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« aux matières en litige, politiques ou religieuses. Les succès qu'il obtint ne se « peuvent comparer qu'à la fortune actuelle de MM. Cœur et Deguerry. Il fat « universellement remarqué, et c'est sans doute ce qui lui valut, à l'époque du « concordat, sa nomination à l'évêché de Cambrai. » Eh! mon Dieu! non; ce ne fut pas cela. Ce fut la politique du moment qui crut nécessaire de mettre sur les nouveaux siéges une douzaine d'anciens constitutionnels. J'engage donc l'auteur à retrancher dans une seconde édition tout ce passage, d'autant moins fondé que l'Église constitutionnelle, qui d'ailleurs n'avait point toutes les églises de Paris, était alors à son agonie, et n'attirait point la foule, qu'elle n'eut jamais. En parlant du même prélat il dit qu'il fut élu par le suffrage du peuple, suivant le régime en vigueur. Je puis lui répondre encore qu'à ce sujet le peuple ne fut pas plus consulté que lui ou moi, et que M. Belmas se trouva évêque de l'Aude, un beau matin, à cette époque où ceux de son Église ne voulant point absolument mourir, se hâtaient de faire des évêques sans qu'on sût ni d'où, ni comment. C'est ainsi que M. Belmas succéda à M. Besancel, que le Solitaire appelle à tort son ordinaire. La qualification d'ordinaire ne convient qu'à l'évêque légitime; or l'ordinaire de M. Belmas était à cent lieues de lui et dans l'exil. Cette inexactitude dans un seul mot prouve que la bonne intention ne suffit pas quand on traite les matières si délicates de la théologie, et qu'il est difficile à un écrivain laïc d'y garder une exactitude rigoureuse. J'aime infiniment mieux les éloges si fondés que notre solitaire accorde aux vertas et aux œuvres de MM. Bouvier, Gousset, Guillon, Ravignan, etc.; et c'est à regret que j'omets ici les heureuses expressions dont il s'est servi pour les présenter au lecteur. Dans la biographie de M. Dupont il avait à traiter une question délicate et difficile, relative aux Sœurs d'uue congrégation divisée; non-seulement il l'a fait avec talent, mais il a su rendre à M. l'évêque de Saint-Diez unc justice qu'il méritait dans cette lutte.

L'auteur sait quelquefois, à côté de l'éloge, placer des vérités non moins utiles, et s'il nous fait de M. Coquereau un panégyrique étendu, il ne craint pas de relater les propos hasardés sur son compte. « Ainsi, dit-il, après les on dit (p. 42), « pour faire accepter le catholicisme, n'avait-il pas voilé sous un déguisement « profane sa morale et ses dogmes? Ces enthousiasmes (de marins) subits sup« posaient des condescendances; ces ovations, une vie mondaine et toute ré« pandue au dehors. On n'achète une pareille popularité qu'aux dépens de sa dignité sacerdotale. En fréquentant les soldats, M. Coquereau prenait leur « allure. Il était de trop bonne composition pour les banquets, et portait trop a joyeusement ses toasts. La modestie manquait à sa mise. Il avait en chaire « des façons communes ou prétentieuses. Il recevait les visites en robe de chamabre, la pipe à la bouche, et dans la posture d'un monsieur de steeple-chase: a ce qui veut dire beaucoup.

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Voilà les détails que le Solitaire assure être émanés de bonne source; et néanmoins il les fait suivre d'un rendez-vous à un évêché pour M. Coquereau : la

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chose ne serait pas impossible, à moins que la modestie de M. Coquereau ne l'éloignât du rendez-vous. Est-ce son talent comme écrivain qui pourrait l'y conduire? Voici ce qu'en dit le Solitaire, page 49 : « Il est bon d'examiner l'écri« vain après avoir rendu justice à l'orateur. Ce n'est point là, il faut l'avouer, a son plus beau côté. Voici la première chose que je remarque à l'ouverture du « livre l'auteur n'a pas l'habitude d'écrire. Sa phrase est faible et pénible; sa « pensée a peine à se faire jour sous l'écorce mal polie de l'expression. Il est a emphatique et surabondant. La grammaire elle-même éprouve des affronts.» Puis, avec justice et malice, il rappelle quelques-uns de ces soufflets donnés à la grammaire par M. Coquereau, dont le livre, au reste, a été jugé avec la même équité par l'Institut Historique.

