Page images
PDF
EPUB

moment où j'écris, doit peut-être plus à son esprit fin, malin, mordant, satirique, audacieux, qu'à ses chefs-d'œuvre littéraires, la réputation colossale dont il jouit, et les éditions multipliées que l'on donne en ce moment de ses œuvres complettes (1).

Cependant il faut dire que l'esprit ne suffit pas pour consolider une réputation littéraire, et lui faire traverser les siècles ; il est reconnu que l'esprit sans le génie peut bien briller d'un grand éclat, mais que son triomphe sera peu durable, à moins que des cir

(1) Les anciennes éditions complètes ne manquoient cependant pas; on en a donné un aperçu raisonné depuis 1732 jusqu'en 1817, dans une brochure intitulée : Recherches sur les ouvrages de Voltaire, contenant 1.o des Réflexions sur ses écrits; 2.o une Notice des différentes éditions de ses œuvres choisies ou complètes jusqu'à ce jour; 3.o le Détail des condamnations juridiques qu'ont encourues la plupart de ses écrits; et 4.o l'Indication des principaux ouvrages dirigés contre Voltaire. Par J.-J.-E. G............., avocat. Paris, (Dijon) 1817, in-8.o de 69 pages. La liste des éditions se trouve pages 22 -38. M. Beuchot s'occupe d'un travail bibliographique sur les œuvres de Voltaire, beaucoup plus étendu et plus exact; en l'attendant voici la liste des principales éditions qui ont paru depuis 1748:

OEuvres de Voltaire, Dresde, 1748 - 54, 10 vol. in-8.o

Genève, 1756 et suiv., d'abord 17 vol. in-8.o, dont le nombre est allé successivement jusqu'à 40 vol.

Genève, 1768 et suiv., 45 vol, in-4.o, tirée à 4,500 exemp. - Genève (édition encadrée), 1775, 40 vol. in-8.o, tirée à 6,000 exemplaires.

Kehl (édition de Beaumarchais), 1784 et suiv., 70 vol. ins 8.o, tirée à 28,000 exemplaires.

tirée à 6,000

Kehl, 1785, 92 vol. in-12, tirée à 15,000 exemplaires.
Basle et Gotha, 1784 et suiv., 71 vol. in-8.o,
exemplaires.

constances imprévues ne le prolongent de quelques lustres. Nous rapporterons encore à ce sujet des ob. servations très judicieuses de l'écrivain cité précédemment et sur l'opinion duquel nous ne pouvons trop nous appuyer: «Il y a une chose bien fâcheuse pour l'esprit, dit-il, c'est qu'il gâte et corrompt presque tous les genres de littérature où il cherche à dominer..... C'est lui qui égara le talent aimable d'Ovide, qui sema de pointes les écrits philosophiques de Sénèque, qui contourna les phrases élégan

[ocr errors]

Lyon, La Mollière, 1791, 100 vol. in-12.

Basle et Deux-Ponts, 1792, 100 vol. in-12.

Paris (édition de Palissot), 1792, 55 vol. in-8.o, tirée à 500 exemplaires.

choisies. Paris, Servière, 1798, 40 vol. in-8.•

Paris, stéréotype, 1800 et suiv., 54 vol. in-18 et in-12, tirée

à 2,500 exemplaires.

choisies. Paris, Nicole, 1810, 21 vol. in-8.o et in-12.

Ajoutons qu'outre ces éditions on a tiré à part ;

[merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small]

id.

Les Questions sur l'Encyclopédie, à . . 150,000 Nous ne parlons ni des ouvrages historiques, ni des poésies diverses, ni des mélanges, qui ont aussi été imprimés séparément en grand nombre.

Arrivons maintenant aux éditions complètes publiées depuis 1817; nous devons dire qu'à cette époque, ou assure qu'il existoit encore à Paris, en magasin, plus de mille exemplaires de l'édition de Kehl, in-8. Cela n'empêche pas que, soit spéculation, soit tout autre motif, plusieurs entrepreneurs n'aient à l'envi jeté sous presse les éditions suivantes, dont la plupart ont des additions inédites, des notes, des remarques, des corrections, etc., etc., etc.

[ocr errors]

307

tes de Pline le Jeune, qui obscurcit les pensées profondes de Tacite ; c'est lui qui dicta à Fontenelle ces dialogues si jolis par la forme et si ridicules pour le fond, qui l'induisit à travestir des bergers en métaphysiciens et en dissertateurs, qui répandit dans les Mondes quelques traits capables de décrier le meilleur ouvrage, et qui défigura même les éloges des académiciens par une affectation de finesse dans les idées et par une certaine coquetterie de style absolument contraire à ce genre; c'est lui qui inspira

OEuvres complètes (éditeur, M. Auger), Paris, Desoer, 1817, 13 vol. in-8.o (y compris un vol. de table), en 25 tomes très forts : c'est l'édition compacte (*).

-

[ocr errors]

Paris, Plancher, 1817-22, 44 vol. in-12.

Paris, Lefèvre et Déterville, 1817, 41 vol, in-8.o

Paris (éditeur, M. Beuchot), veuve Perronneau, 1817 et suiv., 50 vol. in-12. L'éditeur a donné beaucoup de soins aux volumes de cette édition que lui-même a publiés.

Paris (éditeur, M. Renouard), 1819 et suiv., 60 vol. in-8.o Cette édition est sans contredit la plus belle, la plus soignée

et la plus complète de toutes celles qui ont paru.

