ce ferait en effet un fentiment fublime, fi ce moi exprimait de la grandeur de courage. Par exemple, fi lorfqu'Horatius Cocles défendit feul un pont contre une armée, on lui eût demandé, Que vous reste-t-il ? & qu'il eût répondu, moi, c'eût été du véritable fublime. Mais ici il ne fignifie que le pouvoir de la magie: & puifque Médée difpofe des élémens, il n'eft pas étonnant qu'elle puiffe feule & fans autre fecours fe venger de tous fes ennemis.. NÉRINE. L'impétueufe ardeur d'un courage fenfible A vos reffentimens figure tout poffible: Mais il faut craindre un roi fort de tant de fujets. Mon père qui l'était rompit-il mes projets ? Non, mais il fut furpris, & Créon fe défie, Las! je n'ai que trop fui; cette infidélité Si je n'euffe point fui pour la mort de Pélie, Il n'eût point vû Créüfe, & cet objet nouveau Fuyez encor, de grace. MÉ DÉ E. Oui, je fuirai, Nérine, Mais avant de Créon on verra la ruine. Je brave la fortune, & toute fa rigueur En m'ôtant un mari ne m'ôte pas le cœur. Sois feulement fidèle, & fans te mettre en peine, Laiffe agir pleinement mon favoir & ma haine. NÉRINE. [Seule] Madame... Elle me quitte au lieu de m'écouter; |