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jections sont au contraire des preuves de l'antiquité, de la vérité, de la révélation divine de notre religion. En attendant, il nous faut subir cette avalanche d'objections qui prennent un faux air de profondeur et de science. Nous allons exposer celles de M. J. Reynaud contre l'Eucharistie et le Baptême. On va voir qu'elles sont fondées sur l'ignorance. M. Reynaud croit avoir trouvé que l'Eucharistie se rencontre dans les dogmes du Magisme. Nous ouvrons l'histoire, et lui montrons qu'elle se trouve dans toutes les religions anciennes, parce que c'est un dogme primitif. Mais que penser des destinées de notre pays, quand nous voyons un tel homme acquérir à si bon marché le titre de savant, et être chargé en ce moment de reconstituer l'enseignement public en France? Pauvre jeunesse, si elle n'avait pas d'autres maîtres! En attendant voici ses objections :

» C'est sur son enseignement d'une manne de nouvelle espèce que » Dicu fait descendre du Ciel, qui est une personne, qui a l'efficace » de conférer la vie éternelle à ceux qui s'en nourrissent, que les Juifs, » prenant Jésus pour un insensé, se retirent de lui: des mages l'au» raient pris pour un blasphémateur et lui auraient dit : Tu te pré> tends donc le dieu Hom? Jésus venait en effet de donner à ses dis>>ciples en ce peu de paroles, en la rattachant à lui-même, toute la

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substance de la théologie mazdéenne touchant la nourriture cé» leste. Longtems, je l'avoue, il y a eu pour moi dans cette institution » de Jésus-Christ une source de perplexité qui ne s'est calmée que » lorsque j'ai commencé à découvrir l'antique filiation du mystère. » Je me demandais comment il était possible qu'une idée aussi com» plétement étrangère au sens commun, tel qu'il avait existé jusque ‹ alors, fût entrée dans l'intelligence d'un homme par une voie natu» relle; ou, en la supposant vaine et sans aucune convenance réelle à » la condition du genre humain, comment il se pouvait qu'une si » étrange folie' eût séduit les hommes et servi pendant tant de siè» cles à la glorification de son auteur. Il me semblait donc, que si elle » avait de la valeur, il fallait nécessairement la rapporter à une révé»lation surnaturelle, c'est-à-dire accuser d'une certaine manière la » vertu du genre humain, et que, si elle n'en avait pas, il fallait reve» nir encore à condamner le genre humain et d'autant plus sévère• Un des scandales les plus communs de notre époque, c'est de voir avec

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» mént. Mais mon incertitude s'est résolue en une satisfaction par❤ » faite, quand je suis arrivé à voir que le dogme eucharistique, loin » d'être né, indépendamment de toute tradition, dans un esprit isolé, correspondant par sa racine au principe même des choses humaines, » émanait directement de la période sacrée des origines sans autre » nom d'auteur que Dieu et l'homme, et recommandé depuis lors au >> respect de la théologie par l'autorité d'une croyance constante. J'ai compris que consommant effectivement sa destinée, Jésus, par l'é» tablissement de ce sacrement capital, n'avait fait qu'engager sous » une forme particulière, le monde romain dans l'alliance théologique » que lui préparaient, à son insu, depuis le commencement des tems, les lois des nations et qui, lui communiquant une nouvelle vie, ont » décidé sa véritable grandeur, et de cette manière ce que j'avais es» timé anomalie n'a plus été pour moi qu'un progrès régulier, et, si je puis ainsi dire, qu'une nouvelle pousse du tronc oriental 1. »

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M. E. Quinet ne pense pas différemment : « Il faut que l'homme goûte la parole sacrée, qu'il en fasse sa pâture, son breuvage, qu'il

