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donc, mon fils, crains une condition si périlleuse; armetoi de courage contre toi-même, contre tes passions, et contre les flatteurs.

Télémaque.

MASSILLON.

JEAN-BAPTISTE MASSILLON, un des plus grands prédicateurs du siècle de Louis XIV., naquit en 1663, à Hyères en Provence. Il prêcha devant la cour, et obtint un succès prodigieux. Il fut nommé en 1717 à l'évêché de Clermont, et fut reçu à l'Académie française

en 1719.

On a de Massillon un grand nombre de sermons, parmi lesquels on remarque surtout les sermons réunis sous le titre de Petit Carême, regardé comme un des plus parfaits modèles de la littérature française; quelques Oraisons funèbres, dont la plus remarquable est celle de Louis XIV.

Il mourut en 1742, à l'âge de soixante-dix-neuf ans.

DE L'EXISTENCE DE DIEU.

QUEL lieu de la terre pourrions-nous parcourir, où nous ne trouvions partout sur nos pas les marques sensibles de l'existence de Dieu, et de quoi admirer la grandeur et la magnificence de son nom? Si des peuples sauvages ont pu laisser effacer l'idée que Dieu en avait gravée dans leur âme, toutes les créatures qu'ils ont sous les yeux la portent écrite en caractères si ineffaçables et si éclatants, qu'ils sont inexcusables de ne pas l'y reconnaître.

L'impie a beau se vanter qu'il ne connaît pas Dieu, et qu'il ne trouve en lui-même aucune notion de son essence infinie: c'est qu'il le cherche dans son cœur dépravé et dans ses passions, plutôt que dans sa raison. Mais qu'il regarde du moins autour de lui, il trouvera son Dieu partout; toute la terre le lui annoncera. Il verra les traces

de sa grandeur, de sa puissance et de sa sagesse, imprimées sur toutes les créatures; et son cœur se trouvera seul dans l'univers, qui n'annonce et ne reconnaisse pas l'Auteur de son être.

Dieu a gravé si visiblement, dans tous les ouvrages de ses mains, la magnificence de son nom, que les plus simples même ne sauraient l'y méconnaître. Il ne faut pour cela ni des lumières sublimes, ni une science orgueilleuse: les premières impressions de la raison et de la nature suffisent. Il ne faut qu'une âme qui porte encore en elle ces traits primitifs de lumière que Dieu a mis en elle en la créant, et qui ne les a pas encore obscurcis ou éteints par les ténèbres des passions, et par les fausses lueurs d'une abstruse et insensée philosophie.

Qu'est-il besoin de nouvelles recherches et de spéculations pénibles, pour connaître ce qu'est Dieu ? Nous n'avons qu'à lever les yeux en haut: nous voyons l'immensité des cieux qui sont l'ouvrage de ses mains; ces grands corps de lumière qui roulent si régulièrement et si majestueusement sur nos têtes, et auprès desquels la terre n'est qu'un atome imperceptible. Quelle magnificence! Qui a dit au soleil: Sortez du néant, et présidez au jour ? et à la lune : Paraissez, et soyez le flambeau de la nuit? Qui a donné l'être et le nom à cette multitude d'étoiles qui décorent avec tant de splendeur le firmament, et qui sont autant de soleils immenses, attachés chacun à une espèce de monde nouveau qu'ils éclairent? Quel est l'ouvrier dont la toute-puissance a pu opérer ces merveilles, où tout l'orgueil de la raison éblouie se perd et se confond? Quel autre que le souverain Créateur de l'univers pourrait les avoir opérées? Seraient-elles sorties d'elles-mêmes du sein du hasard et du néant? et l'impie sera-t-il assez désespéré pour attribuer à ce qui n'est pas, une toute-puissance qu'il ose refuser à celui qui est essentiellement, et par qui tout a été fait ?

Les peuples les plus grossiers et les plus barbares entendent le langage des cieux. Dieu les a établis sur nos têtes comme des hérauts célestes, qui ne cessent d'annoncer à tout l'univers sa grandeur : leur silence majestueux parle la langue de tous les hommes et de toutes les nations; c'est une voix entendue partout où la terre nourrit des habitants. Qu'on parcoure jusqu'aux extrémités les plus reculées de la terre et les plus désertes; nul lieu dans l'univers, quelque caché qu'il soit au reste

des hommes, ne peut se dérober à l'éclat de cette puissance qui brille au-dessus de nous dans les globes lumineux qui décorent le firmament.

DESTINÉE DE L'HOMME.