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A côté des éloges accordés aussi à M. Cœur, le Solitaire place les réflexions suivantes, page 422 : « Il prononça son texte. Grand Dieu quel organe et quel « débit! Il a contre lui, dit une petite brochure imprimée à Lille, il a contre a lui un geste continu, saccadé, servant en quelque sorte de balancier à sa paa role. Sa voix, naturellement voilée, qu'il force en prêchant, monte et redes« cend alternativement en gamme de tons toujours faux...

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A ces critiques qu'on ne peut contredire, l'auteur à mêlé, je ne sais sur quels fondements, des reproches ou des plaisanteries, toutes les fois qu'il a eu l'occasion de parler des Sulpiciens. J'en suis surpris et afflige; car le Solitaire, qui donne partout des preuves du meilleur esprit, m'avait accoutumé à trouver plus de justice et d'équité sous sa plume. Pourquoi, lorsqu'il doit ou qu'il veut parler de cette congrégation respectable, ne trouve-t-il plus de ces phrases si bien rendues, de ces éloges si mérités qu'il donne avec raison à la société des Jésuites? On ne peut dire que c'est par précipitation ou ignorance; notre auteur n'est point de ceux à qui on doit faire promptement ce reproche. Il faut qu'il ait été prévenu, c'est-à-dire qu'il ait été trompé par des rapports contre lesquels son tact, son bon sens et sa religion auraient dû le mettre en garde. Avouons-le néanmoins, ce reproche devient moins nécessaire à mesure que son

œuvre avance.

Ici une observation me parait importante; je ne puis me joindre à ceux qui blâment dans ces opuscules ce que, vu sa méthode, son genre et son style, on peut appeler des coups de patte jetés au sujet qu'il veut faire connaitre. Sans doute je crois comme tout homme sage qu'on doit des égards aux vivants; mais je crois aussi comme tout homme juste qu'on ne doit pas les canoniser avant leur mort, et que, si tel se trouve flatté de voir ses qualités détaillées dans ces petites brochures, il doit pardonner si l'on insinue qu'il a quelques imperfections. Qui n'en a pas ? Des hommes vraiment modestes souffrent, je le conçois, de se voir ainsi mis en scène; mais leur modestie n'y peut rien. D'autres, du moins c'est possible, heureux de l'exception qu'on a faite à leur mérite en les mettant sous les yeux du public, trouveront fort mal qu'en écrivant l'histoire de leur vie l'au tear se soit permis de tourner le feuillet, et ait eu la hardiesse de trouver en eux

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autre chose que des qualités louables. A qui la faute? Mais ces biographies étaientelles nécessaires? ne seraient-elles pas dangereuses? Autre question : ce n'est point celle que j'ai à résoudre ; j'ai à juger le livre, et non son opportunité. On dit que l'auteur a eu l'encouragement, et par conséquent l'approbation indirecte de plusieurs prélats: ce que je puis affirmer, c'est qu'il a eu l'assentiment d'un grand nombre des personnages qu'il a fait connaître. A côté des louanges dont l'auteur n'est pas chiche, bien souvent les investigations ou la malice n'ont pu placer de contre-poids. « Voilà une biographie qui ressemble fort à un panégyrique, est-il dit page 55, à la suite de la première de ce volume: c'est la faute « de la vérité. Je ne connais pas M. de Ravignan personnellement ; je n'ai point « l'honneur d'être connu de lui; je copie l'opinion publique. Cette justice univer« sellement rendue au mérite est bien rare; le bon Dieu a voulu qu'elle existat « pour ce bon prêtre. Que son saint nom soit béni: Toutefois, pour arriver à ce a point, ne pensez pas que M. de Ravignan soit homine à transiger avec les préjugés ou les passions. Il a une foi entière et absolue. Lorsqu'il renonçait au « monde, c'était sans réserve : il ne l'a pas revu; il vit dans sa solitude comme « à cent mille lieues de toute terre habitable, si ce n'est que, pour obéir à des « ordres supérieurs, il remplit parfois quelques fonctions au dehors. Sur les points de libre controverse en théologie, ses opinions sont grandes comme « son talent, généreuses et saintement fières comme son âme. Il est de ceux qui « croient à l'infaillibilité du Pape, et ne s'agenouillent pas devant les chartes gallicanes. >>

