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pectueusement entre vos mains, M. le président, l'expression de notre vou, au nom du Chapitre, au nom de tout le clergé de Paris, au nom même du vénérable pontife dont nous fùmes les collaborateurs, les conseillers et les amis. Daignez agréer, monsieur le président, l'assurance de notre haute considération.

» Les vicaires-généraux capitulaires, le siége vacant.

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M. DELONGRAIS annonce qu'il prend en son nom la proposition contenue dans la lettre qui vient d'être lue; il en fera l'objet d'un amendement.

M. BABAUD-LARIBIERE. Votre commission s'est aussi préoccupée du lieu qu'on choisirait pour la statue de l'archevêque de Paris. Ce monument est élevé au nom de la République, et votre commission a pensé qu'on devait le placer dans un lieu qui n'eût pas le caractère de telle secte religieuse. (Violente opposition.) Il s'agit d'honorer le dévouement d'un grand citoyen; la France entière veut prendre part à cette glorification; il faut qu'aux pieds de cette statue, tous les citoyens, à quelque secte religieuse qu'ils appartiennent (bruit), puissent venir apporter le tribut de leur admiration.

On a proposé d'élever la statue sur le lieu même où le sacrifice s'est consommé, il y a même une pétition du faubourg Saint-Antoine, déposée ce matin (Sensation.) qui demande qu'il en soit ainsi. Vous venez d'entendre qu'on propose également l'église de Notre-Dame pour recevoir le monument. Votre commission persiste à penser que le Pantheon, monument consacré à la mémoire des grands citoyens, doit être préféré. Ce serait le commencement d'une suite de statues destinées à rappeler les traits des citoyens qui sont morts pour la patrie..

M. COQUEREL. Je n'ai qu'un mot à dire. Quand je voudrai rendre hommage à la mémoire de l'archevêque de Paris, je n'hésiterai pas à me rendre sous les voûtes de l'église Notre-Dame, et je puis assurer que mes co-religionnaires seront comme moi. (Très bien. On applaudit.)

Voici le décret qui a été adopté à la suite de cette discussion :

L'Assemblée nationale a adopté le décret dont la teneur suit :

« Art. 1er. Un monument sera élevé, sous les voûtes de l'église métropoli»taine de Notre-Dame de Paris, au nom et aux frais de la République, à la » mémoire de l'archevêque de Paris. Sur ce monument, on lira les inscriptions >> suivantes :

Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. »

(Saint Jean, X, 11).

« Puisse mon sang étre le dernier verse! »

(Dernières paroles du prélat.)

› Art. 2. Il est ouvert, à cet effet, au ministre de l'intérieur un crédit de . 50,000 fr. sur l'exercice de 1848.

» Il sera pourvu à cette dépense au moyen des ressources accordées par » la loi de finances du 8 août 1847 pour les besoins de l'exercice 1848. La » portion de crédit employée pendant cet exercice pourra être reportée à » l'exercice suivant par arrêté du pouvoir exécutif.

» Art. 3. Le monument sera mis au concours.

» Délibéré en séance publique, à Paris, le 17 juillet 1848. »

Voici maintenant les détails donnés par M. le docteur Cayol dans le n° de juin de la Revue médicale française et étrangère; nos lecteurs nous sauront gré de leur avoir fait connaître ce document qui ressemble et par les faits qu'il raconte et par l'esprit qui l'a dicté, à un de nos anciens actes de martyrs.

RELATION DE LA BLESSURE ET DE LA MORT DE MONSEIGNEUR L'ARCHEVÊQUE DE PARIS.

«

Queque ipse miserrima vidi!

Quoique ce triste et glorieux événement soit déjà connu du monde entier, nous croyons que le public et le corps médical en particulier attendent de nous quelques nouveaux détails.