quelle étrange légèreté les plus minces penseurs traitent la doctrine et les mystères de la Révélation, qu'ont justifiés et défendus tant de fois les plus puissans génies des tems modernes. Pour ne parler que de la présence réelle, dont il est ici question, M. J. Reynaud devrait-il ignorer avec quelle chaleur elle a été défendue par Descartes, par Leibnitz, par Bossuet, par Arnauld, par Pascal et par Fénelon ? Si nous avions à choisir entre des autorités simplement humaines, nous serions bien disposé à préférer l'opinion de ces grands hommes à celle du directeur de l'Encyclopédie nouvelle, qui, pour me servir d'une admirable parole de Bossuet, pour ne pas croire d'incomprehensibles vérités, se jetle dans d'incompréhensibles erreurs. Mais, un seul motif nous suffit; c'est la parole de Dieu, plus puissante et plus vraie que toutes les subtilités d'une vaine dialectique. « Je crois tout ce que dit le Fils de Dieu, disait >> très-bien l'Ange de l'Ecole; rien n'est plus vrai que le Verbe même de vérité. Quand aux impossibilités prétendues de la présence réelle, on y a répondu depuis longtems.- Voir de Pressy, Instruction pastorale sur le mystère de l'Eucharistie, édition de Migne, t. 1, p. 1031.- Leibnitz, Système théologique.

De Lignac, La présence corporelle de l'homme en plusieurs lieux prouvée possible par les principes de la saine philosophie, etc. in-12. Paris, 1764. On en trouve une longue analyse dans le discours de M. de Pressy cité ci-dessus, * J. Reynaud, art. Zoroastre, p. 818: dans l'Encyclopédie nouvelle.

» communie avec l'univers tout entier en buvant le suc mystique de » l'arbre de vie dans le vase de Djemschid qui figure la coupe du » monde. Il faut qu'il mange la chair divine, le pain d'Ormuzd, sur » les tables de la liturgie. Voilà le principe de la cène et de l'eucha>> ristie chrétennes au fond du rituel persan. »

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Nos adversaires s'entendent merveilleusement. Pendant que MM. P. Leroux et Salvador font naître le mystère de l'Eucharistie dans les communautés Esséniennes, MM. J. Reynaud et E. Quinet n'y voient qu'une transformation du sacrifice du Hom dont l'origine se perd, selon eux, dans les profondeurs de la haute antiquité. Si l'on s'était bien rendu compte de la signification et du culte du Hom on ne serait pas surpris de voir les sectateurs de Zoroastre attribuer au jus de cette plante des vertus presque divines. MM. J. Reynaud et E. Quinet ne me paraissent avoir saisi ni l'un ni l'autre le véritable sens de cette partie singulière de la liturgie mazdéenne.

On ne doit pas oublier que les Perses avaient gardé le souvenir de l'Arbre de vie planté par la main de l'Eternel dans les jardins d'Eden. Ils se figuraient que le Hom, végétal des montagnes, était cet arbre merveilleux dont le souvenir se retrouve dans tant de traditions du vieux monde asiatique. Il était tout naturel à ce point de vue qu'on s'imaginât que cette plante avait des vertus admirables, qu'elle développait les forces de l'âme, comprimait les penchants mauvais, et assurait à l'immortalité future les droits les plus sacrés. Il ne faut donc pas s'étonner si la liturgie des mages en parle avec tant d'enthousiasme, si elle le célèbre comme un breuvage divin, comme une émanation du Dieu même de la vie.

» Le grand Ormuzd, dit un des plus grands théologiens de notre époque, a créé à l'origine l'Arbre de vie. Cet arbre symbolique, appelé Hom, croît dans les eaux de la source pure et vivifiante qui sort » du trône d'Ormuzd même. Il éloigne la mort et opère la résurrec» tion, et fera vivre les bienheureux.......... Après en avoir extrait le >> jus qu'on reçoit dans la coupe sacrée, on le boit, car il est dit que » celui qui boira ce jus ne mourra pas 3. »

E. Quinet, Génie des Religions, 311.

' Voir Salvador, Jésus-Christ et sa doctrine, 11, 155.-Le Christ et l'Evangile, la France.

3 Gerbet, Considerations sur le dogme générateur de la piété catholique,

Cette croyance remarquable n'est pas particulière aux sectateurs de Zoroastre: nous la retrouvons avec toute sa singulière énergie dans les chants du Sama-veda.

