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» la figure d'homme au soleil, à la lune, aux étoiles; tu en as fait » des êtres animés; c'est un pur mensonge et une preuve de ton » ignorance. Tous ces êtres sont des êtres inanimés, créés de Dieu » pour éclairer le monde'. Le Gange a-t-il plus de vertu qu'une >> autre rivière? que trouves-tu dans le Gange? de l'eau comme celle » de la fontaine, comme celle du ruisseau; ce qui lave les péchés, >> c'est le repentir de les avoir commis, c'est une bonne conduite » pour l'avenir 2.

Il est inutile de suivre Soumanta dans la série de ses réfutations; ces passages pris au hasard peuvent donner une idée juste du rôle tout chrétien qu'il remplit à l'égard de Vyasa. Le plus grand obstacle à la conversion des brahmanes n'était pas tant dans leurs erreurs qu'ils reconnaissaient quelquefois sans peine, que dans les exigences de leur caste orgueilleuse. Mais l'invasion et la domination des Mogols dans le Carnate cut le double avantage de protéger les missionnaires et d'affaiblir de beaucoup la tyrannie des usages. Soumanta fait allusion à cette circonstance. « Cependant, dit-il, malgré les » maux qui inondent la terre dans ce siècle malheureux, on peut » dire qu'il a quelque chose de plus avantageux que les autres. Vyasa. Quels sont ces avantages? Soum. Dans les premiers

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siècles, chaque caste était soumise à différentes cérémonies qui ne » sont plus en usage. On ne pensait pas à enseigner le Vedam aux » Choutres et à la populace, c'eût été un péché. On le peut main» tenant sans crainte et sans scrupule.

On peut lire dans les Lettres édifiantes et notamment dans celles du P. Calmette, combien les préjugés de caste diminuèrent et combien le Christianisme fit de progrès parmi les Choutres, sous la protection des Nababs. Quant aux brahmanes, quoiqu'ils se rapprochassent des missionnaires, en les voyant instruits dans les sciences sacrées, peu se convertissaient. Car se faire chrétien, c'était renoncer à tous ses priviléges. Aussi en exhortant Vyasa à se convertir, Soumanta (le missionnaire), compare cet acte décisif aux cérémonies que pratique un brahmane, lorsque pour embrasser la vie des Sannyassis,

Ibid.

2 Ibid.

il abandonne tous ses biens, et fait même le sacrifice de la ligne, c'est-à-dire de ce cordon de coton que les brahmanes portent en bandoulière, comme insigne de leur caste.

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Vyasa. Quelles cérémonies doit-il observer en quittant la ligne? » Soumanta. Ayant fait du feu, il récitera cette prière en présence » de son gourou :

» Grand Dieu, vous m'avez mis au monde pour vous servir, et je » n'y ai vécu que pour vous offenser! ma vie n'a été qu'un tissu » de péchés et de désordres; je n'ai jamais su ce que c'était que la » vertu; je ne l'ai jamais pratiquée. Touché aujourd'hui d'un vrai » désir de vous plaire, je renonce non-seulement à ces faux biens qui » ont été pour moi l'occasion de tant de péchés, mais encore à la ligne. Qu'ai-je besoin, en effet, de porter une marque distinctive de » ma caste? L'unique endroit par où je veux désormais me distin» guer, est la connaissance profonde, que vous voudrez bien me >> communiquer de votre être et de vos perfections. Daignez, Sei» gneur, en considération du sacrifice que je vous fais, de ce que je puis avoir de plus cher, me pardonner mes fautes et avoir pitié de » moi. » Cela dit, il jetera sa ligne dans le feu '.

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Par ces citations il est facile de juger quel est l'esprit de l'EzourVédam; sans en examiner la valeur au point de vue de l'art, on doit y reconnaître une idée ingénieuse autant qu'apostolique. Ainsi le missionnaire voulait-il préparer l'esprit et le cœur des brahmanes, et les amener graduellement à une entière conversion. Pour se faire comprendre d'eux, il fallait prendre leur langage, et pour qu'ils fussent capables de distinguer la lumière, il était nécessaire de guérir préalablement leurs yeux malades. C'est à ceux qui connaissent le génie des brahmanes à dire si cette méthode n'était pas plus rationnelle qu'une lecture immédiate de la Bible.

