Page images
PDF
EPUB

THEATRE MOLIÈRE, rue Saint-Martin, n° 107, bati par Boursault-Malherbe, littérateur et comédien, représentant du peuple, arrière-petit-fils de Edme Boursault, auteur du Mercure galant, et de plusieurs autres comédies. Cette salle de spectacle, ouverte en 1791, fermée et rouverte à diverses époques, fermée depuis le 5 novembre 1832, est maintenant occupée par une entreprise de bals publics.

CRISPIN MUSICIEN.

HAUTEROCHE, 1674.

ACTE I, SCÈNE X.

PHELONTE.

Allons cette chaconne en C sol ut.

La chaconne est un air de danse, à trois temps, très long, qui servait de finale aux ballets comme aux opéras. La chaconne, la passacaille, la bocane, les branles, la pavane, la contredanse, la forlane, les tricotets, la bergamasque, la provençale, l'allemande, l'anglaise, le rigaudon, la bourrée, la volte, la morisque, la gaillarde, le tambourin, le passepied, la courante, la sarabande, la gigue, les canaries, le menuet ou les menuets, la montferrine, la gavotte, la polonaise, ont cessé de figurer dans notre musique de ballet. La farandoule s'y montrait encore naguère. La musette, que plusieurs nommaient loure, est toujours d'un usage fréquent pour les sujets rustiques. Nous avons acquis le pas styrien, la mazourque, le pas russe, la cachucha, le bolero, le fandango, le jaleo, la polka, le galop, la rédova, le schotich.

La valse, que nous avons reprise aux Allemands, vers la fin du siècle dernier, la valse est depuis plus de quatre cents ans une danse française; témoin le Voyage du frère Audric, cordelier. Lisez, dans ce livre curieux, lisez le chapitre qui porte cet argument: La grande merveille de la valse d'enfer et périlleuse. C'était le prélude, l'introduction de la Ronde du Sabbat, de Victor Hugo. Le frère Audric écrivait au commencement du XIVe siècle.

Plusieurs noms de ces danses présentent un intérêt historique, et méritent d'être expliqués.

La chaconne était une danse prolongée outre mesure, interminable comme une chanson d'aveugle. On l'appela ciecona, de l'italien cieco, aveugle. Vivement sollicité par Gaëtan Vestris, Gluck consentit à mettre une chaconne dans Iphigénie en Aulide, 1774.

Les tricotets furent ainsi nommés à cause du trépignement fait par le danseur, frappant le parquet autant de fois qu'il y a de notes dans la mélodie; il tripudiait, tricotait avec les instruments. Henri IV exécutait fort bien cette danse favorite, et marquait toutes les notes qui portèrent ensuite ces paroles de boire, de battre, et d'être un vert galant. La chanson Vive Henri Quatre fut ajustée sur l'air des tricotets, antérieur au règne de ce prince. On dit encore aujourd'hui qu'un cheval tricote, lorsqu'en marchant, il remue beaucoup les pieds

sans avancer.

La bocane porte le nom de son inventeur Bocan; et le rigaudon celui de Rigaud, par la même raison. Rigaud, maître à danser de Marseille, sut donner à la combinaison de ses pas toute la gaieté, la vivacité des naturels de ce pays; gaieté qu'il possédait lui-même au suprême degré, témoin ce dicton provençal : Galoi (1) coma un rigaud, gai comme un rigaud. Une difficulté se présente: rigaud signifie rouge-gorge; il se peut très bien que la gaieté pétulante attribuée au danseur marseillais se rapporte à l'oiseau; l'adjectif un en donnerait la certitude, s'il était prouvé que Rigaud n'est pas un sobriquet désignant la précieuse légèreté du baladin. N'avions-nous pas à l'Opéra, Malter l'Oiseau, Malter le Diable et Malter la Petite-Culotte? Dans tous les cas, nous devons écrire rigaudon et non pas rigodon, orthographe vicieuse que l'Académie préfère. Plusieurs disent pas de si sol, voulant ainsi désigner le pas de Sissonne, inventé par Sissonne, maître à danser.