Paris (éditeur, M. Lequien), 1820, 79 vol. in-8.°

Paris, Carez, Thomine et Fortic, 1820, 60 vol. in-18.

Paris (éditeur, M. Touquet), 1820. D'abord 15 vol. in-12; puis 71 vol. in-12.

Paris (éditeur, M. J. Esneaux), 1821, 60 vol. in-8.o

(*) On a en soin, dans le prospectus de cette édition, de nous prévenir qu'elle seroit en 12 volumes, que chaque volume auroit environ 1000 pages, que chaque page seroit de 50 lignes, et que chaque ligne renfermeroit 55 -lettres. Ainsi, nous voyons par-là que Voltaire a tracé, pour la collection ́de ses œuvres, à-peu-près 33,000,000 de caractères alphabétiques; et si -nous ajoutons le volume de table, ce sera environ 35,750,000 lettres dont se compose cette édition, La Bible n'en renferme que 3,566,480; et l'Alco¬ ran, 323,015 seulement.

à Lamotte ces odes insipides et glacées; .... c'est lui qui altéra par le clinquant l'or des solides beautés dont le poëme du Tasse est enrichi; c'est lui enfin qui nuisit aux dons heureux que l'auteur de la Henriade avoit reçus de la nature : Voltaire écrit-il une histoire, c'est l'esprit qui lui suggère ces épigrammes, ces quolibets, ces facéties, ces mots parfois triviaux dont il souille et dénature le plus grave de tous les genres. L'Histoire de Charles XII, le morceau historique le plus parfait qui soit sorti de la plume de l'auteur, n'est pas exempte de ces défauis; le Siècle de Louis XIV en offre davantage; et l'Essai sur les Moeurs des nations n'est presque en totalité qu'un recueil de plaisanteries quelquefois très piquantes et souvent très fades et très ennuyeuses (1);

(1) Nous croyons que ces épithètes de fades et d'ennuyeuses, auroient pu être remplacées par d'autres plus exactes et plus justes. M. de Bonald qui entre dans plus de développemens sur Voltaire considéré comme historien, ne le taxe jamais d'ennuyeux. « Les Huet, dit-il, les Mabillon, les Tillemont, les Fleury, les Bossuet, les Rollin, les Lebeau, auroient trouvé bien superficiels son étalage d'érudition historique et sa mamière d'écrire l'histoire, sans profondeur, sans gravité, sans autorité. Je ne parle pas de l'histoire de Charles XII, continue M. de Bonald; d'une histoire toute romanesque, il étoit difficile de faire autre chose qu'un roman historique, et celui de Voltaire est pour le style un ouvrage classique. La simplicité du récit y contraste d'une manière piquante avec le merveilleux des aventures, et l'l:istoire ressemble au héros qui étoit simple dans ses mœurs et extraordinaire dans ses actions. » En effet, Charles XII est le chefd'oeuvre historique de Voltaire. « Ces chapitres si bien écrits, connus sous le nom de Siècle de Louis XIV, ou même de Louis XV, ne sont ni l'histoire d'un siècle, ni celle d'un roi, ni celle d'un

Voltaire fait-il une tragédie, c'est l'esprit qui lui dicte ces tirades ambitieuses, ces sentences à prétention si contraires à la vérité du dialogue; c'est lui qui met dans la bouche de Zaïre une dissertation sur l'influence de l'éducation ; dans celle d'Orosmane, un abrégé de l'histoire universelle; dans celle d'Alzire,

.......

peuple, mais la narration rapide et tranchante de quelques événemens remarquables; ce sont quelques scènes d'un grand drame, auxquelles il manque une exposition, un nœud, un dénouement. Le morceau d'histoire le plus important dans les écrits de Voltaire, est son Essai sur l'histoire générale..... >> On sait qu'elle commence où a fini celle de Bossuet qui, dans son admirable Discours, « a lié l'histoire du genre humain à celle du peuple de Dieu, et fait dépendre tous les grands événemens historiques du seul fait de l'établissement du christianisme. Le plan de Voltaire paroît être la contre-partie de celui de Bossuet; et l'intention générale de son Essai, est que la Religion a été la cause de tous les maux et de tous les désordres de l'univers. C'est à-peu-près comme si l'on rejetoit sur la santé toutes les infirmités humaines, parce qu'effectivement on est malade avant de recouvrer la santé, et on meurt quand on l'a perdue. Ce plan est triste et faux; il nie Ja Divinité, et ruine la société par ses fondemens. Le mal, quelque répandu qu'il soit, n'est qu'un défaut, une exception, et ne peut être le sujet d'une histoire générale. Aussi cet Essai prétendu général est tout-à-fait particulier et partial; l'histoire de la Religion est l'histoire des papes; l'histoire des peuples, celle de quelques chefs; l'histoire de la société, celle de quelques hommes. Au lieu d'événemens, des anecdotes dont il est aussi aisé de pénétrer le motif que difficile de découvrir la source; au lieu de réflexions, des épigrammes : toujours le hasard; par-tout des vices et du désordre, une recherche continuelle de contraste entre ce qu'il y a de plus grand dans la société et ce qu'il y a de plus petit dans l'homme, je veux dire ses passions. Cette manière familière à Vol. taire, donne à l'histoire un air querelleur et chagrin, incompatible avec sa dignité et son impartialité..... »

« PreviousContinue »