L'abbé BACH,

De la Société asiatique de Paris.

1 L. m, c. 2.

Polémique Catholique.

DE LA

PERPÉTUITÉ DES MIRACLES DANS L'ÉGLISE,

LETTRE A M. L'ABBÉ LAFFETAY,

Chanoine de Bayeux, docteur es-lettre.

MIRACLE DU TEMPLE DE JÉRUSALEM.

Julien voulait faire mentir la prophétie relative à l'irrémédiable destruction du temple, mais ce défi adressé à Dieu ue deme ara pas sans réponse. D DOLLINGER.

MONSIEUR ET BIEN CHER AMI,

Un jour, le platonicien couronné qui avait, comme Voltaire, juré de renverser J.-C. de son trône éternel, prit dans ses mains nos livres saints. Quand il fut arrivé au livre de Daniel, il y lut cette prophétie, sur laquelle ses regards s'arrêtèrent longtems:

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Après 62 semaines, le Christ sera mis à mort, et le peuple qui le >> doit renoncer ne sera plus son peuple. Un peuple, avec son chef, qui doit venir, détruira la ville et le sanctuaire; elle finira par une » ruine entière, et la désolation qui lui a été prédite arrivera après » la fin de la guerre. Il confirmera son alliance avec plusieurs dans

» une semaine, et, à la moitié de la semaine, les hosties et les sacri>>fices seront abolis, l'abomination de la désolation sera dans le lieu » saint, et la désolation durera jusqu'à la consommation et jusqu'à » la fiu'. »

« Et post hebdomades sexaginta duas occidetur Christus et non erit ejus populus qui eum negaturus est. Et civitatem et sanctuarium dissipabit populus cum duce venturo, et finis ejus vastitas et post finem belli statuta dissoJutio. Confirmabit autem pactum multis hebdomada una; et in medio hebdomadis deficiet hostia et sacrificium, et erit in templo abominatio desolationis et usque ad consummationem et finem perseverabit desolatio (Daniel,

Enfin, Julien jeta ses regards inquiets sur l'Évangile, et voici ce qu'il y lut:

« Lorsque Jésus sortait du temple pour s'en aller, ses disciples » s'approchèrent de lui pour lui faire remarquer la structure et la grandeur de cet édifice, et il leur dit : Voyez-vous tous ces bâti» mens? je vous le dis, en vérité, ils seront tellement détruits qu'il » n'y demeurera pas pierre sur pierre'. »

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L'empereur ferma le livre sacré. Il crut enfin avoir trouvé le côté faible du Christianisme, et il ordonna aussitôt à un de ses amis intimės, Aly pius, et au gouverneur de la province, de rebâtir le temple de Jérusalem.

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1x, 26, 27). « Conformément aux prophéties de l'ancien et du nouveau testament, dit le docteur Dællinger, la religion judaïque, dès lors qu'elle ne passait pas au christianisme et ne se transformait pas en loi purifiée et complétée, devait, aussitôt après l'affermissement de la loi nouvelle, tomber et » s'éteindre. C'était une nécessité de son caractère emblématique, de sa destination purement préparatoire. Pour accomplir ce plan auquel la nation >> juive ne voulait pas prêter les mains en acceptant volontairement l'Evangile, la providence choisit le moyen le plus simple, les Romains exécuteurs de la sentence divine, détruisirent le temple, et, dans cette destruction les sa»crifices et le sacerdoce de l'ancien testament, déjà privés de leur force in»terne par le sacrifice et le sacerdoce de J.-C., furent aussi anéantis et abrogés entièrement. En effet avec le temple tomba le culte qui y était attaché, et avec ce culte la religion juive. Or la ruine du temple comme la suppression des sacrifices qui s'y célébraient devait être et doit rester irré