MENUET, danse française originaire de Poitou; ses petits, ses menus pas, l'ont fait appeler menuet ou menuets.

(1) Dont les Français ont fait galoise.

LE MAITRE de musique.

Vous en serez content; et, entre autres choses, de certains menuets que vous y verrez.

M. JOURDAIN.

Ah! les menuets sont ma danse, et je veux que vous me les voyiez danser.

MOLIÈRE, le Bourgeois gentilhomme, acte II, scène 1.

Les bergers normands du XIVe siècle sonnaient d'une espèce de cornet désigné sous le nom de menuet par les anciens statuts. Leges forestarum, capitulus II.

Le marquis de Flamarens importa le menuet en Angleterre et le dansa très galamment à la cour du roi Charles II, vers 1676. C'est alors que, par un heureux échange, les Anglais nous donnèrent la contredanse.

Russel était un des fiers danseurs d'Angleterre, je veux dire, pour les contredanses. Il en avait un recueil de deux ou trois cents en tablature, qu'il dansait à livre ouvert; et, pour prouver qu'il n'était pas vieux, il dansait quelquefois jusqu'à extinction. Sa danse ressemblait assez à ses habits; il y avait vingt ans que la mode en était passée. » HAMILTON, Mémoires du comte de Gramont.

La gavotte nous vient des Gavots, montagnards des environs de Gap et de Briançon. Les poires gavottes, récoltées sur le versant des Alpes françaises, sont apportées dans nos départements méridionaux. C'est par corruption qu'on les appelle garottes en Provence. Les Gavots, garçons du devoir, ont conservé leur nom de compagnonnage.

La passacaille, dansée originairement en Espagne sur un pasa calle, air courant les rues, était une espèce de chaconne moins développée, d'une mélodie plus tendre, avec moins de prestesse dans le mouvement. On trouve encore une passacaille dans l'Iphigénie en Aulide, 1774, et l'Alceste de Gluck, 1776.

Les joueurs de reversi, de houist, de piquet-voleur, etc., se servent du mot passacaille pour désigner l'action de celui

qui laisse passer une carte qu'il pourrait prendre; plusieurs disent impasse. Une infinité de termes créés pour la musique, la danse, la chasse, le jeu de paume, ont été successivement introduits dans la conversation familière.

Descendez Cybele; ceux qui se servent à chaque instant de cette expression, en jouant à l'impériale; ceux qui l'emploient pour inviter, familièrement, une jolie femme à passer du premier étage au rez-de-chaussée, ne savent peut-être pas d'où vient ce dicton proverbial, et ce qu'il signifie. S'ils voulaient tracer leur invitation sur le papier, croyez qu'ils écriraient Descendez si belle, afin qu'il ne manquât rien au compliment. Il est donc indispensable, nécessaire et même utile, que je fasse disparaître les doutes qui pourraient s'élever à cet égard.

Dans Atys, opéra de Quinault, musiqué d'abord par Lulli, 1676, remusiqué par Piccinni, 1780, Atys et le chœur des Phrygiens s'évertuent à chanter, au lever du rideau :

Allons, allons, accourez tous,
Cybele va descendre.

Et, ne doutant pas de l'excellent naturel de cette déesse, ils disent ensuite Descendez Cybèle. Ces mots proférés en solos, en duos, à grand chœur, et mille fois répétés sur les théâtres, passèrent bientôt dans les salons, et furent adoptés généralement pour les entretiens où l'étiquette n'imposait pas de trop sévères lois. Le premier, Cybèle va descendre, obtint plus de crédit à cause de l'impériale, où les joueurs sont forcés de descendre, d'annuller, démarquer leurs jetons, lorsque la chance leur est défavorable. Le joueur heureux dit alors à son adversaire: Descendez Cybèle.

L'impériale fut ainsi nommée, parce que l'empereur Charles Quint l'aimait beaucoup, et la jouait très bien.

La fanfare des cors en ré, dont Piccinni s'est servi pour avertir Cybèle de la présence des Phrygiens, ce prélude brillant de leur prière, est le même, note pour note, que l'appel de cors en ut placé, vingt ans plus tard, par Dalayrac,

« PreviousContinue »