Et les fidèles abonnés de notre Revue, ces confrères de prédilection, qui, non-seulement en France, mais dans tous les pays étrangers, ont, depuis plus de vingt ans, soutenu et propagé notre œuvre par leurs honorables sympathies, que penseraient-ils de nous, en feuilletant leur cahier de JUIN 1848, s'ils y cherchaient vainement quelques pages qui consacrent un souvenir douloureux et consolant tout ensemble pour la religion et pour la patrie, pour cette chère patrie, si cruellement déchirée par une guerre civile monstrueuse, et jusqu'ici sans exemple dans l'histoire des peuples civilisés !

C'est donc un devoir de notre position que nous venons accomplir. Nous serons sobres de paroles, en retraçant des faits qui parlent assez d'eux-mêmes, et beaucoup mieux que nous ne saurions le faire.

Le dimanche 25 juin, entre 7 et 8 heures du soir, tandis que le canon grondait à Paris, et qu'on voyait passer dans les rues les brancards chargés de morts et de blessés, l'Archevêque se dirigeait vers le faubourg Saint-Antoine. Il venait porter aux insurgés des paroles

de paix et de charité; il venait les exhorter avec l'autorité de son caractère à faire cesser l'effusion du sang français. Il était accompagné de ses deux vicaires, MM. Jaquemet et Ravinet.

Le général Cavaignac avait approuvé sa généreuse résolution, sans toutefois lui en dissimuler le danger.

Arrivé sur la place de l'Arsénal, où se trouvaient réunies des forces imposantes d'infanterie et d'artillerie, l'Archevêque s'adressa à l'officier supérieur qui commandait l'attaque du faubourg. Il lui fit connaître l'assentiment donné par le général Cavaignac à sa démarche, et le pria de faire suspendre le feu, qui était en ce moment très-vif sur la place de la Bastille. Les officiers le conjuraient de renoncer à une entreprise qui compromettait sa vie, et qui présentait, suivant eux, peu de chances de succès; ils lui citaient, entre autres catastrophes récentes, l'assassinat du brave général de Bréa et de son aide-de-camp. Le prélat demeurait ferme dans sa résolution. « Ma vie, disait-il, est bien peu de chose, et je ne puis renoncer à l'espoir » de ramener à de meilleurs sentimens ce malheureux peuple qu'on » a trompé.

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Le général commandant cède enfin à ses instances, et donne l'ordre de suspendre le feu sur toute la ligne. En attendant que cet ordre soit exécuté, l'Archevêque visite et console les blessés dans la rue, et dans une ambulance voisine. Plusieurs gardes nationaux de bonne volonté, qui l'avaient suivi malgré lui, revêtent une blouse d'ouvrier, et faisant flotter un mouchoir blanc au-dessus de leur tête, courent vers les barricades pour faire cesser les hostilités de ce côté. L'un d'eux attache un rameau vert au bout d'une perche, en signe de paix, et marche en avant, à peu de distance de l'Archevêque, pour annoncer son arrivée dans le faubourg '.

Les insurgés, en masse, montrent d'assez bonnes dispositions. Cependant quelques-uns des plus exaltés font entendre, çà et là, de sinistres paroles, et repoussent avec colère l'intervention pacifique qui leur est offerte. « Il nous faut, disent ces furieux, encore trois jours de combats... Que vient faire ici votre archevêque? Il aurait » mieux fait de rester chez lui... » Ces paroles, et d'autres encore,

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Voir la lettre de ce généreux citoyen au dernier n°, tome xvi, p. 469.

que nous ne voulons pas répéter, étaient proférées dans un groupe où se trouvait un des grands vicaires, qui fut assailli de grossières injures pour avoir voulu faire quelques observations. Hâtons-nous d'ajouter, comme complément de vérité historique, que les scènes de ce genre étaient exceptionnelles, et que l'habit ecclésiastique était généralement respecté dans le faubourg. Mais hélas ! c'est bien ici le cas de rappeler le dicton populaire: li ne faut qu'une mauvaise tête pour faire un mauvais coup.

L'entrée de la grande rue du faubourg était fermée par une énorme barricade, appuyée à droite sur une boutique de marchand de vin, qui a deux issues, l'une sur la place de la Bastille et l'autre dans la rue du Faubourg. C'est par là que l'Archevêque fut introduit. Les insurgés le reçurent avec des témoignages de respect et de satisfaction. Il entra, précédé de son parlementaire officieux, porteur du rameau vert, et suivi de son valet de chambre seulement, les deux grands vicaires s'étant trouvés retenus en dehors de la barricade par quelques collisions qu'ils s'efforçaient d'appaiser.

