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meubles, d'abord, puis quelques-uns même de ses vêtements; et, quand il se fut ainsi dépouillé, il demeura, privé de toutes ressources, face à face avec la faim. Et la faim n'était pas entrée seule en son logis: la maladie y était aussi entrée avec elle.

Or cet homme avait deux voisins, l'un plus riche, l'autre moins.

Il s'en alla trouver le premier, et il lui dit: "Nous manquons de tout, moi, ma femme et mes enfants: ayez pitié de nous."

Le riche lui répondit: "Que puis-je à cela? Quand vous avez travaillé pour moi, vous ai-je retenu votre salaire, ou en ai-je différé le payement? Jamais je ne fis aucun tort ni à vous, ni à nul autre: mes mains sont pures de toute iniquité. Votre misère m'afflige, mais chacun doit songer à soi dans ces temps mauvais: qui sait combien ils dureront?"

Le pauvre père se tut; et, le cœur plein d'angoisse, il s'en retournait lentement chez lui, lorsqu'il rencontra l'autre voisin moins riche.

Celui-ci, le voyant pensif et triste, lui dit: "Qu'avezvous? il y a des soucis sur votre front et des larmes dans vos yeux.

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Et le père, d'une voix altérée, lui exposa son infortune. Quand il eut achevé: "Pourquoi," lui dit l'autre, "vous désoler de la sorte? Ne sommes-nous pas frères? Et comment pourrais-je délaisser mon frère en sa détresse? Venez, et nous partagerons ce que je tiens de la bonté de Dieu."

La famille qui souffrait fut ainsi soulagée, jusqu'à ce qu'elle put elle-même pourvoir à ses besoins.

Lamennais.

UN MONASTÈRE DU MONT LIBAN.

Nous remontâmes à cheval au pied de la colline, dans la plaine au bord du fleuve; nous traversâmes le pont, nous gravîmes quelques coteaux boisés du Liban, jusqu'au premier monastère, qui s'élevait, comme un château-fort,

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INTRODUCTION.

LE LOUP ET LE JEUNE MOUTON.

DES moutons étaient en sûreté dans leur parc; les chiens dormaient, et le berger, à l'ombre d'un grand ormeau, jouait de la flûte avec d'autres bergers voisins. Un loup affamé vint, par les fentes de l'enceinte, reconnaître l'état du troupeau. Un jeune mouton, sans expérience, et qui n'avait jamais rien vu, entra en conversation avec lui: "Que venez-vous chercher ici?" dit-il au glouton."L'herbe tendre et fleurie,” lui répondit le loup.—"Vous savez que rien n'est plus doux que de paître dans une verte prairie émaillée de fleurs pour apaiser sa faim, et d'aller éteindre sa soif dans un clair ruisseau ; j'ai trouvé ici l'un et l'autre. Que faut-il davantage? J'aime la philosophie qui enseigne à se contenter de peu."-"Il est donc vrai," repartit le jeune mouton, "que vous ne mangez point la chair des animaux, et qu'un peu d'herbe vous suffit? Si cela est, vivons comme frères, et paissons ensemble." Aussitôt le mouton sort du parc dans la prairie, où le sobre philosophe le mit en pièces et l'avala. Défiez-vous des belles paroles des gens qui se vantent d'être vertueux. Jugez-les par leurs actions, et non pas par leurs discours.

Fénelon.

MIEUX QUE ÇA.

L'EMPEREUR JOSEPH II. n'aimait ni la représentation ni l'appareil, témoin ce fait qu'on se plaît à citer: Un jour que, revêtu d'une simple redingote boutonnée, accompagné

B

d'un seul domestique sans livrée, il était allé dans une calèche à deux places qu'il conduisait lui-même, faire une promenade du matin aux environs de Vienne, il fut surpris par la pluie, comme il reprenait le chemin de la ville. Il en était encore éloigné, lorsqu'un piéton; qui regagnait aussi la capitale, fait signe au conducteur d'arrêter, ce que Joseph II. fait aussitôt.-Monsieur, lui dit le militaire (car c'était un sergent), y aurait-il de l'indiscrétion à vous demander une place à côté de vous? cela ne vous gênerait pas prodigieusement, puisque vous êtes seul dans votre calèche, et ménagerait mon uniforme que je mets aujourd'hui pour la première fois.-Ménageons votre uniforme, mon brave, lui dit Joseph, et mettez-vous là. D'où venez-vous?—Ah! dit le sergent, je viens de chez un garde-chasse de mes amis, où j'ai fait un fier déjeuner.