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M. de Ravignan, qu'il nous dit n'avoir pas de journaux à sa solde, et par conséquent n'aller pas, comme quelques prédicateurs que je nommerais bien, mendier ou présenter eux-mêmes une réclame, M. de Ravignan, « guidé, dit-il « page 19, guidé par de tels maîtres, devait être ce qu'il est devenu. Certes, « pour pulvériser les attaques des calomniateurs, les Jésuites non politiques, « ce qui signifie tout à fait aujourd'hui les Jésuites, n'ont besoin que de leurs « œuvres passées et présentes; peu leur importe même qu'on les compare aux ❝ autres corporations, bien qu'il en résulte pour eux un incalculable avantage; « mais, à défaut du reste, ne suffirait-il pas à cette Société d'avoir compté sou « vent parmi ses membres, toujours parmi ses partisans, les sommités intelli« gentes de toutes les époques, à peu d'exceptions près? M. de Ravignan vient « confirmer par son exemple cette assertion; beaucoup maudissaient la Société << sans la connaître, qui la respecteront parce que M. de Ravignan s'est fait Jé« suite. » Ainsi s'exprime le Solitaire, que quelques-uns appellent un pamphlétaire et un ennemi du clergé.

Ailleurs, l'auteur exprime le regret que, a comme Jésuite, M. de Ravignan ne puisse être évèque, à moins d'entrer dans le cadre de certaines exceptions fort « rares. » (1) Nous partageons son regret; car nous sommes persuadés que le (1) On sait que les Jésuites, ces hommes ambitieux, ne veulent recevoir aucune dignité ecclésiastique, si le pape ne les y oblige sous peine de péché.

moyen d'avoir de bons évêques est d'aller, comme jadis, les arracher à la solitude.

L'auteur, qui bornera nécessairement sa nomenclature, a bien fait d'étendre son choix ailleurs que parmi les hommes que le hasard, la protection, l'intrigue ou le mérite ont posé sur le pinacle; et c'est avec justice qu'il a attiré les regards sur M. Laroque, troisième aumônier des Invalides.

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Le temps et l'espace manquent aux citations que je voulais encore extraire des biographies du savant prélat qui gouverne le diocèse du Mans, de l'éloquent ecclésiastique dont vient de s'enrichir le diocèse de Paris, etc. Vous auriez applaudi à la justice que l'auteur a su leur rendre et à la manière dont il sait s'exprimer. Je n'aurais qu'un reproche à faire au Solitaire sur ces notices intéressantes il a trop souvent substitué aux faits les réflexions ou les citations. Je crois que dans les ouvrages de ce genre les traits historiques doivent dominer, et ce n'est que cela qu'on y cherche. J'aurais à lui citer un modèle dans son volume même, et je lui indiquerais comme la plus parfaite la biographie de M. l'évêque de Maroc. Aux faits abondants et nombreux qu'offrait une vie littéraire et polémique de quatre-vingts ans, il a su joindre une partie bibliographique curieuse, étendue, probablement complète, dont les lecteurs judicieux lui sauront gré.

L'abbé BADICHE,

Membre de la troisième classe de l'Institut Historique.

STORIA DEGLI ANTICHI VASI FITTILI ARETINI,

DAL DOTTORE A. FABRONI.

Vous m'avez renvoyé l'examen de l'ouvrage intitulé: Histoire des anciens vases de terre cuite d'Arezzo, par le docteur Fabroni. Le nom seul de ce savant, l'un des plus illustres de l'Italie moderne, m'avait donné la mesure de ce que je devais trouver d'intéressant dans son travail; et par sa position de directeur du musée d'Arezzo, et par l'étendue de ses connaissances, M. Fabroni était plus que personne capable de remplir la tâche qu'il s'était imposée.