A peine l'Archevêque avait-il fait quelques pas dans le faubourg, et élevé la voix pour faire entendre ces mots : mes amis, mes amis, en étendant les mains vers les insurgés, un coup de fusil, parti on ne sait d'où ni comment, fut le signal d'un grand désordre : les cris à la trahison! aux armes! aux barricades! retentissent dans le faubourg; les insurgés font une décharge, la garde mobile riposte. Au milieu de ce feu croisé et de tout ce tumulte, l'Archevêque, frappé d'une balle, fléchit sur ses jambes, et s'affaisse sur le trottoir à droite, en disant à l'homme au rameau vert qui lui tendait la main : mon ami, je suis blessé. Sa figure était restée si calme qu'on put croire, dans le premier moment, sa blessure légère. Il était devant la boutique n° 4 occupée par un bureau de tabac. Les insurgés s'empressent autour de lui pour le relever, avec de grandes démonstrations de douleur et de regrets. « Ce n'est pas nous, s'écrient-ils, qui vous » avons blessé; ce sont les brigands; mais nous vous vengerons. » — » Non, non, mes amis, disait l'Archevêque, ne me vengez pas; je ne » veux pas être vengé : il y a assez de sang répandu ; je désire que » le mien soit le dernier. » On improvise un brancard avec des fusils, pour le mettre à l'abri de la fusillade qui n'avait pas cessé, et on le

de paix et de charité; il venait les exhorter avec l'autorité de son caractère à faire cesser l'effusion du sang français. Il était accompagné de ses deux vicaires, MM. Jaquemet et Ravinet.

Le général Cavaignac avait approuvé sa généreuse résolution, sans toutefois lui en dissimuler le danger.

Arrivé sur la place de l'Arsénal, où se trouvaient réunies des forces imposantes d'infanterie et d'artillerie, l'Archevêque s'adressa à l'officier supérieur qui commandait l'attaque du faubourg. Il lui fit connaître l'assentiment donné par le général Cavaignac à sa démarche, et le pria de faire suspendre le feu, qui était en ce moment très-vif sur la place de la Bastille. Les officiers le conjuraient de renoncer à une entreprise qui compromettait sa vie, et qui présentait, suivant eux, peu de chances de succès; ils lui citaient, entre autres catastrophes récentes, l'assassinat du brave général de Bréa et de son aide-de-camp. Le prélat demeurait ferme dans sa résolution. « Ma >> vie, disait-il, est bien peu de chose, et je ne puis renoncer à l'espoir » de ramener à de meilleurs sentimens ce malheureux peuple qu'on » a trompé.

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Le général commandant cède enfin à ses instances, et donne l'ordre de suspendre le feu sur toute la ligne. En attendant que cet ordre soit exécuté, l'Archevêque visite et console les blessés dans la rue, et dans une ambulance voisine. Plusieurs gardes nationaux de bonne volonté, qui l'avaient suivi malgré lui, revêtent une blouse d'ouvrier, et faisant flotter un mouchoir blanc au-dessus de leur tête, courent vers les barricades pour faire cesser les hostilités de ce côté. L'un d'eux attache un rameau vert au bout d'une perche, en signe de paix, et marche en avant, à peu de distance de l'Archevêque, pour annoncer son arrivée dans le faubourg '.

Les insurgés, en masse, montrent d'assez bonnes dispositions. Cependant quelques-uns des plus exaltés font entendre, çà et là, de sinistres paroles, et repoussent avec colère l'intervention pacifique qui leur est offerte. « Il nous faut, disent ces furieux, encore trois jours de combats... Que vient faire ici votre archevêque? Il aurait » mieux fait de rester chez lui... » Ces paroles, et d'autres encore,

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' Voir la lettre de ce généreux citoyen au dernier n°, tome xvii, p. 469.

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