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Qu'avez-vous donc mangé de si bon ?-Devinez.-Que sais-je, moi, une soupe à la bière?—Ah! bien oui, une soupe; mieux que ça. -De la choucroute-Mieux que ça. Une longe de veau ?-Mieux que ça, vous dit-on.Oh! ma foi, je ne puis plus deviner, dit Joseph. Un faisan, mon digne homme, un faisan tiré sur les plaisirs de sa Majesté, dit le camarade, en lui frappant sur la cuisse.-Tiré sur les plaisirs de sa Majesté, il n'en devait être que meilleur ? Je vous en réponds.

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Comme on approchait de la ville, et que la pluie tombait toujours, Joseph demanda à son compagnon dans quel quartier il logeait. - Monsieur, c'est trop de bonté, je craindrais d'abuser de .-Non, non, dit Joseph, votre rue? Le sergent, indiquant sa demeure, demanda à connaître celui dont il recevait tant d'honnêtetés. - A votre tour, dit Joseph, devinez.-Monsieur est militaire, sans doute !-Comme dit Monsieur.-Lieutenant? —Ah! bien oui, lieutenant; mieux que ça.- Colonel peut-être? -Mieux que ça, vous dit-on. Comment! diable, dit l'autre en se rencognant aussitôt dans la calèche, seriezvous feld-maréchal? Mieux que ça.. Ah! mon Dieu, c'est l'Empereur - Lui-même, dit Joseph, se déboutonnant pour montrer ses décorations.-Il n'y avait pas moyen de tomber à genoux dans la voiture : l'invalide se confond en excuses, et supplie l'Empereur d'arrêter pour qu'il puisse descendre. Non pas, lui dit Joseph; après avoir

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mangé mon faisan, vous seriez trop heureux de vous débarrasser de moi aussi promptement; j'entends bien que vous ne me quittiez qu'à votre porte. Et il l'y descendit. Capelle.

LA MÈRE ET LA FILLE.

C'ÉTAIT une nuit d'hiver. Le vent soufflait au dehors, et la neige blanchissait les toits.

Sous un de ces toits, dans une chambre étroite, étaient assises, travaillant de leurs mains, une femme à cheveux blancs et une jeune fille.

Et de temps en temps la vieille femme réchauffait à un petit brasier ses mains pâles. Une lampe d'argile éclairait cette pauvre demeure, et un rayon de lune venait expirer sur une image de la Vierge suspendue au mur. Et la jeune fille, levant les yeux, regardait en silence, pendant quelques moments, la femme à cheveux blancs; puis elle lui dit : Ma mère, vous n'avez pas été toujours

dans ce dénûment?

Et il y avait dans sa voix une douceur et une tendresse inexprimables.

Et la femme à cheveux blancs répondit: Dieu est le maître : ce qu'il fait est bien fait.

Ma fille,

Ayant dit ces mots, elle se tut un peu de temps; ensuite elle reprit: Quand je perdis votre père, ce fut une douleur que je crus sans consolation; cependant vous me restiez; mais je ne sentais qu'une chose alors. Depuis j'ai pensé que, s'il vivait, et qu'il nous vît dans cette détresse, son âme se briserait, et j'ai reconnu que Dieu avait été bon envers lui.

La jeune fille ne répondit rien; mais elle baissa la tête, et quelques larmes, qu'elle s'efforçait de cacher, tombèrent sur la toile qu'elle tenait entre ses mains.

La mère ajouta : · Dieu, qui a été bon envers lui, l'a été aussi envers nous. De quoi avons-nous manqué, tandis que tant d'autres manquent de tout? Il est vrai qu'il a fallu nous habituer à peu, et ce peu le gagner par notre travail: mais ce peu ne suffit-il pas? Et tous

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