L'antique renommée des vases d'Arezzo est établie par le témoignage de tous les auteurs anciens; mais les descriptions en sont généralement assez vagues, et les auteurs modernes ont apporté peu de nouvelles lumières.

Placer sous les yeux du lecteur le tableau complet de tout ce qui a été dit sur la matière, y joindre de nouvelles observations tirées des monuments, faire connaitre quels sont les auteurs anciens et modernes qui ont parlé de ces vases quels furent leurs formes et leurs propriétés caractéristiques, leurs divers usages, les dessins, les inscriptions qui les décoraient, le mode et l'époque de leur fabrication, tel est le but que l'auteur s'est proposé.

Parmi les auteurs anciens qui ont parlé des vases d'Arezzo, M. Fabroni cite principalement Virgile, Martial, et Pline le Naturaliste; parmi les modernes, Ristoro, Marco-Atilio Alessi, Vasari, Gori, Rossi, Lanzi, Angelucci, Pignotti; enfin les bulletins de l'Institut de correspondance archéologique de Rome, et le savant Inghirami, l'illustre auteur du grand ouvrage publié en 1824 sous le titre de Monumenti Etruschi, o di nome Etrusco.

Quelques vases d'Arezzo sont dispersés dans les divers musées, mais il n'en existe que deux collections importantes, et toutes deux sont à Arezzo. La première est le cabinet Rossi Racci, provenant tout entier, de Cincelli, l'antique Centum Cella; l'autre est le musée public de la ville, composé de vases trouvés presque tous dans Arezzo même, ou aux environs, dans les diverses fouilles nécessitées par des travaux publics.

Les vases d'Arezzo sont légers, d'une pâte homogène, compacte, couleur d'ocre rouge, plus pâle à l'intérieur; ils sont couverts d'un vernis très-mince, brillant, d'un rouge de corail, plus rarement d'un noir tirant sur le bleu ; plus rarement encore ils sont gris ou couleur de fleur de pêcher. Leurs formes sont variées et élégantes; les figures et les ornements en relief, d'un dessin correct et d'un excellent goût. Cette pureté de style et le relief des figures les distinguent principalement des vases italo-grecs, dits étrusques, qui ne portent que des peintures. Les vases d'Arezzo offrent plus d'analogie avec les vases de Nola et du reste de la Campanie; seulement ils sont beaucoup plus légers; il existe entre eux la même différence qu'entre nos porcelaines communes et les anciens produits de la manufacture royale de Sèvres. Les vases de la Campanie étant beaucoup plus répandus que ceux d'Arezzo, et ayant été imités dans tous les pays, et en particulier dans les Gaules, les antiquaires ont l'habitude de désigner sous le nom de terra Campana toutes ces poteries rouges vernissées qui se trouvent en si grand nombre sur tous les emplacements d'établissements ro mains. C'est dans ce sens que j'ai employé cette expression dans un Mémoire sur les antiquités de Broin, inséré dans le journal de l'Institut Historique, mémoire que cite M. Fabroni, en supposant que le vase dont je parle peut être de la fabrique d'Arezzo.

Il est à remarquer que les vases noirs, plus rares que les rouges, sont aussi plus simples; les ornements sont moins riches, et quelquefois, au lieu d'être en relief, ils sont simplement gravés en creux.

Les principales formes des vases d'Arezzo étaient celles de coupes, de patères; ils sont généralement assez petits; quelques-uns cependant paraissent avoir servi d'urnes funéraires ; mais leur emploi le plus fréquent était sur les tables et dans les sacrifices. M. Fabroni publie une longue liste de noms de fabricants gravés sur les vases, et les rapproche de ceux déjà publiés par Gori et Alessi.

Les planches nombreuses qui accompagnent cet ouvrage sont gravées avec une exactitude, une conscience, que trop souvent nous cherchons en vain dans

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