« Le jus de la plante Soma, dit M. Nève, offert aux dieux en liba» tion, est aussi devenu une personnification divine que les adora» teurs de la lumière veulent se rendre propice par leurs chants; le » pouvoir surnaturel de sa liqueur purifiée est tel qu'il écarte les » mauvais génies, ou Rakschasas, ennemis des hommes et des dieux, perturbateurs jaloux des sacrifices, et qu'il assure à ceux qui l'ont préparée la force et la félicité ». « Veux-tu, ô Soma! dit encore » un des livres sacrés de l'Inde, nous donner la vie, nous ne mour» rons plus 2. >>

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Les idées que nous venons d'exposer ne paraissent-elles pas, au contraire, avoir leurs racines dans cette Révélation primitive qui, a créé ce besoin impérieux de la présence divine, et semble être, dans la société païenne, une véritable maladie des âmes désespérées? C'est de là que naissaient la consécration des statues pour y faire habiter les dieux immortels, la pratique continuelle des incantations, toutes ces hab tudes étranges et mystérieuses qui se développèrent avec tant d'énergie dans les anciens mystères de Mithra3. Le Paganisme n'était,

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p. 31. L'interprétation que nous avons donnée du sacrifice du Hom se trouve confirmée par plusieurs passages très-remarquables du Zend-avesta, Auquetil Duperron, Zend-avesla, Vispered xive Cardé. - Vendidad fargar - Boundehesch 1, xvш, xxvII. - Peut être, pour concilier entre eux les différents passages des livres Zend, qui paraissent au premier coup d'œil si contradictoires, faut-il admettre qu'un esprit céleste résidait dans l'arbre du Hom dont on distinguait deux espèces. C'est là ce qui parait résulter du ix* ha de l'I:eschne. Voir aussi, ibid. xe et xte ha. - On pourrait trouver dans l'histoire du Paganisme occidental des exemples de ce genre, puisque l'esprit des Dieux résidait souvent dans des choses inanimées, par exemple dans les

statues.

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' Voir Neve, Observations sur les chants du Sam x-véda dans les Annales de philosophie chrétienne, 3 sèrie, xí, p. 173.

2 Rig-veda, liv. 1, chap. xcr, strop. vi.

3 Tertullien dit que le Démon dont les fonctions consistent à intervertir la vérité, imite dans les mystères des ido es les rites des sacrements. Tertullien,

la plupart du tems, qu'une altération criminelle des traditions les plus anciennes du monde. Au milieu de ces pratiques sacriléges, inventées par la terreur ou par les passions des hommes, on retrouve presque toujours la trace des plus anciens souvenirs du genre humain. Nous pouvons donc accorder à M. J. Reynaud, qu'on retrouve, même dans ces cultes païens très-corrompus, des traces de ce sacrifice prophétique offert par les patriarches dès l'origine du monde, qui n'était qu'une figure de l'oblation éternelle instituée par celui que David appelle prêtre selon l'ordre de Melchisedech. Il ne faut donc pas être surpris de trouver dans la religion mazdéenne ce sacrifice du pain, dont la trace est visible dans presque tous les cultes du vieux monde. On faisait en effet des offrandes de pain et de fruits auxquelles les assistans participaient après le sacrifice. Rien de plus solennel que les prières qui, dans la liturgie mazdéenne, accompagnaient cette cérémonie imposante'.

Tertullien nous affirme qu'une oblation du pain existait aussi dans les initiations de Mithra 2. Dans l'Inde, la nourriture du corps était considérée comme le symbole de la vertu divine qui fortifiait les âmes. Au Mexique et au Pérou, en Chine, l'oblation du pain se trouve conservée dans certaines cérémonies 5. Reuchlin nous atteste que l'ancien sacrifice des pythagoriciens se faisait avec le pain et le vin. Le même usage se retrouve chez les anciens Celtes 7. Tout le

De præscriptionibus, XL. Saint Justin, après avoir raconté l'institution du mystère de l'Eucharistie ajouté: « Les démons ont enseigné dans les mystères » et les initiations de Mithra une pratique qui est une imitation de ce sacre»ment.» Saint Justin, Apologie 11.

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• Voir Anquetil-Duperron, Zend-avesla,11;

Afrin du Gahanbar, et Afrin de Zoroastre.

Afrin des sept Amschaspand.

Expositionem delictorum de lavacro repromittit.... Mithra.... celebrat et

panis oblationem. Tertullien, De præscriptionibus, c. 41, édition Migne, t. 11, p. 54.

3 Voir D'Eckstein, Le Catholique, iv, 219.

On trouve des sacrifices faits avec le pain de maïs auxquels le peuple participait. Carli, Lettres américaines, 1, 154, 155.

5 Brunet, Parallèle des religions, 1, 420, 1re partie. Rossigno', Lettres sur Jésus-Christ. 11, 184.

7 Brunet, Parrallèle des religions, 1, 80, 2o [artie.

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