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» vocable. Ainsi l'annonçaient les voix prophétiques des deux Testamens, ainsi l'exige la relation du nouveau avec l'ancien, car ce qui a pris la place de T'emblème, l'Evangile avec le pur et non sanglant sacrifice de l'Eucharistie, » a pour lui la promesse d'une continuelle durée. Auprès de l'Evangile ne » peuvent subsister les anciennes figures et l'œuvre que Dieu avait autrefois » établie lui-même, mais qu'il a ensuite brisée quand le tems a été accompli, nulle main humaine ne peut ni ne doit jamais le rétablir.» (Dællinger, Origines du christianisme, traduction Léon Boré, t. 11, p. 31; Julien, - Voir encore La Bletterie, Vie de Julien.

« Et egressus Jesus de templo ibat et accesserunt discipuli ejus, ut ostenderent ei ædificationes templi. — Ipse autem respondens dixit illis: Videtis hæc omnia? Amen dico vobis non relinquetur hic lapis super lapidem qui non destruatur.» Math., xxiv, 1, 2, et saint Marc, xi, 1, 2.

Les lettres 29′′ et 30 de Julien sont adressées à Alypius. Dans la dernière
Ile SÉRIE. TOME XVIII. N° 103; 1848.

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«< Des matériaux furent réunis en immense quantité, les Juifs ac» coururent en foule, et même, des lieux les plus éloignés, il en vint » un grand nombre pour être témoins de la victoire qui allait être » remportée sur l'Église de J.-C. Mais ce défi adressé à Dieu ne de» meura pas sans réponse; de violens coups de vent dispersèrent les » matériaux; la foudre mit en pièces les machines et les outils ; » un tremblement de terre envoya au loin les pierres restées dans les » anciens fondemens, et jeta à bas les maisons voisines. Dans la nuit, » une croix brillante entourée d'une couronne parut au ciel, et les » vêtemens des assistans furent marqués du même signe. Mais ce qui » porta le coup décisif, ce furent les flammes, qui, sortant des en» trailles de la terre, tuèrent un grand nombre de travailleurs, en » blessèrent d'autres, et, par leurs éruptions multipliées, forcèrent » enfin les Juifs et les païens à abandonner malgré eux la partie1. Tels sont les faits qu'il s'agit d'établir: commençons par le témoignage des écrivains païens.

Julien, dit Ammien-Marcellin, qui avait été trois fois consul, en» tra pour la quatrième fois dans cette souveraine magistrature, s'as

Julien ne voulait évidem

il l'appelle Αδελφέ ποθεινότατε καὶ φιλικώτατε. ment s'en rapporter qu'à un autre lui-même. Voir Warburton, le portrait d'Alypius; Dissertation sur le projet de Julien, traduction Mazéas, 1, 75-76. - Cet excellent ouvrage de Warburton est très-rare et il n'a jamais été réimprimé, nous n'aurions pas pu nous le procurer sans les soins obligeans de M. Lecoffre qui nous l'a procuré à Paris, avec beaucoup de peine. Du reste le célèbre évêque de Glocester n'a pas seul savamment traité cette question: Seigneux de Correvon, Colonia, Bullet, Bailly, Bergier, le docteur Dællinger, en Suisse, en France et en Allemagne l'ont chacun à leur tour étudiée.-Voir Seigneux de Correvon, Notes sur¡Addison, la religion chrétienne, section VII, 6; dans le t. 1x, p. 1043 des Demonstrations evangéliques, de Migne; Colonia, La religion chrétienne autorisée par le témoignage des anciens auleurs païens; Bullet, Histoire de l'établissement du christianisme, note 78; dans les Demonstr. de Migne, t. x, p. 415 et 490; Bailly, de Religione, 11, De restauratione templi Hierosol.; Bergier, Dictionnaire de théologie, art. temple; Dællinger, Origines du christianisme. Nous avons comparé ensemble ces différens auteurs.

Dællinger, Origines du christianisme, 11, Julien. Seigneux de Correvon ajoute quelques détails (Cfr. Seigneux de Correvon, Notes sur Addison).

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