Si tout doit finir avec nous, si l'homme ne doit rien attendre après cette vie, et que ce soit ici notre patrie, notre origine, et la seule félicité que nous pouvons nous promettre, pourquoi n'y sommes-nous pas heureux? Si nous ne naissons que pour les plaisirs des sens, pourquoi ne peuvent-ils nous satisfaire, et laissent-ils toujours un fond d'ennui et de tristesse dans notre cœur? Si l'homme n'a rien au-dessus de la bête, que ne coule-t-il ses jours comme elle, sans souci, sans inquiétude, sans dégoût, sans tristesse, dans la félicité des sens et de la chair? Si l'homme n'a point d'autre bonheur à espérer qu'un bonheur temporel, pourquoi ne le trouve-t-il nulle part sur la terre? d'où vient que les richesses l'inquiètent; que les honneurs le fatiguent, que les plaisirs le lassent; que les sciences le confondent, et irritent sa curiosité loin de la satisfaire; que la réputation le gêne et l'embarrasse ; que tout cela ensemble ne peut remplir l'immensité de son cœur, et lui laisse encore quelque chose à désirer? Tous les autres êtres contents de leur destinée, paraissent heureux, à leur manière, dans la situation où l'auteur de la nature les a placés: les astres tranquilles dans le firmament, ne quittent pas leur séjour pour aller éclairer une autre terre: la terre réglée dans ses mouvements, ne s'élance pas en haut pour aller prendre leur place: les animaux rampent dans les campagnes, sans envier la destinée de l'homme qui habite les villes et les palais somptueux: les oiseaux se réjouissent dans les airs, sans penser s'il y a des créatures plus heureuses qu'eux sur la terre: tout est heureux, pour ainsi dire, tout est à sa place dans la nature: l'homme seul est inquiet et mécontent; l'homme seul est en proie à ses désirs, se laisse déchirer par des craintes, trouve son supplice dans ses espérances, devient triste et malheureux

au milieu de ses plaisirs ; l'homme seul ne rencontre rien ici-bas où son cœur puisse se fixer.

D'où vient cela? homme! Ne serait-ce point parceque vous êtes ici-bas déplacé ; que vous êtes fait pour le ciel; que votre cœur est plus grand que le monde ; que la terre n'est pas votre patrie; et que tout ce qui n'est pas Dieu, n'est rien pour vous? Répondez si vous pouvez, ou plutôt interrogez votre cœur, et vous serez fidèle.

DE LA VIE HUMAINE.

QU'EST-CE que la vie humaine, qu'une mer furieuse et agitée, où nous sommes sans cesse à la merci des flots, et où chaque instant change notre situation et nous donne de nouvelles alarmes? que sont les hommes eux-mêmes, que les tristes jouets de leurs passions insensées et de la vicissitude éternelle des événements? Liés par la corruption de leur cœur à toutes les choses présentes, ils sont avec elles dans un mouvement perpétuel: semblables à ces figures que la roue rapide entraîne, ils n'ont jamais de consistance assurée; chaque moment est pour eux une situation nouvelle. Ils flottent au gré de l'inconstance des choses humaines, voulant sans cesse se fixer dans les créatures, et sans cesse obligés de s'en déprendre; croyant toujours avoir trouvé le lieu de leur repos, et sans cesse forcés de recommencer leur course. Lassés de leur agitation, et cependant toujours emportés par le tourbillon, ils n'ont rien qui les fixe, qui les console, qui les paie de leurs peines, qui leur adoucisse le chagrin des événements; ni le monde qui le cause, ni leur conscience qui le rend plus amer. Ils boivent jusques à la lie toute l'amertume de leur calice: ils ont beau le verser d'un vase dans un autre, se consoler d'une passion par une autre passion nouvelle; d'une perte, par un nouvel attachement; d'une disgrâce, par de nouvelles espérances: l'amertume les suit partout: ils changent de situation, mais ils ne changent pas de supplice.

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DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

VOLTAIRE.

FRANÇOIS-MARIE AROUET DE VOLTAIRE, l'un des écrivains les plus célèbres du dix-huitième siècle, naquit en 1694, au village de Châtenay, près de Sceaux. Poète épique, dramatique, satirique, historien, philosophe, il a réussi dans presque tous les genres. Quelques-unes de ses tragédies, telles que Zaïre, Mérope, Oreste, Mahomet, approchent pour la perfection de celles de Racine. Nous lui devons aussi la Henriade, le seul poème épique dont la France puisse s'enorgueillir. Son Histoire de Charles XII., celle de Pierre le Grand, le Siècle de Louis XIV., etc., le mettent au rang des premiers prosateurs. Mais il est pénible d'avouer que ce génie brillant ternit tant de gloire, par un grand nombre d'écrits où la religion et la morale sont indignement outragées. Il mourut à Paris en 1778, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.

BATAILLE DE NARVA.

L'EMPEREUR de Moscovie parut devant Narva à la tête d'une armée de quatre-vingt mille hommes, le premier octobre (1700), dans un temps plus rude en ce climat que ne l'est le mois de janvier à Paris. Le czar, qui, dans de pareilles saisons, faisait quelquefois quatre cents lieues en poste à cheval, pour aller visiter lui-même une mine ou quelque canal, n'épargnait pas plus ses troupes que lui-même. Il savait d'ailleurs que les Suédois, depuis le temps de Gustave-Adolphe, faisaient la guerre au cœur de l'hiver, comme dans l'été: il voulut accoutumer aussi les Moscovites à ne point connaître de saisons, et les rendre, un jour, pour le moins égaux aux Suédois. Ainsi, dans un temps où les glaces et les neiges forcent les autres nations, dans des climats tempérés, à suspendre la guerre, le czar Pierre assiégeait Narva à trente degrés du pole, et Charles XII. s'avançait pour le secourir. Le czar ne fut pas plus tôt arrivé devant la place, qu'il se hâta de mettre en pratique ce qu'il venait d'apprendre dans ses voyages. Il traça son camp, le fit fortifier de tous côtés, éleva des redoutes de distance en distance, et ouvrit lui-même la tranchée.

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